Les formes de la pensée et les contours de l'Univers

Publié le par Ysia

La philosophie est la forme vernaculaire de tous les objets, physiques et conceptuels. Nous nous trouvons dans une mission de vie visant à identifier chacune des ombres qui nous entourent. La connaissance est une vue perspective souvent grossière, parfois précise. Elle colore nos attentes quant à ce qui reste hors de portée. Même une conception de la réalité centrée sur le vide attacherait toujours une forme à l'objet.

J'ai pris la décision de publier en français des articles que j'avais écrits il y a quelques années pour me permettre de réfléchir dans ma langue natale, dresser un bilan, identifier des avenues laissées de côté et avancer mon processus de pensée. Le mot « nothingness » central sur mon blog en langue anglaise est-il « néant » ou « rien » ?

Le philosophe français Tristan Garcia écrit que rien est « la forme en négatif de quelque chose sans ce quelque chose. Rien, ce n’est donc pas le contraire de quelque chose, mais plutôt le contraire de quelque chose ajouté à l’absence de ce quelque chose ». Cette prise de conscience a été mise en évidence dans le passé par les philosophes taoïstes et les maîtres du bouddhisme zen.

Les objets laissent leurs empreintes dans la trame de l’espace-temps et forment une complexité physique multidimensionnelle  comme dans une toile d’araignée. Nous nous demandons ce qui se trouve en dehors de l’Univers observable. Dès que nous essayons de saisir le « rien » en flagrant délit, il devient un objet, peut-être une particule hypothétique ou une corde cosmique. Jusqu’à présent, nous avons trouvé couches après couches des objets de masse infinitésimale.

Je souhaite visualiser la porte tournante des particules, leurs mouvements de danse, ce que les physiciens décriraient comme leur couplage et leur découplage. Les neutrinos jouent un rôle fondamental dans les particules infinitésimales qui passent au travers de la réalité quadridimensionnelle et nagent dans des dimensions supérieures. Ils affectent la structure et l’évolution de l’Univers par les contraintes qu’ils imposent à la formation des galaxies. Bien que leur émission puisse être attribuée aux sursauts de rayons gamma des supernovae, aux collisions hadroniques et aux réactions nucléaires des étoiles comme le Soleil, les neutrinos forment une fraction plus importante de la densité de matière dans les vides que dans les régions plus denses.

La longueur de flux libre des neutrinos est comparable à l'étendue des vides. À des échelles inférieures à cette longueur, ils inhibent la croissance des structures. Une étude de 2019 visant à explorer les effets des neutrinos massifs sur les halos de matière noire dans les galaxies au sein de vides a conclu que, pour tous les halos et les ceux situés dans les vides, l'augmentation de la masse des neutrinos conduit à une diminution du nombre de halos massifs, mais plus important encore, cet effet est plus prononcé dans la population de halos dans les vides.

La masse des neutrinos et leur nombres jouent-ils un rôle dans l'expansion de l'Univers ? Et si nous vivons dans une grande sous-densité appelée vide de Keenan-Barger-Cowie, l'expansion est-elle uniforme ou peut-elle varier localement par rapport aux parties plus denses de l'Univers et, par là même, être un facteur dans l'apparition de la vie ?

Les neutrinos cosmiques passent à  travers nous à chaque seconde. Ce qui est troublant, c’est que cela se produit sans que nous nous en rendions compte, car notre Univers visible chevauche un royaume invisible de particules, tel un ensemble complexe multidimensionnel de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Les neutrinos sont peut-être plus abondants que tout autre type de particule, à l’exception peut-être des photons.

Une fois produits, ils sont difficiles à détruire. On s’interroge alors sur leur durée de vie. Notre compréhension des processus impliqués dans les masses finies mais minuscules des neutrinos pourrait nous aider à gagner du terrain et à repousser encore plus loin le concept du « néant ». Les processus de désintégration et les dynamiques relationnelles font l’objet d’un grand nombre d’études, ce qui incite les physiciens des particules à imaginer toutes sortes de scénarios pour expliquer comment les neutrinos obtiennent leurs masses minuscules. En prenant du recul, du point de vue philosophique qui domine la forêt des théories, le « rien » sans forme attend derrière les rideaux de neutrinos cosmiques ou d’un champ gravitationnel.

L’Univers est plein de formes qui changent et se déplacent constamment. À partir de la singularité initiale, le taux d’expansion mesure la vitesse à laquelle les corps individuels s’éloignent les uns des autres et l’ampleur des changements de position par rapport à ceux d'autres corps de l’Univers, avec – si je comprends bien – des degrés de liberté tels que ceux qui ouvrent de nouvelles dimensions. Mais, au niveau quantique, ce qui change, ce ne sont pas les positions des particules, soutient Steven Weinberg, mais quelque chose appelé le vecteur d’état, que je lirais comme un concept, une idée métaphysique qui me ramène au formalisme du vecteur à deux états.

Avec les électrons, les muons et les taus, les neutrinos forment un ensemble de particules appelées leptons. Ils ont une hélicité gauche, ce qui incite à rechercher des neutrinos avec une hélicité droite tels que les particules hypothétiques appelées neutrinos stériles. Parmi d'autres particules hypothétiques, les majorons - par leur interaction avec les neutrinos - et les neutrinos stériles sont introduits comme de possibles particules de la matière noire dans le but d'élucider l'asymétrie observée entre matière et antimatière et l'origine de l'expansion de l'Univers. Les chercheurs étudient par ailleurs si les neutrinos sont leurs propres antiparticules. 

Thought forms and shapes of the Universe (Google - Labs - Image FX)

L'Univers et ses formes influencent la formation de nos pensées : c'est bien cela la conscience au sens large. Il existe un langage, une relation entre eux, comme l'effet d'une action sur une autre dans une succession d'occurrences infinies, sauf que, comme dans un miroir, les formes convergent à rebrousse chemin. L'Univers repose sur des concepts versatiles. Les formes floues d'un objet géométrique décrits sur la base d'axes de coordonnées émergent. Les cercles deviennent elliptiques ou sphériques.

L'Univers a-t-il la forme du Soleil, de la Terre ou d'une galaxie plate ? Est-ce autre chose avec une forme plus irrégulière comme un cerveau ambulant ?

