Chaque pas me coûte et commence ma réflexion qui embûche mon élan et initie ma pause ponctuée d’interrogations sur ma raison d’être et sur le monde environnant... Au cœur du mystère de la conscience et de l'univers s'inscrit la pensée sivaïte. Si je devais reprendre le dialogue entre mon âme et le ciel, je commencerais par mentionner les articles d'Isabelle Ratié sur Utpaladeva, philosophe et poète, qui insistait sur le rôle de la mémoire - ce qu'Isabelle Ratié traduit par les « traces résiduelles » - dans le fonctionnement de la conscience.
La conscience porte la voix de l'imagination. C'est la raison pour laquelle, il me semble, Utpaladeva la reconnaît intrinsèquement libre. Les jeux associatifs auxquels s’adonne le poète, partisan du syncrétisme, le plongent dans un chaos qu’il cherche à débrouiller comme s’il voulait faire remonter la vérité du puits. Mais la timide vérité submergée dans les eaux souterraines a bien du mal à se hisser à la surface de la conscience. Chaque être est un puits dans l’eau duquel l’autre contemple sa propre réflexion.
Dans l’arbre de la connaissance, une nouvelle discipline se forme et se prolonge en deux ramifications, l’une tournée vers la philosophie et l’autre vers la science. La philosophie n’est pas morte. Sa raison d’être est de rendre les sciences intelligibles.
Ce que l’on nomme « inconscient » échappe à la conscience. Dire qu’il n’y a pas d’inconscient, c’est affirmer que ce qui nous échappe n’est pas hors de la conscience mais une part inaccessible de la conscience.
On ne peut parler d'évolution de l'imagination sans faire référence à Daniel E. Lieberman (The Evolution of the Human Head,Harvard University Press, 2011) et reposer la question sur laquelle il s'était penché : Qu'est-ce qui a précédé? Si de l’avis du professeur de philosophie Stephen Asma, l’ancêtre Homo ne disposait que des prémices d’un second univers intérieur, une imagination rudimentaire que la musique, la danse et le langage ont décuplé, peut-on imaginer que cette fluidité cognitive reste en mouvement et saura conquérir un jour les territoires inexplorés de l’inconscient ?
Dans quelle mesure notre expérience quotidienne est-elle influencée par les mécanismes psychiques inconscients ? Comment les impulsions inconscientes surgissent-elles dans la sphère de la conscience ? On peut parler de différents degrés de conscience. Il y a l’observant face à l’observé. S’en suit la réaction émotionnelle intérieure de l’observant et le message subjectif que l’objet de son observation suscite, reflet de sa sensibilité et de son activité cognitive, qui le conduit à travers un dialogue intérieur à définir par l’image et/ou à dénommer par le langage. (L'esprit et le cerveau)
Bernardo Kastrup rappelle à juste titre qu’il faut savoir distinguer les différentes étapes de cognition. On appelle trop souvent « conscience » ce qui en fait définit la métacognition et c’est cette part de la conscience qui semble échapper à notre contrôle.
La conscience, c’est l’interaction entre imaginaire et mémoire. Les émotions fondées sur les expériences passées nourrissent la conscience et les souvenirs sont le lien ténu entre ce qui a été et la réalité.
Qu’entend-on par « fabriquées » ? On entend par « fabriquées » le fait que le cerveau s’appuie sur les expériences passées pour construire une hypothèse ou procéder à une simulation. Les concepts formés à chaque étape de notre existence permettent au cerveau de donner un sens aux émotions et d’identifier les sensations. Ce travail de l’esprit se fait parfois à notre insu. (Ce dont les émotions sont faites)
La conscience, forme complexe de préhension, est multiple et pluridimensionnelle. Elle fonctionne comme une lame déferlante, un flot saccadé de pulsions instantanées. Le cerveau tel un récepteur d’émissions fait jaillir la conscience de l’inconscient endormi. (Union des Irréconciliables)
S’il faut déterminer l’ordre des étapes dans le processus de la conscience, la perception ouvre la voie. Cette reconnaissance par les sens qui déclenche l’acte de préhension par la conscience démarque une ligne invisible entre ce qui est réel et l'imaginaire.
