Les cerveaux de Boltzmann

Publié le par Catherine Toulsaly

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Le clavier du Temps (google - labs - FX)

J’ai écrit un jour que l’Univers est une symphonie de lumières et de sons joués sur le clavier du temps. Comme l’Univers, nous sommes dotés d’un clavier émotionnel, mais nous n’en jouons pas de la même manière. Concepts, mots et émotions se mélangent. Eux aussi ont une vie propre. La diversité génétique des séquoias fait naître dans mon esprit la métaphore visuelle d’une forêt de cerveaux ambulants. Le concept troublant de cerveaux désincarnés m’a ramené à cette analogie. Les « cerveaux de Boltzmann » sont des observateurs réduits au strict minimum : leur conscience.

Qu’est-ce qu’un cerveau, en fait ? Un outil intégré conceptuellement et causalement dans un état physique avec la capacité de ressentir et de s’adapter, une porte entre ce qui est et ce qui n’est pas. J’ai une autre image en tête : celle de cerveaux géants semblables à des céphalopodes propulsant leurs appendices dotés d’un sens de beauté et de complexité. Les cerveaux de Boltzmann pourraient être produits par paires à partir de photons et de gravitons, à condition que l'existence d'une particule graviton élémentaire soit à jamais vérifiée.

Si nous comprenons que les processus se déroulent en avant et en arrière dans le temps, les cerveaux de Boltzmann pourraient atteindre la conscience dans les deux sens et ressentir le flux du temps lorsqu'il avance et lorsqu'il s'inverse. Pour leur donner vie, nous n'aurions besoin que de sous-systèmes locaux qui se comportent de manière ergodique, et non de l'univers dans son ensemble.

Bien que l’existence de cerveaux de Boltzmann soit extrêmement improbable, cela ne la rend pas impossible. Ils peuvent habiter une partie de l’Univers tandis que nous, cerveaux ambulants, vivons dans une autre. Il peut y avoir un autres scénario: l’occurrence extrêmement rare de fluctuations aléatoires aurait-elle pu entraîner la formation d’un seul cerveau de Boltzmann qui aurait donné forme à toute la matière ?

Si, en fin de compte, l’Univers contenait en lui un cerveau avec des sillons et des crêtes où les signaux ricochent, on peut aussi se demander où se trouve le reste du corps. Si même l’idée la plus abstraite est associée à un degré de ressenti, et que sans cela, une idée n’a pas de résonance ni de sens, la manifestation organisée de la vie des ressentis aurait tout aussi bien pu aboutir à la formation d’un cœur de Boltzmann.

Faisons-nous, nous-mêmes, partie d’une réalité simulée ou sommes-nous nés d’une fluctuation de Boltzmann ? Nous nous attendrions alors à ce que non seulement les cerveaux de Boltzmann, les cœurs de Boltzmann, les galaxies de Boltzmann et, qui sait, les univers de Boltzmann finissent par fluctuer. Une telle suggestion nous mettrait sur un terrain encore plus instable. 

Ce n’est pas très différent du malaise ressenti par les philosophes d’autrefois. Il y a bien longtemps, le philosophe chinois Zhuang Zi rêva qu’il était un papillon voletant (inutile de dire qu’un papillon me semble une meilleure alternative qu’un cerveau désincarné). Lorsqu’il se réveilla, il se sentit soudain perdu. Il ne savait plus s’il avait rêvé qu’il était un papillon, ou si un papillon avait rêvé qu’il était lui. Pour autant que nous le sachions, nous pourrions être des grenouilles en état méditatif, rêvant qu’elles sont des humains, cherchant des moyens de sauter et d’échapper à leur environnement inévitable.

Tout ce flux de temps que nous vivons et ces divers corps que nous ressentons, ces différentes pensées qui nous agitent, ne sont peut-être que des illusions. Nous croyons voir des espaces, des figures, des mouvements dans nos rêves. Qui sait si cette autre moitié de la vie où nous nous croyons éveillés, écrivait le philosophe français Blaise Pascal, n’est pas un autre sommeil un peu différent du premier, dont nous nous réveillons alors que nous avons l’impression de dormir ?