Espace Temps Gravité
Liberté  Existence Essence
Entropie Information Energie
Agencement Sensibilité  Conscience

Le cadre de référence relationnel ci-dessus crée dans mon esprit l'image de trois pyramides inversées. Il transmet l’idée intuitive qu’il n’y a pas d’agencement sans espace, de sensibilité sans la marche du temps, ni de conscience sans la force de gravité.

Bien sûr, cette liste préliminaire de concepts fondamentaux n’est pas exhaustive et peut être considérée non seulement horizontalement, verticalement, mais aussi de toute autre manière. En fin de compte, il n’importe guère de se tromper. Au moins, la reconnaissance d’une erreur ouvre la porte à l’inattendu. Les incertitudes influencent les formes de nos pensées et celles par conséquent de l’Univers. Ce qui est le plus à redouter est l’état de confusion qui précède une étincelle dans l’obscurité.

Peut-être, comme le fait remarquer Steven Weinberg, qu' il n’y a pas de théorie sous-jacente, que tout ce que nous obtiendrons jamais sera un amoncellement de théories approximatives, chacune valide dans des circonstances particulières, et concordant entre elles lorsque les circonstances universelles se superposent les unes aux autres.

Les études théoriques et les modèles scientifiques ou philosophiques sont ce que nous faisons lorsque nous osons aller au-delà de ce que nous pouvons tester directement sur Terre. Les théories approximatives sont des pavés sur la voie de la recherche de tout ce qui semble être en constante évolution.

Partager cet article
Repost0

Le monde de la pensée

Publié le par Catherine Toulsaly

Ruth Renkel a écrit: « N'ayez pas peur des ombres. Elles signifient simplement qu'une lumière brille quelque part à proximité ». Ruth était une auteure sourde d’Elyria, dans l’Ohio, décédée à l’âge de 68 ans en décembre 1983. En juin 1973, le Elyria Chronicle Telegram publiait un article sur elle.  À cette époque, elle avait déjà 25 ans de métier et écrit des centaines de gags pour des dessins animés.

C’est fascinant de voir comment les mots ont une vie propre. Ils résonnent en nous et laissent des miettes sur leur chemin. Dans mon cas, le mot « ombre » me hante.

Les écrivains jouent le rôle de gardiens de l’âme. Ils se nourrissent de sons, d’émotions, d’éclairs de lumière, de rêves qui s’accumulent les uns sur les autres à tel point qu’ils ne savent plus où se trouve la réalité.

Lorsque nous fermons les yeux par une nuit étoilée, nous ressentons la présence d’ombres à l'écoute du bruissement des étoiles. Des ombres fugaces murmurent des échos et courbent la trame de l’espace-temps. Elles suggèrent la présence lointaine d’une masse non identifiée alors dont les vagues se propagent à partir de la source.

Il y a un jeu de cache-cache entre lumière et ombre. Notre anticipation qu'une lumière brille à proximité découle de cette certitude qu'il n'y a pas d'ombre sans lumière tandis que les lueurs ombragées d’un disque rendent visible la région des photons en orbite juste à l’extérieur d’une gorge infinie.

Dans chaque phénomène, il y a une part manifeste et une part cachée. Lorsque trois galaxies entrent en collision, qu’arrive-t-il aux trous noirs en leur centre et à leurs halos de matière noire ? Des trous noirs microscopiques vont-ils éclabousser l’objet résultant ? Une étude a analysé sept fusions de galaxies triples proches et en a trouvé une avec un seul trou noir supermassif en croissance, cinq avec des trous noirs supermassifs en croissance double et une avec un triple. Mais je me demande toujours comment cela se passe à l'échelle microscopique.

Un autre étude observe que de nouvelles informations sur la microstructure des trous noirs pourraient être apportées d’un point de vue géométrique. Tout n'est-il pas que géométrie ? Ou, plus précisément, tout n'est-il pas que champs de gravité multidimensionnels tracés géométriquement ?

Comment les trous noirs s’évaporent-ils ? Leur effondrement gravitationnel offre l’image de leur désintégration, processus thermodynamiquement irréversible, bien que certains soient peut-être comme des tunnels que font les vers de terre.

Les mathématiques répondent à notre besoin de voir l’Univers comme une réalité structurelle. Nous dessinons des représentations abstraites des structures physiques et  décortiquons les quantités physiques sous des couches de mathématique. Les théories empêchent les initiés de s’y introduire et les profanes d’y accéder. Je ne parviens pas à comprendre le lien entre « moonshine » et la théorie des cordes, pas plus que la différence entre les théories des supercordes. Alors, où allons-nous à partir de là si nos chemins nous éloignent ? Les représentations géométriques, en revanche, me captivent.

Dans mon esprit et devant mes yeux défilent les ombres de trous de ver et de trous noirs à l’autre bout de l'Univers, des êtres de lumière qui percent les branches des arbres à proximité et les bruants à gorge blanche chanteurs matinaux devant ma fenêtre.

Les mots se transposent d’un domaine à l’autre. Ils troquent leur manteau culturel ou philosophique contre un vernis mathématique. Une représentation fidèle d’un groupe fini renvoie à quelque chose de plus abstrait qu’une composition artistique. Une fonction d’ombre en mathématiques n’est pas une fonction d’ombre en psychologie. Je voudrais me faire une image mentale des structures algébriques et visualiser comment les groupes finis et les objets modulaires sont exactement liés via des structures physiques. 

Parmi les cinq opérations fondamentales de l’arithmétique, si je peux comprendre l’addition, la soustraction, la division et la multiplication, les formes modulaires semblent mystérieuses car elles satisfont un certain nombre de symétries internes. Les formes modulaires, a déclaré Barry Mazur, sont « des fonctions sur le plan complexe qui sont disproportionnellement symétriques… leur simple existence semble être un accident. Mais elles existent bel et bien ».

Les chemins de la vie (Google - Labs - FX)

Les ombres des formes modulaires créent dans mon esprit un lien avec l’image spatiotemporelle de chaque pas dans une vie entre la maison et les promenades dans le quartier, de chaque distance parcourue dans les airs, sur la mer, sous terre et autour du globe pour former une structure monstrueuse en forme de toile d'araignée avec des événements de la vie réelle comme points d’espace-temps. Toutes ces distances d'une vie qui s'ajoutent l'une à l'autre créent-elles, elles aussi, une représentation géométrique remarquablement symétrique ?