Lorsque je dis que rien a de l'importance si ce n'est l'importance qu'on y attache, cela sous-entend justement que les seules choses que nous pouvons percevoir sont nos propres perceptions. Il n'y a pas d'univers sans perception. Ces perceptions insuflent un foisonnement d'informations que le cerveau dissèque, digère et restitue dans un langage individuel. (Mon empire de poussière)
La conscience intervient dans l’espace triangulaire du monde, de la chair et du diable. Le philosophe Alva Noë dans son livre intitulé Out of Our Heads affirme que la conscience n’est pas limitée dans la tête mais agit entre l’esprit et l’environnement physique. D’un point de vue pratique, il faut la comprendre en tant qu’activité, comme, par exemple, dans l’expérience des couleurs. (l'Histoire inconsciente)
L'idéal vers lequel tend la conscience est de concentrer son attention à la fois sur l’objet extérieur et l’acte intérieur de réflexion. Mais y parvient-elle?
Mon corps fonctionne mécaniquement selon les lois de la nature. Je suis directement responsable des mouvements et actes de mon corps. Par conséquent, je contrôle les mouvements des atomes qui m'habitent. Où s'arrête la mécanique de nos gestes et actions, miroir des rouages de notre cerveau, et où commence la conscience? Sommes-nous de simples automates reproduisant les mêmes comportements et pensées face aux situations présentant de vagues similitudes avec le passé par le fait de réactions gravées dans notre ADN ou dans les premières années de notre enfance? La conscience n'est-elle qu'un dialogue à deux voix voire à voix multiples ?
Y-a-t-il unité de la conscience à savoir du phénomène sensoriel et et non sensoriel à l'intérieur de l'être? S'il s'agit d'un dialogue ou d'une discussion interne, il est à douter qu'une seule voix existe parce que temporelle et limitée aux circonstances physiques ou environnementales. Le dépositaire de la conscience est matériel et trouve sa source dans la biologie quantique. La conscience n'est plus alors qu'un simple tuteur supervisant l'éducation de la substance vivante que nous sommes (Erwin Schrödinger, What is Life?, Mind and Matter, p.97). Entre Ontogénèse et phylogénèse, la conscience serait essentiellement «présente » lors de situations nouvelles ou de prises de conscience nouvelles et elle serait absente quand des niveaux de maîtrise ou de maturité sont atteints. (Qu'est-ce que la conscience?)
C’est le réseau par défaut qui est actif durant nos instants de rêverie, nos plongées mélancoliques, lorsque nous nous apitoyons sur nous-mêmes ou lorsque nous imaginons les dix mille scénarios du futur. Mais dès que nous reprenons une activité qui demande notre attention à la différence des tâches machinales ou routinières, cette partie de notre cerveau est déactivée. (La taupe et le papillon)
Au carrefour de la science et de la philosophie, c'est vers la conscience cosmique que se dirige ma quête. L’être humain est une illusion du hasard dans l’évolution des espèces. Est-ce l’univers qui existe au sein de la conscience ou la conscience qui existe au sein de l’univers ? Et les trous noirs de l'esprit de réverbérer les trous noirs de l'univers.
La conscience et le cosmos sont interdépendants. Ce sont des manifestations corrélatives...Certains chercheurs estiment que les effets quantiques peuvent être observés dans notre environnement quotidien et s'appliquer à l'univers macroscopique. D'une expérience à l'autre, il semble que notre conscience crée l'espace et le temps et non l'inverse. Sans la conscience, l'espace et le temps ne sont rien. Il n'y a pas deux mondes, à savoir le monde extérieur et le monde intérieur, mais un. La conclusion paraît quelque peu déroutante : La réalité des faits dépend de l'observation que nous en faisons dans le présent. Jusqu'à ce qu'ils aient été observés, ils n'ont pas vraiment eu lieu mais attendent d’être effectivement démontrés sur la base d’arguments observationnels. C'est ce que l'on appelle la causalité inversée…. (Mon empire de poussière)
Et de poursuivre le questionnement :
Faut-il accepter que la conscience soit fondamentalement individuelle, barricadée dans l’enceinte de son entité corporelle ? Ou faut-il se laisser à penser que sa nature est universelle ? Individuelle, elle agirait comme une lampe qui irradie sa lumière sur son milieu ambiant. Universelle, l’univers dans sa globalité en serait non pas le produit mais le réceptacle. Il semble, à notre raison et dans les limites de nos connaissances, que l’univers interdit son libre flot et que la conscience prise dans les filets de l’espace-temps, communique dans un langage incohérent, se faufilant, inaperçue des premières galaxies à travers les trous noirs jusqu'au sein d’une multitude de lieux, d'êtres et de communautés.
Et s'il y a une conscience collective qui s'engouffre dans tous les orifices, pourquoi est-ce que la conscience individuelle a le sentiment de son isolement ? Si la séparation entre consciences n'est qu'une apparence, comment la dépasser?