Si nous sommes autorisés à rêver que nous sommes des papillons et à vivre notre vie éveillée comme des êtres humains, je pense que nous sommes bien plus que notre physique. La matière dont nous sommes faits est une énergie cinétique non locale qui transcende les rêves et la réalité. En fin de compte, nous nous demandons si les étoiles, les galaxies et les filaments sont des représentations picturales d’un cerveau de Boltzmann ou des manifestations physiques qui ne présupposent pas l’existence d’un cerveau. À la base de tout cela se trouve la question fondamentale de l’ontologie quantique. Il semble plus probable que nos pensées fluctuent de manière aléatoire dans notre tête. Nous sommes des êtres théoriques quantiques, et non des observateurs physiques fluctuant de manière aléatoire.

Inside circles, the snow falls into eternity, making the Universe quieter. Wells, too, are circles opening their mouth into the bowels of the Earth (Google-Labs-FX)

Mon cerveau garde cachés, dans ses plis, des méta-motifs, des cercles et des lignes qui se meuvent poétiquement, des énigmes qui ne se prêtent pas à la raison, des bonds en avant et au-delà. Les cercles se contractent et s’élargissent. Ils régulent le flux de mes pensées, forment des serpents qui se mangent la queue, dessinant le début et la fin de l’Univers de Wheeler. À l’intérieur des cercles, la neige tombe dans l’éternité, rendant l’Univers plus silencieux. Les puits, eux aussi, sont des cercles qui ouvrent leur bouche dans les entrailles de la Terre. Qu’est-ce qu’une idée dont le temps est venu ? Ensō.

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L'Univers multi-couches

Publié le par Catherine Toulsaly

L’imagination est une épée à double tranchant, éclairant le chemin vers la réalité et le déformant en même temps. Alors que nous pouvons nous sentir fascinés par le pouvoir imaginatif des autres, nous savons que le nôtre est impliqué dans un bras de fer avec la raison.

Image FX (Google)

Le va-et-vient entre les attracteurs et les répulsifs dans les Trois Cercles de Danse a laissé dans mon esprit l’image de vagues de temps individuelles, chacune avec son propre sens de l’être. Alors que nous suivons un chemin temporel vers le Grand Attracteur, ceux qui se trouvent dans la zone d’influence du Répulseur Dipôle, et qui ressentent la répulsion du Répulseur du Point Froid, peuvent être embarqués dans un canal temporel qui coule dans la direction opposée. Ludwig Boltzmann a brièvement fait allusion à un scénario dans lequel les processus iraient dans la direction opposée et les êtres vivants séparés de nous par des éons de temps et des distances spatiales ressentiraient le passage du temps différemment.

Hans Reichenbach a envisagé plus en détail la possibilité qu’après avoir « atteint un état d’entropie élevée et y être resté pendant une longue période », au cours de laquelle « les organismes vivants ne peuvent pas exister », l’Univers entrerait dans une « longue dégradation de la courbe d’entropie, puis, pour cette section, le temps aurait la direction opposée ». Il a défini le super-temps de la même manière que Kerri Welch décrit l’atemporalité. Il n’a pas de direction, « seulement un ordre, alors qu’il contient des sections individuelles qui ont une direction, bien que ces directions alternent d’une section à l’autre ». Les habitants pris dans des sections individuelles ignoreraient que leur direction est différente de la nôtre. Pour autant que nous le sachions, nous pourrions ignorer que de telles circonstances se soient produites avant nous. Le fait qu’aucun organisme vivant n’ait existé dans l’intervalle de temps précédant notre existence expliquerait la perte de mémoire d’un temps dans la direction opposée, effacé du domaine conscient.

Time has no direction (Image FX - Google)

Time has no direction (Image FX - Google)

Le temps, un sujet récurrent dans le dialogue entre la Conscience et l’Univers, est profondément ancré dans notre intuition. Si le concept d’existence ne peut pas être appliqué à l’Univers quantique où il n’y a pas de « soit-ou », je ne peux pas non plus imaginer que le temps fasse partie du tableau. Si nous pouvions percevoir des superpositions non classiques, nous verrions que tout état quantique est corrélation. L’atemporalité et la non-localité décrivent l’Univers quantique. Les probabilités sont la monnaie dans laquelle l’information circule.