Parmi les nombres, des regroupements ont été faits. Les mathématiciens ont déterminé 18 familles infinies et 26 groupes sporadiques, dont le plus grand est le groupe monstre Fischer-Griess dit M dont la plus petite dimension est 196883. Le groupe M contient 20 des 26 groupes sporadiques comme sous-groupes, et ces 20, y compris les cinq groupes de Mathieu et le groupe de Thompson, sont censés former trois générations d’une famille heureuse selon Robert Griess. Il a été suggéré que le groupe M trouve son origine dans une théorie de la gravité en 26 + 1 dimensions. Les six autres groupes sporadiques sont appelés les parias, y compris le groupe d’O’Nan découvert en 1976.

Quand nous disons que l’Univers est une structure mathématique, est-ce basé sur l’observation scientifique ou sur la façon unique dont nous nous connectons à lui ? Notre cerveau est peut-être celui qui aspire à la structure. Il numérote, classe et hiérarchise naturellement.

Les théories forment un labyrinthe de boîtes imbriquées dans lesquelles il semble impossible de s’y retrouver. Chaque sujet est une boîte dans une boîte. Chaque sujet glisse de la thermodynamique à la géométrie de l’information. Chaque concept devient représentationnel. Il est transposé, traduit et conjugué à un autre. Les correspondances de moonshine sont frappantes en raison des symétries internes révélées. Les vastes nombres impliqués dans le monstrueux moonshine rendent d’autant plus difficile de le décrire comme d'une coïncidence.

Dans le monde de la pensée, où toutes les dimensions de type espace ou temps existent au-delà de notre conscience immédiate, les ombres suggèrent des symétries cachées et le caractère translationnel des fractales. Nous ne sommes pas conscients des dimensions supplémentaires parce qu'elles gouvernent l'infiniment petit et l'infiniment grand. Depuis un siècle, écrit Steven Weinberg, les physiciens spéculent que notre espace-temps à quatre dimensions pourrait en réalité être intégré dans un continuum dimensionnel supérieur.

Des référentiels inertiels fournissent la preuve observationnelle d'un lien intime entre l'inertie et la gravitation. Cette même nuit étoilée, les yeux grands ouverts, nous tournons sur nous-mêmes tandis que les étoiles tournent avec nous dans une danse synchrone. Dans ce référentiel inertiel au milieu duquel nous nous tenons, nos bras se soulèvent irrésistiblement. Nous ressentons l'immatérialité des ombres au-delà des quatre dimensions.

Les réalistes se méfient de l'aspect translationnel des symboles dans leur recherche de preuves rigoureuses. Les idéalistes trouvent un sens dans les ponts entre les concepts. D’un côté, nous pourrions définir une « dimension » comme rien de plus qu’un autre axe de coordonnées, un autre degré de liberté. De l’autre, une dimension peut en effet englober un état supérieur, ouvrir une porte vers un tout nouvel Univers. Notre espace-temps à quatre dimensions est la pointe de l’iceberg cachant des dimensions extra-petites qui se contractent et se compactent par des voies sans trace dans notre réalité observable. L’Univers quantique pourrait nous donner accès à l’infiniment petit, tandis que les fractales de l’infiniment grand affichent des représentations infiniment dimensionnelles de l’autre extrémité du spectre. Au-delà des quatre dimensions, la théorie de Kaluza-Klein ajoute un champ de dilatons. En 2017, Stéphane Collion et Michel Vaugon ont proposé une nouvelle approche de Kaluza-Klein en montrant qu’un cadre de géométrie unifié pourait être défini pour inclure à la fois la gravitation et l’électromagnétisme.

Les recherches sur l’infiniment petit ont permis la découverte de 59 nouveaux hadrons au cours des 10 dernières années par le Grand collisionneur de hadrons. J’imagine des théories de dimension multiples pleines de particules sans masse.  La réalité, telle qu’elle se présente à l’extérieur de nous, n’est pas seulement mathématique mais conceptuelle. Chaque concept des quatre cercles de référence qui définissent l’essence de l’information pourrait être considéré comme une toute nouvelle dimension.

Partager cet article
Repost0

Interlude Philosophique

Publié le par Catherine Toulsaly

Les théoriciens sont des idéalistes qui s'affrontent entre eux avec des rêves. Notre cerveau détient la clé pour unir l’infiniment grand et l’infiniment petit. Alors que certaines énigmes sont laissées aux calculs de pointe, cachées dans un code mathématique, enfermées dans des motifs géométriques, les poètes tentent de tenir le registre des pensées qui s’évanouissent et convertir les rêves en un objectif commun. L’abîme, écrit Lucien Braun, entre l’expression de ce qui est et ce qui reste inexprimé, commande la « maladresse » de la pensée. Au-delà de l’énonciation des similitudes et de l’identification des connexions, nous ne saisissons guère toutes les nuances de sens d’un seul concept. Il existe une lutte dans notre cerveau avec le verbe pour lui faire dire l’indicible.*

Il semblerait plus facile de transposer des idées philosophiques dans le domaine de la science que l’inverse. « Une partie cruciale du développement de théories scientifiques », écrit James Owen Weatherall, « est de prendre des concepts de base et de les rendre suffisamment précis pour soutenir la recherche scientifique. Mais adapter nos idées intuitives aux exigences plus rigoureuses de la science peut entraîner des changements radicaux dans notre conception de la réalité. » Si l’espace et le temps peuvent être courbés même lorsqu’il n’y a rien, comment peut-on encore parler de néant ?

undefined
Time is born in a void, lost in a black hole (Google Labs)

Les vides semblent être les régions dominées par l’énergie la plus sombre de la toile cosmique. S’ils sont remplis de ce genre d’énergie du vide libre d’interagir avec la matière noire, ils font partie de la solution pour trouver le début du temps. Le temps naît dans un vide et se perd dans un trou noir. Qu’il existe des zones d’antimatière, des marionnettistes d’énergie noire, des ombres de halos de matière noire, des trous blancs jaillissants et des trous noirs engloutissants, tout cela pourrait avoir un sens un jour.

Je m'imagine difficilement ce qu’est d’être un espace dépourvu de matière. L’immobilité, le silence et l’invisibilité en sont les attributs. Les trous noirs attirent la matière et les vides la dispersent. Ce qui unit l’infiniment grand et l’infiniment petit émerge et se construit au fil du temps à partir de vides intemporels dont les formes gonflent et rétrécissent. Nous ne vivons pas seulement à la limite extérieure du Vide local, mais à l’intérieur du périmètre d’une grande sous-densité autour du Groupe local, connu sous le nom de Vide de Keenan-Barger-Cowie. Cela implique la nécessité d’un changement radical dans notre conception de la réalité, une vision centrée sur le vide de notre région, une révolution dans notre cadre de référence. Descartes écrit: 

je désire que vous pensiez que la lumière n’est autre chose, dans les corps qu’on nomme lumineux, qu’un certain mouvement ou une action fort prompte et fort vive qui passe vers nos yeux par l’entremise de l’air et des autres corps transparents en même façon que le mouvement ou la résistance des corps que rencontre cet aveugle passe vers sa main par l’entremise de son bâton

Descartes

La lumière, soutient Maxwell, est un « phénomène électromagnétique dont les lois peuvent être déduites de celles de l’électricité et du magnétisme, sur la théorie que tous ces phénomènes sont des affections d’un seul et même support ». Nous avons toujours privilégié une substance décrite comme l' éther luminifère, à savoir la distribution énergétique des photons dans les lumières cosmiques.

Nous voyons plus loin en nous appuyant sur les épaules de ceux qui nous ont précédés, en gravissant des marches invisibles dans l’espace et en tirant les ficelles attachées à des engins spatiaux aussi éloignés que l’espace interstellaire. Il faut cependant garder à l’esprit la possibilité que « ce soit la présence d’un champ gravitationnel qui fasse émerger la forme descriptive d’un système physique du domaine de la physique quantique pure », écrit Roger Penrose. Nous avons appris que les corps astronomiques exercent une force gravitationnelle les uns sur les autres et s’influencent mutuellement en modifiant la structure géométrique de l’espace et du temps. Le néant est l’arrière-plan du champ gravitationnel dans lequel une conversion photon-graviton peut se produire par le biais de puissants champs magnétiques primordiaux.

Nous pensons non seulement que les champs magnétiques primordiaux ont été générés par la magnétogénèse pendant et après l’inflation cosmique, mais il est suggéré que des monopôles magnétiques quantiques ont été créés avant l’inflation. Barbour écrit que ces monopôles magnétiques pourraient être aujourd’hui si largement répandus dans l’Univers que nous ne pouvons raisonnablement pas nous attendre à en observer. Supposons qu’ils aient joué un rôle lié à la matière noire, quel est alors la relation entre la matière noire et les champs magnétiques primordiaux?

La dérive décrit le chemin de mon esprit vagabond. Dans la recherche d’un vide absolu, d’un vide parfait se profile la définition de Descartes d’une extension comme l’existence nécessaire d’une substance. Même les vides et les trous noirs ont des formes et des champs magnétiques. Alors que l’essence de l’information voyage à la vitesse de la lumière, le néant reste introuvable à l'intérieur des quatre dimensions.

 

* Lucien Braun, Paracelse

Partager cet article
Repost0

Au Loin

Publié le par Catherine Toulsaly

L’hypothèse selon laquelle le Big Bang serait le résultat d’une fluctuation quantique d’un état antérieur ouvre la porte à d’autres questions. Si l’intemporalité implique une chronologie infinie ou un processus de rebondissement sans fin, pourquoi notre cerveau ne comprend-il que les limites ? Le mien hésite à faire le grand saut en avant. Un système peut être symétrique dans la mesure où il est constitué d’une partie qui avance et l’autre qui recule. Ce qui me laisse perplexe, c’est de savoir si une division temporelle se situe à l’intérieur de la boîte traversée par des cercles ou des lignes de sous-systèmes passés et futurs ou à l’extérieur dans un état plus vaste et intemporel. De nouveaux univers sont créés tandis que des chaînes d’événements se produisent dans le passé et le futur, soit dans un multivers, soit dans un univers créé par des sous-systèmes.

Lorsqu’il s’agit de la flèche du temps, nous avons tendance à chercher des réponses « dans la boîte et non dans l’Univers ». Nous croyons connaître  sa forme et son âge, mais ce que nous savons de sa taille se limite à ce que nous pouvons observer : 46,5 milliards d’années-lumière de rayon, soit 93 milliards d’années-lumière de diamètre. Alors que les connaissances s’accroissent rapidement avec le temps et les nouvelles capacités techniques, l’Univers continue son expansion comme pour rester hors de notre portée. Nous supposons qu’il existe sans être affecté par des influences « extérieures ». Dans le domaine des analogies, le cerveau est une porte d’entrée entre ce qui est et ce qui n’est pas. De même, j’ai le sentiment que le Big Bang est une phase par laquelle passe l’Univers.

Farfarout (Google - Labs - Image FX)

En octobre dernier, j'écrivais que « notre présent fait autant partie du passé que de l’avenir pour l’observateur qui regarderait l’espace depuis l’autre côté de l’Univers ». Pour autant qu’ils puissent le déterminer, les deux observateurs pensent que l’autre vit dans le « passé ». Aujourd’hui, nous avons détecté le quasar le plus éloigné jamais connu, J0313-1806, tel qu’il aurait pu apparaître il y a plus de treize milliards d’années. Sa structure effondrée contient un trou noir supermassif qui est apparu seulement 670 millions d’années après le Big Bang. Nous avons également découvert le protoamas LAGER-z7OD1 alors que l’Univers n’avait que 770 millions d’années.

Imaginons qu’un observateur observe les étoiles depuis son extrémité – qu’il s’agisse d’un cerveau désincarné ou d’un objet céleste sensible. Ils verraient ce qui se passait trois milliards d'années avant la collision entre la galaxie naine Gaïa-Encelade et l'ancêtre de notre Voie Lactée. Ils entrevoiraient le règne des bulles lors de la réionisation cosmique.

D’ici la fin de l’année, le télescope spatial James Webb, notre dernière machine à remonter le temps, sera enfin lancé. Il sera opérationnel d’ici la mi-2022. Dans notre esprit, les premières lueurs de l’espace-temps constituent une étape importante dans la nature macroscopique de l’espace-temps. S’il existe un point Janus, l’Univers de l’autre côté n’est pas un « reflet miroir exact », souligne Barbour. Il existe un seul passé pour deux futurs distincts qui en émergent. Nous vivrions dans un univers à symétrie temporelle à très grande échelle. Ce que nous voyons dans ces premières structures est une mémoire fractale. Les quasars et les galaxies naines ont joué un rôle essentiel dans la formation des galaxies massives et dans le processus de réionisation. Les conditions initiales entourant la formation des premiers objets célestes évoquent l’image de galaxies naines qui ont été observées comme si elles sortaient du vide local.