À l’intersection du monde quantique et de l’univers macroscopique se trouve le domaine des statistiques. Si nous considérons l’essence de la vie, elle est une improbabilité statistique à une échelle colossale. « La véritable explication de l’existence de la vie », écrit Richard Dawkins, « est l’antithèse même du hasard. » Cela ne signifie pas que nous devons chercher des réponses dans le domaine de l’improbable, mais « apprivoiser » le hasard signifie décomposer l’extrêmement improbable en de petites composantes moins improbables. Peter Hertel soutient qu’« il n’y a pas de variables cachées ». Plus nous décomposons l’extrêmement improbable, plus nous associons les événements quantiques à certaines probabilités. Lorsque nous disons que les processus quantiques sont régis par la probabilité, il semble qu’il existe une échelle ou une distribution de probabilité dont nous sommes conscients. Mais si une telle échelle ou distribution existe, elle peut être entièrement liée à nos propres attentes.

Si la probabilité, je le rappelle, est considérée comme un concept opérationnel, une catégorie philosophique, la décohérence et l’effondrement représentent en revanche une approche technique plus qu’un point de vue philosophique. Ce sont des concepts clés dans la transition du quantique au classique. La décohérence sert d’outil humain qui permet à l’esprit conscient de déterminer comment et quand les distributions de probabilité quantique se rapprochent des distributions classiques attendues. 

La décohérence, écrit Dieter Zeh, est la dislocalisation dynamique des superpositions de la mécanique quantique – de ce qui est « en quelque sorte tout à la fois » – par la formation d’intrication de tout système avec son environnement inévitable. Elle décrit, ajoute Maximilian Schlosshauer, comment les interactions intriquées avec l’environnement influencent les statistiques des résultats des mesures futures sur le système. Cependant, l’intrication n’est pas seulement une corrélation statistique entre des objets locaux. Elle devient la réalité elle-même.

Les interférences environnementales lient le temps et les phénomènes. Comme les systèmes quantiques ne sont jamais complètement isolés de leur environnement, explique Schlosshauer, lorsqu’un système quantique interagit avec lui, il s’emmêle dans un grand nombre de degrés de liberté environnementaux. Cette intrication influence ce que nous pouvons observer localement en mesurant le système. Dans les interactions avec l’environnement inévitable, non seulement la matière et l’esprit conscient existent, mais le canal d’information – une partie des informations passées et présentes sur le chemin emprunté – est également connu.

Des fragments de perspectives temporelles perdurent avec ténacité. Le terme de granularité grossière a été introduit par Boltzmann en 1872 dans le contexte de la thermodynamique. Bien que les phénomènes quantiques fournissent une source d’entropie – définie comme l’entropie d’intrication – elle est distincte de celle classique générée par la granularité grossière. Tout événement particulier peut être la conjonction ou le cas particulier d’une collection d’événements à granularité grossière différents. Carlo Rovelli utilise le concept de granularité grossière pour mettre en évidence la manière dont les interactions au sein de l'Univers créent l'aspect perspectif du temps.

Les flèches du temps perspectif dérivent de l'Univers quantique. Les superpositions, cependant, ne cessent pas d'exister, même si elles n'existent plus. À partir du ni-ni, la cohérence et la décohérence se succèdent en harmonie. Mon esprit vagabonde en visualisant des couches de temps et d'espace, toutes à des temps de décomposition différents. Dans l'Univers de la non-localité où des scénarios dépendants du temps émergent, l'énergie cinétique collective rebondit dans tous les sens.

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L'essence de l'information

Publié le par Catherine Toulsaly

Les processus tels que les fractales se reflètent-ils les uns les autres d’un bout à l’autre de l’Univers ?  La complexité raconte l’histoire continue d’un trait comportemental qui s’est propagé du Big Bang à la structure de nos sociétés. Il semble cependant impossible de prédire, sur la base de ses seuls éléments, les propriétés de regroupement observables de l’Univers. La manière dont de petites variations sur l’ensemble des paramètres cosmologiques pourraient produire une évolution plus complexe de structures à grande échelle reste l’un des principaux problèmes.