Mais alors, si le Big Bang n’est pas un événement unique, comment concilier l’inflation éternelle ou la cosmologie du rebond avec une flèche du temps inversée ? L’Univers n’a pas suivi un chemin d’évolution unitaire. Je suppose qu’il est peu probable qu’il puisse se rétracter dans la forme exacte de ses conditions initiales. Les systèmes à points Janus ne sont peut-être pas sujets à la récurrence – ils ne rentrent pas dans une « boîte ». Les flèches existent « non pas à cause de fluctuations en probabilités mais à cause d’une nécessité dynamique ».

L’information afflue dans mon cerveau alors que je tente d’atteindre les confins de l’inconnu. Je pensais me balader entre les étoiles. Je les ai échangées contre des concepts. Aux confins du système solaire, un planétoïde étiqueté 2018 AG37 se trouve quatre fois plus loin du Soleil que Pluton. Son surnom Farfarout semble provenir du monde imaginaire de Shrek. Bien qu'elle dépende de son orbite millénaire, qui la rapproche parfois plus près que Neptune du Soleil, elle est devenue la dernière frontière du système solaire, au bord du néant. Repérée pour la première fois en 2018, elle détrône Farout, alias 2018 VG18.

Je souhaite que les surnoms véhiculent un message poétique, historique ou culturel. J'espère des noms comme Oumuamua et Arrokoth et je me demande si la prochaine planète mineure s'appellera Farfarfarout. Si, comme Kepler l'a suggéré, il existe un lien de compassion entre les choses célestes et terrestres, Farfarout pourrait mieux savoir ce que la Terre ressent face à la dégradation environnementale incessante que ses locataires à deux pattes imposent à la planète.

Tenant mon carnet dans lequel j'écris une liste interminable de pourquoi, je souhaite poser une question à un extraterrestre d'un vaisseau spatial interstellaire passant à proximité. Je ne manquerais pas de lire à haute voix ma dernière diatribe sur les multiples façons d'expliquer les comment. Je ferais le saut, attiré par les sons étranges des orbites de résonance du système lointain TOI-178 dans la constellation du Sculpteur. L'angoisse humaine pourrait-elle être causée par notre forme humaine allongée dans le temps mais si minuscule dans l'espace ?

Le mot « énigme » décrit ce que je ressens à mesure que j’avance. En parcourant le livre de Barbour, je reviens à la complexité de l’entropie. Dans la zone observable, ce qui est mesuré comme l’entropie est dominé par les photons et les neutrinos. Une augmentation de l’entropie, je crois, est liée à la distribution d’énergie des photons et des neutrinos. Barbour explique que « la direction de l’augmentation de l’entropie est la direction du temps ». Elles sont une seule et même direction. 

Partager cet article
Repost0

Les cerveaux de Boltzmann

Publié le par Catherine Toulsaly

undefined
Le clavier du Temps (google - labs - FX)

J’ai écrit un jour que l’Univers est une symphonie de lumières et de sons joués sur le clavier du temps. Comme l’Univers, nous sommes dotés d’un clavier émotionnel, mais nous n’en jouons pas de la même manière. Concepts, mots et émotions se mélangent. Eux aussi ont une vie propre. La diversité génétique des séquoias fait naître dans mon esprit la métaphore visuelle d’une forêt de cerveaux ambulants. Le concept troublant de cerveaux désincarnés m’a ramené à cette analogie. Les « cerveaux de Boltzmann » sont des observateurs réduits au strict minimum : leur conscience.

Qu’est-ce qu’un cerveau, en fait ? Un outil intégré conceptuellement et causalement dans un état physique avec la capacité de ressentir et de s’adapter, une porte entre ce qui est et ce qui n’est pas. J’ai une autre image en tête : celle de cerveaux géants semblables à des céphalopodes propulsant leurs appendices dotés d’un sens de beauté et de complexité. Les cerveaux de Boltzmann pourraient être produits par paires à partir de photons et de gravitons, à condition que l'existence d'une particule graviton élémentaire soit à jamais vérifiée.

Si nous comprenons que les processus se déroulent en avant et en arrière dans le temps, les cerveaux de Boltzmann pourraient atteindre la conscience dans les deux sens et ressentir le flux du temps lorsqu'il avance et lorsqu'il s'inverse. Pour leur donner vie, nous n'aurions besoin que de sous-systèmes locaux qui se comportent de manière ergodique, et non de l'univers dans son ensemble.

Bien que l’existence de cerveaux de Boltzmann soit extrêmement improbable, cela ne la rend pas impossible. Ils peuvent habiter une partie de l’Univers tandis que nous, cerveaux ambulants, vivons dans une autre. Il peut y avoir un autres scénario: l’occurrence extrêmement rare de fluctuations aléatoires aurait-elle pu entraîner la formation d’un seul cerveau de Boltzmann qui aurait donné forme à toute la matière ?

Si, en fin de compte, l’Univers contenait en lui un cerveau avec des sillons et des crêtes où les signaux ricochent, on peut aussi se demander où se trouve le reste du corps. Si même l’idée la plus abstraite est associée à un degré de ressenti, et que sans cela, une idée n’a pas de résonance ni de sens, la manifestation organisée de la vie des ressentis aurait tout aussi bien pu aboutir à la formation d’un cœur de Boltzmann.

Faisons-nous, nous-mêmes, partie d’une réalité simulée ou sommes-nous nés d’une fluctuation de Boltzmann ? Nous nous attendrions alors à ce que non seulement les cerveaux de Boltzmann, les cœurs de Boltzmann, les galaxies de Boltzmann et, qui sait, les univers de Boltzmann finissent par fluctuer. Une telle suggestion nous mettrait sur un terrain encore plus instable. 

Ce n’est pas très différent du malaise ressenti par les philosophes d’autrefois. Il y a bien longtemps, le philosophe chinois Zhuang Zi rêva qu’il était un papillon voletant (inutile de dire qu’un papillon me semble une meilleure alternative qu’un cerveau désincarné). Lorsqu’il se réveilla, il se sentit soudain perdu. Il ne savait plus s’il avait rêvé qu’il était un papillon, ou si un papillon avait rêvé qu’il était lui. Pour autant que nous le sachions, nous pourrions être des grenouilles en état méditatif, rêvant qu’elles sont des humains, cherchant des moyens de sauter et d’échapper à leur environnement inévitable.

Tout ce flux de temps que nous vivons et ces divers corps que nous ressentons, ces différentes pensées qui nous agitent, ne sont peut-être que des illusions. Nous croyons voir des espaces, des figures, des mouvements dans nos rêves. Qui sait si cette autre moitié de la vie où nous nous croyons éveillés, écrivait le philosophe français Blaise Pascal, n’est pas un autre sommeil un peu différent du premier, dont nous nous réveillons alors que nous avons l’impression de dormir ?

Si nous sommes autorisés à rêver que nous sommes des papillons et à vivre notre vie, éveillés comme des êtres humains, je pense que nous sommes bien plus que notre physique. La matière dont nous sommes faits est une énergie cinétique non locale qui transcende les rêves et la réalité. En fin de compte, nous nous demandons si les étoiles, les galaxies et les filaments sont des représentations picturales d’un cerveau de Boltzmann ou des manifestations physiques qui ne présupposent pas l’existence d’un cerveau. À la base de tout cela se trouve la question fondamentale de l’ontologie quantique. Il semble plus probable que nos pensées fluctuent de manière aléatoire dans notre tête. Nous sommes des êtres théoriques quantiques, et non des observateurs physiques fluctuant de manière aléatoire.

Inside circles, the snow falls into eternity, making the Universe quieter. Wells, too, are circles opening their mouth into the bowels of the Earth (Google-Labs-FX)

Mon cerveau garde cachés, dans ses plis, des méta-motifs, des cercles et des lignes qui se meuvent poétiquement, des énigmes qui ne se prêtent pas à la raison, des bonds en avant et au-delà. Les cercles se contractent et s’élargissent. Ils régulent le flux de mes pensées, forment des serpents qui se mangent la queue, dessinant le début et la fin de l’Univers de Wheeler. À l’intérieur des cercles, la neige tombe dans l’éternité, rendant l’Univers plus silencieux. Les puits, eux aussi, sont des cercles qui ouvrent leur bouche dans les entrailles de la Terre. Qu’est-ce qu’une idée dont le temps est venu ? Ensō.

Partager cet article
Repost0

L'Univers multi-couches

Publié le par Catherine Toulsaly

L’imagination est une épée à double tranchant, éclairant le chemin vers la réalité et le déformant en même temps. Alors que nous pouvons nous sentir fascinés par le pouvoir imaginatif des autres, nous savons que le nôtre est impliqué dans un bras de fer avec la raison.

Image FX (Google)

Le va-et-vient entre les attracteurs et les répulsifs dans les Trois Cercles de Danse a laissé dans mon esprit l’image de vagues de temps individuelles, chacune avec son propre sens de l’être. Alors que nous suivons un chemin temporel vers le Grand Attracteur, ceux qui se trouvent dans la zone d’influence du Répulseur Dipôle, et qui ressentent la répulsion du Répulseur du Point Froid, peuvent être embarqués dans un canal temporel qui coule dans la direction opposée. Ludwig Boltzmann a brièvement fait allusion à un scénario dans lequel les processus iraient dans la direction opposée et les êtres vivants séparés de nous par des éons de temps et des distances spatiales ressentiraient le passage du temps différemment.

Hans Reichenbach a envisagé plus en détail la possibilité qu’après avoir « atteint un état d’entropie élevée et y être resté pendant une longue période », au cours de laquelle « les organismes vivants ne peuvent pas exister », l’Univers entrerait dans une « longue dégradation de la courbe d’entropie, puis, pour cette section, le temps aurait la direction opposée ». Il a défini le super-temps de la même manière que Kerri Welch décrit l’atemporalité. Il n’a pas de direction, « seulement un ordre, alors qu’il contient des sections individuelles qui ont une direction, bien que ces directions alternent d’une section à l’autre ». Les habitants pris dans des sections individuelles ignoreraient que leur direction est différente de la nôtre. Pour autant que nous le sachions, nous pourrions ignorer que de telles circonstances se soient produites avant nous. Le fait qu’aucun organisme vivant n’ait existé dans l’intervalle de temps précédant notre existence expliquerait la perte de mémoire d’un temps dans la direction opposée, effacé du domaine conscient.

Time has no direction (Image FX - Google)

Time has no direction (Image FX - Google)

Le temps, un sujet récurrent dans le dialogue entre la Conscience et l’Univers, est profondément ancré dans notre intuition. Si le concept d’existence ne peut pas être appliqué à l’Univers quantique où il n’y a pas de « soit-ou », je ne peux pas non plus imaginer que le temps fasse partie du tableau. Si nous pouvions percevoir des superpositions non classiques, nous verrions que tout état quantique est corrélation. L’atemporalité et la non-localité décrivent l’Univers quantique. Les probabilités sont la monnaie dans laquelle l’information circule.

À l’intersection du monde quantique et de l’univers macroscopique se trouve le domaine des statistiques. Si nous considérons l’essence de la vie, elle est une improbabilité statistique à une échelle colossale. « La véritable explication de l’existence de la vie », écrit Richard Dawkins, « est l’antithèse même du hasard. » Cela ne signifie pas que nous devons chercher des réponses dans le domaine de l’improbable, mais « apprivoiser » le hasard signifie décomposer l’extrêmement improbable en de petites composantes moins improbables. Peter Hertel soutient qu’« il n’y a pas de variables cachées ». Plus nous décomposons l’extrêmement improbable, plus nous associons les événements quantiques à certaines probabilités. Lorsque nous disons que les processus quantiques sont régis par la probabilité, il semble qu’il existe une échelle ou une distribution de probabilité dont nous sommes conscients. Mais si une telle échelle ou distribution existe, elle peut être entièrement liée à nos propres attentes.

Si la probabilité, je le rappelle, est considérée comme un concept opérationnel, une catégorie philosophique, la décohérence et l’effondrement représentent en revanche une approche technique plus qu’un point de vue philosophique. Ce sont des concepts clés dans la transition du quantique au classique. La décohérence sert d’outil humain qui permet à l’esprit conscient de déterminer comment et quand les distributions de probabilité quantique se rapprochent des distributions classiques attendues. 

La décohérence, écrit Dieter Zeh, est la dislocalisation dynamique des superpositions de la mécanique quantique – de ce qui est « en quelque sorte tout à la fois » – par la formation d’intrication de tout système avec son environnement inévitable. Elle décrit, ajoute Maximilian Schlosshauer, comment les interactions intriquées avec l’environnement influencent les statistiques des résultats des mesures futures sur le système. Cependant, l’intrication n’est pas seulement une corrélation statistique entre des objets locaux. Elle devient la réalité elle-même.