Image FX (Google)

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Pour les scientifiques comme Julian Barbour, les étoiles sont des objets fossiles. Pour moi, ce sont des êtres vivants. Je ne peux pas regarder le ciel nocturne et penser qu’il s’agit d’un champ archéologique. Barbour affirme que l’entropie est mieux définie comme une mesure de la complexité plutôt que du désordre. L’un n’exclut pas l’autre, je suppose. « C’est parfaitement vrai au niveau microscopique », explique Barbour, mais pas à l’échelle macroscopique. La complexité apparaît d’abord désordonnée, chaotique lorsqu’un système en évolution franchit un nouveau seuil. Sa complexité grandit vers l’intérieur et vers l’extérieur.

Guidée par un fil d’espoir à l’extérieur et un sentiment d’harmonie à l’intérieur, je me débats avec les mots « obscurité » et « complexité » comme s’ils devaient dire quelque chose de plus. L’obscurité est une tristesse qui s’installe lentement une fois que la colère et le tumulte se sont apaisés. « La violence », écrit Martin Luther King, « est l’antithèse de la créativité et de la plénitude ». Nous sommes des taupes aveugles, alourdies par le poids de l'ignorance, espérant voir dans le miroir qui se dresse au point Janus le reflet de nos ailes. Dans l'obscurité et la complexité se trouve l'essence de l'information, un chemin pour différencier tous les aspects de la réalité.

Image FX (Google)

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Les mots sont enchaînés les uns aux autres. Les concepts tournent dans ma tête. Je me demande s’ils se croisent. Le jeu infini de l’espace, du temps et de la gravité a formé le premier cercle. La discussion passée sur la liberté, l’existence et l’essence en a créé un autre. Un article sur l’agencement, la sensibilité et la conscience en a ajouté un troisième. Depuis que Rudolf Claudius a inventé le mot entropie pour qu’il soit aussi proche que possible du mot énergie, j’imagine un quatrième cercle qui rassemble naturellement entropie, énergie et information. Nous voyons l’Univers comme « une succession d’instantanés que vous pourriez prendre lors d’une promenade à la campagne », tandis que l’Univers quantique vous oblige à considérer « d’une certaine manière tout à la fois », écrit Barbour. Le tableau ci-dessous est la première étape que je franchis pour réorganiser les instantanés dans ma tête.

 

Espace Temps Gravité 
Liberté  Existence Essence
Entropie Information Énergie 
Agencement Sentience Conscience

 

L’information est un océan sans fond où il est facile de se perdre. D’un côté, on se laisse emporter par les courants ; de l’autre, on ne sait pas faire la différence entre toutes les sources. On sait trop bien qu’il faut avant tout apprendre à penser, à réfléchir et à raisonner. C’est ce à quoi Benjamin Franklin a travaillé dès son plus jeune âge avec la lecture de deux ouvrages fondamentaux : L’essai sur l’entendement humain de John Locke et La logique, ou l’art de penser d’Antoine Arnaud et Pierre Nicole.

Plus de 300 ans plus tard, il est encore plus difficile de s’y retrouver dans le labyrinthe des idées et des concepts. Le philosophe de l’information Kun Wu (邬焜) divise l’information comme suit : l’information en soi, l’information pour soi et l’information régénérée. Les concepts appartiennent à la troisième catégorie. Non seulement les cercles se croisent, mais ils s’effondrent en trois nouveaux groupes interconnectés qui aident à reconfigurer dans ma tête les ponts entre les concepts.

Image FX (Google)

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J’ai autrefois réfléchi à l'expansion de l’Univers alimentée par des degrés de liberté, des paramètres spatiotemporels qui émergent. Les degrés de liberté impliquent un élément de libre arbitre. Pourraient-ils s’expliquer par un processus de va-et-vient avec l’autre côté du point Janus ? L’entropie décrit le degré global de propagation de l’énergie au profit de la capacité de l’Univers à croître.  Alors que l’uniformité de l’Univers « est sans aucun doute un fait significatif », écrit Barbour, si l’on regarde à des échelles plus petites, la distribution de la matière dans l’Univers est « très loin d’être uniforme ». Qu’il s’agisse de matière, de conscience ou d’information, je pense qu’il n’y a d’existence que dans le temps. Le temps, écrit John Peter Arendzen, n’est que la mesure des phénomènes, et en faisant abstraction des phénomènes, le temps cesse d’être. 

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La difficulté de l’information vient de notre incapacité à concevoir qu’elle existe par elle-même. Dans ce réseau de concepts étroitement tissé, la liberté décrit la nature distinctive du champ existentiel. En elle, l’existence précède l’essence de l’information. L’information est ce que Bateson appelle « la différence qui fait la différence ». Ce qui bouge, y compris les fluctuations quantiques, conduit à ce qui existe, de la simple existence de l’information à l’émergence de l’Univers sensible. Un nuage dans le ciel, une planète au manteau cristallin, ressentent la poussée et l’attraction de la gravité. Pourraient-ils, eux aussi, être des êtres sensibles ? De l’existence à la sensibilité, c’est une question d’information.

S’il existe un point Janus, qu’est-ce qui nous lie à l’autre côté ? Un fluide de masse négative ou une énergie sombre se trouve dans l’ombre de l’Univers. Barbour souligne que la quête de la gravité quantique est presque entièrement dépourvue de support expérimental. « En son absence, les théoriciens ne peuvent que se rabattre sur les principes qui leur semblent solides et qui leur tombent sous la main. » L’entropie de l’information décrit un degré d’aléatoire. Ce qui n’a pas encore connu sa propre existence se révèle en s’exprimant. L’année dernière, un article décrivait l’inflation cosmique en termes de matrice de densité quantique dépendante du temps, le temps jouant le rôle d’une variable stochastique.

Les êtres conscients se sont retrouvés au milieu de processus fondamentaux qui sous-tendent la richesse observée des structures cosmiques à grande échelle. L’humanité est-elle la seule entité à afficher une conscience ? Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que nous sommes voués à laisser des traces et des empreintes dans le temps, en participant à la différence qui fait la différence. Et ce faisant, nous participons au processus de complexification.

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Julia Olson

Publié le par Ysia

Aucune affaire ne peut à elle seule empêcher les effets catastrophiques du changement climatique... et le simple fait que cette poursuite ne puisse pas, à elle seule, arrêter le changement climatique ne signifie pas qu'elle ne présente aucune réclamation pouvant faire l'objet d'une résolution judiciaire.

Juge Joséphine Staton de la Cour d'appel des États-Unis pour le neuvième circuit

 

Si le temps est linéaire, il coule en cascades et se déroule comme une suite de séquences, de segments fractionnés dont nous restons parfois prisonniers. Emmurés dans nos espaces-temps individuels, nos conceptions du temps peuvent converger ou diverger. Si certains ont pour mission de vie des objectifs à court terme, d’autres, comme Julia Olson, voient la vie sur le long terme en toute considération de l’avenir et du bien-être physique et mental des êtres. Si ces objectifs s’opposent parfois, il importe qu’ils coexistent en harmonie. Le temps, quant à lui, ne se fige pas et continue inéluctablement sa marche avec ou sans nous. Pourquoi est-ce que le temps court prime sur le temps long ? La différence entre nous, je le crois, vient de la façon dont nous percevons ce temps complexe et multicouche.

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Réflexions

Publié le par Ysia

Tanzanian Figures

Tanzanian Figures

La lignée des hominidés dont font partie les Homo Sapiens s’inscrit dans le temps, dans le cadre d’une histoire de la planète, du système solaire, de la galaxie et de l’univers. Le temps lui continue.Tout au moins c’est ce que je retiens, qu’il est fascinant de penser que nous sommes chacun le réceptacle d’une histoire physique, génétique, universelle dans l’enclos de nos cerveaux, de nos veines et de nos chairs périssables. Quant à l’avenir de l’Homo Sapiens, un article sur le site hominides.com s’est penché sur la question. “Décrire l’homme du futur revient à faire le portrait robot d'une personne que l'on n'a jamais vue ou qui n'existera tout simplement jamais... du moins pas comme nous l’imaginons.” On a souvent tendance à imaginer ce qui n’existe pas à l’image de ce qui existe déjà. Acteurs de cette histoire en mouvement, nous voudrions tous savoir si les mutations génétiques dont l’Homo Sapiens est actuellement l’objet vont en s’accélérant durant cette époque de l’Anthropocène et si cet Homo Sapiens gagne en ‘sagesse’ avec le temps.