Les interférences environnementales lient le temps et les phénomènes. Comme les systèmes quantiques ne sont jamais complètement isolés de leur environnement, explique Schlosshauer, lorsqu’un système quantique interagit avec lui, il s’emmêle dans un grand nombre de degrés de liberté environnementaux. Cette intrication influence ce que nous pouvons observer localement en mesurant le système. Dans les interactions avec l’environnement inévitable, non seulement la matière et l’esprit conscient existent, mais le canal d’information – une partie des informations passées et présentes sur le chemin emprunté – est également connu.

Des fragments de perspectives temporelles perdurent avec ténacité. Le terme de granularité grossière a été introduit par Boltzmann en 1872 dans le contexte de la thermodynamique. Bien que les phénomènes quantiques fournissent une source d’entropie – définie comme l’entropie d’intrication – elle est distincte de celle classique générée par la granularité grossière. Tout événement particulier peut être la conjonction ou le cas particulier d’une collection d’événements à granularité grossière différents. Carlo Rovelli utilise le concept de granularité grossière pour mettre en évidence la manière dont les interactions au sein de l'Univers créent l'aspect perspectif du temps.

Les flèches du temps perspectif dérivent de l'Univers quantique. Les superpositions, cependant, ne cessent pas d'exister, même si elles n'existent plus. À partir du ni-ni, la cohérence et la décohérence se succèdent en harmonie. Mon esprit vagabonde en visualisant des couches de temps et d'espace, toutes à des temps de décomposition différents. Dans l'Univers de la non-localité où des scénarios dépendants du temps émergent, l'énergie cinétique collective rebondit dans tous les sens.

Partager cet article
Repost0

L'essence de l'information

Publié le par Catherine Toulsaly

Les processus tels que les fractales se reflètent-ils les uns les autres d’un bout à l’autre de l’Univers ?  La complexité raconte l’histoire continue d’un trait comportemental qui s’est propagé du Big Bang à la structure de nos sociétés. Il semble cependant impossible de prédire, sur la base de ses seuls éléments, les propriétés de regroupement observables de l’Univers. La manière dont de petites variations sur l’ensemble des paramètres cosmologiques pourraient produire une évolution plus complexe de structures à grande échelle reste l’un des principaux problèmes.

Image FX (Google)

Image FX (Google)

Pour les scientifiques comme Julian Barbour, les étoiles sont des objets fossiles. Pour moi, ce sont des êtres vivants. Je ne peux pas regarder le ciel nocturne et penser qu’il s’agit d’un champ archéologique. Barbour affirme que l’entropie est mieux définie comme une mesure de la complexité plutôt que du désordre. L’un n’exclut pas l’autre, je suppose. « C’est parfaitement vrai au niveau microscopique », explique Barbour, mais pas à l’échelle macroscopique. La complexité apparaît d’abord désordonnée, chaotique lorsqu’un système en évolution franchit un nouveau seuil. Sa complexité grandit vers l’intérieur et vers l’extérieur.

Guidée par un fil d’espoir à l’extérieur et un sentiment d’harmonie à l’intérieur, je me débats avec les mots « obscurité » et « complexité » comme s’ils devaient dire quelque chose de plus. L’obscurité est une tristesse qui s’installe lentement une fois que la colère et le tumulte se sont apaisés. « La violence », écrit Martin Luther King, « est l’antithèse de la créativité et de la plénitude ». Nous sommes des taupes aveugles, alourdies par le poids de l'ignorance, espérant voir dans le miroir qui se dresse au point Janus le reflet de nos ailes. Dans l'obscurité et la complexité se trouve l'essence de l'information, un chemin pour différencier tous les aspects de la réalité.

Image FX (Google)

Image FX (Google)

Les mots sont enchaînés les uns aux autres. Les concepts tournent dans ma tête. Je me demande s’ils se croisent. Le jeu infini de l’espace, du temps et de la gravité a formé le premier cercle. La discussion passée sur la liberté, l’existence et l’essence en a créé un autre. Un article sur l’agencement, la sensibilité et la conscience en a ajouté un troisième. Depuis que Rudolf Claudius a inventé le mot entropie pour qu’il soit aussi proche que possible du mot énergie, j’imagine un quatrième cercle qui rassemble naturellement entropie, énergie et information. Nous voyons l’Univers comme « une succession d’instantanés que vous pourriez prendre lors d’une promenade à la campagne », tandis que l’Univers quantique vous oblige à considérer « d’une certaine manière tout à la fois », écrit Barbour. Le tableau ci-dessous est la première étape que je franchis pour réorganiser les instantanés dans ma tête.

 

Espace Temps Gravité 
Liberté  Existence Essence
Entropie Information Énergie 
Agencement Sentience Conscience

 

L’information est un océan sans fond où il est facile de se perdre. D’un côté, on se laisse emporter par les courants ; de l’autre, on ne sait pas faire la différence entre toutes les sources. On sait trop bien qu’il faut avant tout apprendre à penser, à réfléchir et à raisonner. C’est ce à quoi Benjamin Franklin a travaillé dès son plus jeune âge avec la lecture de deux ouvrages fondamentaux : L’essai sur l’entendement humain de John Locke et La logique, ou l’art de penser d’Antoine Arnaud et Pierre Nicole.

Plus de 300 ans plus tard, il est encore plus difficile de s’y retrouver dans le labyrinthe des idées et des concepts. Le philosophe de l’information Kun Wu (邬焜) divise l’information comme suit : l’information en soi, l’information pour soi et l’information régénérée. Les concepts appartiennent à la troisième catégorie. Non seulement les cercles se croisent, mais ils s’effondrent en trois nouveaux groupes interconnectés qui aident à reconfigurer dans ma tête les ponts entre les concepts.

Image FX (Google)

Image FX (Google)

J’ai autrefois réfléchi à l'expansion de l’Univers alimentée par des degrés de liberté, des paramètres spatiotemporels qui émergent. Les degrés de liberté impliquent un élément de libre arbitre. Pourraient-ils s’expliquer par un processus de va-et-vient avec l’autre côté du point Janus ? L’entropie décrit le degré global de propagation de l’énergie au profit de la capacité de l’Univers à croître.  Alors que l’uniformité de l’Univers « est sans aucun doute un fait significatif », écrit Barbour, si l’on regarde à des échelles plus petites, la distribution de la matière dans l’Univers est « très loin d’être uniforme ». Qu’il s’agisse de matière, de conscience ou d’information, je pense qu’il n’y a d’existence que dans le temps. Le temps, écrit John Peter Arendzen, n’est que la mesure des phénomènes, et en faisant abstraction des phénomènes, le temps cesse d’être. 