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Résonance

Publié le par Ysia

Tanzanian figure

Tanzanian figure

 

Je me demande si on peut échapper à son destin. Mais de quoi suis-je la résonance ? Est-ce de ma nature véritable ? Qu’est-ce qui existe et perdure dans l’identité de mon être ? Un écho du passé, une image fractale d’ordre et de chaos. En moi résonne le Spleen de Baudelaire. De la résonance des sons à la résonance des mots, Iegor Reznikoff avait discuté de la place privilégiée du phénomène de  résonance dans la production de l'art pariétal. L'importante capacité crânienne, rappelait Daniel E. Lieberman, prédispose l'Homo sapiens à percevoir les sons graves. Les basses fréquences résonnent au plus profond de l’être. Résonance et sensibilité vont de pair. On dit que le dauphin perçoit des sons d'une fréquence 8 à 10 fois supérieur au seuil auditif humain. C'est leur résonance, autrement dit le retour d'écho, qu'il perçoit. Et si entre les êtres et les  choses visibles et invisibles, il n’y avait qu’un miroir sur lequel se reflétaient les sons de l’Univers. Et si les rêves n’étaient que des résonances de l’imaginaire à l’inconscient, une extension de nous-mêmes de la même façon que les instruments de mesure dont nous nous servons dans la conquête de l’espace en sont eux aussi ?  J’imagine les vibrations que produisent les sons à l’intérieur des êtres, l’écho du son universel qui ouvre le champ des consciences. De la résonance individuelle à la résonance collective, de la fréquence du microcosme à celle du macrocosme, des microconsciences aux macroconsciences,  entités, petites et grandes, résonnent-elles à l’unisson ? 

Two african birds

Two african birds

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Fleurs indigènes du printemps

Publié le par Ysia

Comment renverser la tendance de milliers d'années durant lesquelles l'être humain ne voit de beauté que dans une nature cultivée c'est-à-dire civilisée ? Un gazon obstinément arrosé malgré la sécheresse, des plantes et arbres non indigènes plantés en hâte pour le regard ou par convenance sans considération pour les conséquences à plus ou moins long terme.

Sur l'importance des plantes indigènes

Spiderwort, Geranium
Spiderwort, Geranium

Spiderwort, Geranium

Blue flag iris, Trillium
Blue flag iris, Trillium

Blue flag iris, Trillium

Serviceberry, Eastern Red Columbine
Serviceberry, Eastern Red Columbine

Serviceberry, Eastern Red Columbine

Ninebark, Green-and-gold
Ninebark, Green-and-gold

Ninebark, Green-and-gold

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L'émotion du temps

Publié le par Ysia

L’écriture est un mystère qui se nourrit des sons, des émotions, des éclairs de lumière, que le temps sans cesse remet en question. Il y a des rêves qui s’entassent sur d’autres rêves si bien qu’on ne sait plus où est la réalité. Le cœur de l’Univers recèle l’émotion du temps qui se propage dans l’espace, glisse sur les ondes gravitationnelles, dévorant sur son passage les gravitons. Elle est trahie par l’éruption des taches solaires et quand elle communique des arcs-en-ciel de lumière aux nébuleuses et filaments,  aux océans de terre, d’eau et aux êtres sensibles. L’ontologie de l’Univers se manifeste dans le flot de la conscience engorgée par l’émotion du temps qui grandit, secoue les grains de poussière au frottement des rayons cosmiques, qui se fragmentent, se coagulent et se transforment sous les effets de la lumière. L’émotion du temps est partout et nulle part à la fois. Elle se cache dans l’obscurité de l’énergie sombre, est contenue dans les formes géométriques des objets célestes et réapparaît dans des transferts d’énergie. Elle se donne le vertige à force de tourner sur elle-même comme la roue d’un char et roule sans fin emportant avec elle le char de l’Univers. Elle se débat à l’intérieur du film transparent réflecteur qui enveloppe l’Univers, emprisonnée sur la surface du miroir aux formes fantômes et aux feux follets. L’émotion du temps laisse un lourd sentiment de perte sur le cœur de l’Univers. Il n’y a plus que les piailleries des oiseaux qui assourdissent mes matinées. Le bruant à gorge blanche migrateur, lui, s’en est allé. Qu’importe! Il y a toujours le colibri à gorge rubis qui reviendra bientôt savourer le nectar des lobélies et l’an prochain quand je pourrai retourner au bord du ruisseau au pied des trois abris de pierre à Glenstone pour entendre l’Univers respirer.

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Clair-Obscur

Publié le par Ysia

Violette

Violette

 

Pour les réalistes, une particule devient “une sorte de singularité au sein d'un phénomène ondulatoire étendu, le tout ne formant qu'une seule réalité physique. Le mouvement de la singularité étant lié à l'évolution du phénomène ondulatoire dont elle était le centre se trouverait dépendre de toutes les circonstances que ce phénomène ondulatoire rencontrerait dans sa propagation dans l'espace” (De Broglie ). Aux faces complémentaires de la réalité se substitue la toute-puissance du principe de localité. Existe-t-il une réalité physique indépendante de l'observateur? Il faut entendre par là une réalité objective. Dire que tout existe en tant que potentialités néglige le fait qu'il y ait différents degrés de probabilité calculés en fonction du contexte. 

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La grenouille poète

Publié le par Ysia

Michael Heizer, Compression Line, Glenstone

Michael Heizer, Compression Line, Glenstone

 

Je suis allée assister à un débat littéraire sur le livre  Vigil: Hong Kong on the Brink de Jeff Wasserstrom et en suis sortie avec, dans l'esprit, l'allégorie de la grenouille qui représente, pour moi, le niveau d’accoutumance aux dangers auxquels fait face l'humanité dans son ensemble, notre acceptation de la misère humaine. Chaque grenouille, suivant ses dispositions individuelles, fait face à plusieurs choix: elle peut continuer à ignorer la situation ambiante, protester ou s’échapper physiquement ou mentalement pour philosopher sur la nature de l’eau.  Il nous appartient de revaloriser la sensibilité et d'étendre notre cercle de compassion de tous les êtres à la planète.

Andy Goldsworthy, Boulder, Glenstone

Andy Goldsworthy, Boulder, Glenstone

 

S’il faut se confronter à la misère du monde, alors si on parle de Hong Kong, il faut aussi parler du Xinjiang. Si on parle de l'Irak, il faut aussi parler du Yémen. Si on parle de la Somalie, il faut aussi parler de la République centrafricaine. Si on parle de la République démocratique du Congo, il faut aussi mentionner le Sud du Soudan. Et si on parle de l'Afghanistan, il faut parler de la crise des opioïdes et de l'augmentation des taux de suicide parmi les militaires. Et pourquoi ne pas parler non plus des sans-abri ?

Glenstone

Glenstone

 