Image FX (google)

La difficulté de l’information vient de notre incapacité à concevoir qu’elle existe par elle-même. Dans ce réseau de concepts étroitement tissé, la liberté décrit la nature distinctive du champ existentiel. En elle, l’existence précède l’essence de l’information. L’information est ce que Bateson appelle « la différence qui fait la différence ». Ce qui bouge, y compris les fluctuations quantiques, conduit à ce qui existe, de la simple existence de l’information à l’émergence de l’Univers sensible. Un nuage dans le ciel, une planète au manteau cristallin, ressentent la poussée et l’attraction de la gravité. Pourraient-ils, eux aussi, être des êtres sensibles ? De l’existence à la sensibilité, c’est une question d’information.

S’il existe un point Janus, qu’est-ce qui nous lie à l’autre côté ? Un fluide de masse négative ou une énergie sombre se trouve dans l’ombre de l’Univers. Barbour souligne que la quête de la gravité quantique est presque entièrement dépourvue de support expérimental. « En son absence, les théoriciens ne peuvent que se rabattre sur les principes qui leur semblent solides et qui leur tombent sous la main. » L’entropie de l’information décrit un degré d’aléatoire. Ce qui n’a pas encore connu sa propre existence se révèle en s’exprimant. L’année dernière, un article décrivait l’inflation cosmique en termes de matrice de densité quantique dépendante du temps, le temps jouant le rôle d’une variable stochastique.

Les êtres conscients se sont retrouvés au milieu de processus fondamentaux qui sous-tendent la richesse observée des structures cosmiques à grande échelle. L’humanité est-elle la seule entité à afficher une conscience ? Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que nous sommes voués à laisser des traces et des empreintes dans le temps, en participant à la différence qui fait la différence. Et ce faisant, nous participons au processus de complexification.

Partager cet article
Repost0

Julia Olson

Publié le par Ysia

Aucune affaire ne peut à elle seule empêcher les effets catastrophiques du changement climatique... et le simple fait que cette poursuite ne puisse pas, à elle seule, arrêter le changement climatique ne signifie pas qu'elle ne présente aucune réclamation pouvant faire l'objet d'une résolution judiciaire.

Juge Joséphine Staton de la Cour d'appel des États-Unis pour le neuvième circuit

 

Si le temps est linéaire, il coule en cascades et se déroule comme une suite de séquences, de segments fractionnés dont nous restons parfois prisonniers. Emmurés dans nos espaces-temps individuels, nos conceptions du temps peuvent converger ou diverger. Si certains ont pour mission de vie des objectifs à court terme, d’autres, comme Julia Olson, voient la vie sur le long terme en toute considération de l’avenir et du bien-être physique et mental des êtres. Si ces objectifs s’opposent parfois, il importe qu’ils coexistent en harmonie. Le temps, quant à lui, ne se fige pas et continue inéluctablement sa marche avec ou sans nous. Pourquoi est-ce que le temps court prime sur le temps long ? La différence entre nous, je le crois, vient de la façon dont nous percevons ce temps complexe et multicouche.

Publié dans Cheminement

Partager cet article
Repost0

Réflexions

Publié le par Ysia

Tanzanian Figures

Tanzanian Figures

La lignée des hominidés dont font partie les Homo Sapiens s’inscrit dans le temps, dans le cadre d’une histoire de la planète, du système solaire, de la galaxie et de l’univers. Le temps lui continue.Tout au moins c’est ce que je retiens, qu’il est fascinant de penser que nous sommes chacun le réceptacle d’une histoire physique, génétique, universelle dans l’enclos de nos cerveaux, de nos veines et de nos chairs périssables. Quant à l’avenir de l’Homo Sapiens, un article sur le site hominides.com s’est penché sur la question. “Décrire l’homme du futur revient à faire le portrait robot d'une personne que l'on n'a jamais vue ou qui n'existera tout simplement jamais... du moins pas comme nous l’imaginons.” On a souvent tendance à imaginer ce qui n’existe pas à l’image de ce qui existe déjà. Acteurs de cette histoire en mouvement, nous voudrions tous savoir si les mutations génétiques dont l’Homo Sapiens est actuellement l’objet vont en s’accélérant durant cette époque de l’Anthropocène et si cet Homo Sapiens gagne en ‘sagesse’ avec le temps.

Publié dans Cheminement

Partager cet article
Repost0

Résonance

Publié le par Ysia

Tanzanian figure

Tanzanian figure

 

Je me demande si on peut échapper à son destin. Mais de quoi suis-je la résonance ? Est-ce de ma nature véritable ? Qu’est-ce qui existe et perdure dans l’identité de mon être ? Un écho du passé, une image fractale d’ordre et de chaos. En moi résonne le Spleen de Baudelaire. De la résonance des sons à la résonance des mots, Iegor Reznikoff avait discuté de la place privilégiée du phénomène de  résonance dans la production de l'art pariétal. L'importante capacité crânienne, rappelait Daniel E. Lieberman, prédispose l'Homo sapiens à percevoir les sons graves. Les basses fréquences résonnent au plus profond de l’être. Résonance et sensibilité vont de pair. On dit que le dauphin perçoit des sons d'une fréquence 8 à 10 fois supérieur au seuil auditif humain. C'est leur résonance, autrement dit le retour d'écho, qu'il perçoit. Et si entre les êtres et les  choses visibles et invisibles, il n’y avait qu’un miroir sur lequel se reflétaient les sons de l’Univers. Et si les rêves n’étaient que des résonances de l’imaginaire à l’inconscient, une extension de nous-mêmes de la même façon que les instruments de mesure dont nous nous servons dans la conquête de l’espace en sont eux aussi ?  J’imagine les vibrations que produisent les sons à l’intérieur des êtres, l’écho du son universel qui ouvre le champ des consciences. De la résonance individuelle à la résonance collective, de la fréquence du microcosme à celle du macrocosme, des microconsciences aux macroconsciences,  entités, petites et grandes, résonnent-elles à l’unisson ? 

Two african birds

Two african birds

Publié dans Cheminement

Partager cet article
Repost0

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>