Mais la grenouille qui médite sur la nature de l’eau préfère la poésie. L’Univers, croit-elle, est une poésie et l'humanité, une forêt de cerveaux ambulants. Elle préfère étancher sa soif aux fontaines du passé, à celles que l’on croit taries parce que devenues souterraines, retranchées dans l’inconscient de l’humanité. Entre les paroles d’Utpaladeva et les mots de Miguel de Unamuno, elle reprend juste pour un bref instant son dialogue intérieur. Il y a tant à dire sur la nécessité de mettre en lumière et de développer les idées de ceux qui nous ont précédé, sur le fait que nombre de concepts ont été énoncés au cours des siècles et d'autres reformulés et que les idées sont des graines que l’on se transmet les uns les autres et que l’on puise au fond de chaque être, comme l’eau d’un puits. Mais les idées, comme des rayons cosmiques, portent en elles la quintessence de leur devenir: elles ne forment pas de ligne droite. Elles se heurtent à d’autres formes de pensée et s’entremêlent pour en créer de nouvelles. Entraîné dans les flots de la conscience, l’être se retourne inexorablement vers l’amont dans l'espoir de garder en mémoire l’empreinte de l’Univers. Je trouve vérité dans le fait que la conscience, affublée des oripeaux de l’existence humaine, n’est qu’un « éclair entre deux éternités de ténèbres »*(p.19) entre ce qui n’est plus et ce qui sera, entre l’abysse fantôme et le monde de matière car elle n’est en apparence qu’une fragile étincelle mais, en réalité, je crois que mon tout dernier souffle de vie, emporté par le vent vers les ondes cosmiques, rejoindra ceux qui m'ont précédé dans la ronde incessante de l'Univers. Du sentiment tragique de la vie au sentiment tragique de l’isolement de la conscience individuelle, est-ce l'Univers qui est une série infinie de structures auto-organisées ou la Conscience qui se structure et se déstructure indéfiniment? Ainsi l’avait écrit Miguel de Unamuno que « la conscience de l’Univers est composée par intégration des consciences des parties qui forment l’Univers et que même si elle se structure et se déstructure, elle n’est pas distincte des consciences qui la composent » * (p.183), que c’est bien  « la Conscience du tout qui s’efforce de devenir conscience de chaque partie »* ( p.282), et c'est d'elle que tient chaque conscience partielle. La conscience, au rythme de l’évolution et par le jeu de mutations génétiques, s’exprime à travers tous les êtres. Comme une lame de fond, elle s’engouffre dans l’être, récepteur d’émissions, qui y répond. Ce qui les sépare est la capacité inhérente à chacun de la véhiculer. On pourra me reprocher de commettre l’erreur de projeter la conscience dans l’Univers, ce que Miguel explique par le fait que l’être sensible ne saurait se résigner à être seul dans l’Univers et qu’il souhaite « sauver sa subjectivité vitale ou passionnelle en rendant tout l’Univers vivant, personnel, et animé » *(p.174). Mais si la conscience n’est que le fruit de l’imagination de l'être sensible, faut-il dès lors accepter que l’Histoire n'est qu’une « fatidique procession de fantômes allant du néant au néant» ? * (p.54). Il n’y a pas d’essence strictement individuelle. La conscience a pour attribut sa mémoire cellulaire. La conscience universelle, archive du passé en nous recelée, se dérobe sous les éboulis du temps. Comment appréhender une conscience infinie? D'où est née l’apparente division des consciences? Et comment la dépasser? Je trouve par ailleurs particulièrement frappant la métaphore du diamant, que l’on trouve notamment dans les œuvres bouddhiques.  Et si ce dont parlait le Sûtra du diamant était la Conscience dont l’absence de demeure est la Substance et la subtile réalité son Usage ? Miguel écrit: «si ce diamant est au même titre que ma conscience, idée ou esprit - dès lors que tout est bien, ou que tout est esprit - on ne voit pas pourquoi le diamant ne devrait pas persister éternellement puisque ce devrait être le cas pour ma conscience, du simple fait qu’elle serait idée ou esprit»* (p.105).

Dans l’Univers existentiel, il y a la montagne de l’ego.
A l’intérieur de la montagne de l’ego, il y a la mine des passions.
Dans la mine des passions, il y a le joyau de la nature bouddhique.
Au cœur du joyau de la nature bouddhique, il y a l’orfèvre de sagesse.
Que l’orfèvre de sagesse perce la montagne de l’ego et découvre la mine des passions.
Par la fonte du minerai sous le feu de son illumination, il verra le diamant de la nature bouddhique qui brillera par la pureté de son éclat.

Préface du commentaire sur le Vajracchedikâ Sûtra

 

* Miguel DE UNAMUNO, DU SENTIMENT TRAGIQUE DE LA VIE chez les hommes et chez les peuples (1913) et quelques textes inédits. Traduction de l'espagnol (castillan), édition numérique, index et notes par Olivier Gaiffe 

Glenstone

Glenstone

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