Aucune affaire ne peut à elle seule empêcher les effets catastrophiques du changement climatique... et le simple fait que cette poursuite ne puisse pas, à elle seule, arrêter le changement climatique ne signifie pas qu'elle ne présente aucune réclamation pouvant faire l'objet d'une résolution judiciaire.
Juge Joséphine Staton de la Cour d'appel des États-Unis pour le neuvième circuit
Si le temps est linéaire, il coule en cascades et se déroule comme une suite de séquences, de segments fractionnés dont nous restons parfois prisonniers. Emmurés dans nos espaces-temps individuels, nos conceptions du temps peuvent converger ou diverger. Si certains ont pour mission de vie des objectifs à court terme, d’autres, comme Julia Olson, voient la vie sur le long terme en toute considération de l’avenir et du bien-être physique et mental des êtres. Si ces objectifs s’opposent parfois, il importe qu’ils coexistent en harmonie. Le temps, quant à lui, ne se fige pas et continue inéluctablement sa marche avec ou sans nous. Pourquoi est-ce que le temps court prime sur le temps long ? La différence entre nous, je le crois, vient de la façon dont nous percevons ce temps complexe et multicouche.
La lignée des hominidés dont font partie les Homo Sapiens s’inscrit dans le temps, dans le cadre d’une histoire de la planète, du système solaire, de la galaxie et de l’univers. Le temps lui continue.Tout au moins c’est ce que je retiens, qu’il est fascinant de penser que nous sommes chacun le réceptacle d’une histoire physique, génétique, universelle dans l’enclos de nos cerveaux, de nos veines et de nos chairs périssables. Quant à l’avenir de l’Homo Sapiens, un article sur le site hominides.com s’est penché sur la question. “Décrire l’homme du futur revient à faire le portrait robot d'une personne que l'on n'a jamais vue ou qui n'existera tout simplement jamais... du moins pas comme nous l’imaginons.” On a souvent tendance à imaginer ce qui n’existe pas à l’image de ce qui existe déjà. Acteurs de cette histoire en mouvement, nous voudrions tous savoir si les mutations génétiques dont l’Homo Sapiens est actuellement l’objet vont en s’accélérant durant cette époque de l’Anthropocène et si cet Homo Sapiens gagne en ‘sagesse’ avec le temps.
Je me demande si on peut échapper à son destin. Mais de quoi suis-je la résonance ? Est-ce de ma nature véritable ? Qu’est-ce qui existe et perdure dans l’identité de mon être ? Un écho du passé, une image fractale d’ordre et de chaos. En moi résonne le Spleen de Baudelaire. De la résonance des sons à la résonance des mots, Iegor Reznikoff avait discuté de la place privilégiée du phénomène de résonance dans la production de l'art pariétal. L'importante capacité crânienne, rappelait Daniel E. Lieberman, prédispose l'Homo sapiens à percevoir les sons graves. Les basses fréquences résonnent au plus profond de l’être. Résonance et sensibilité vont de pair. On dit que le dauphin perçoit des sons d'une fréquence 8 à 10 fois supérieur au seuil auditif humain. C'est leur résonance, autrement dit le retour d'écho, qu'il perçoit. Et si entre les êtres et les choses visibles et invisibles, il n’y avait qu’un miroir sur lequel se reflétaient les sons de l’Univers. Et si les rêves n’étaient que des résonances de l’imaginaire à l’inconscient, une extension de nous-mêmes de la même façon que les instruments de mesure dont nous nous servons dans la conquête de l’espace en sont eux aussi ? J’imagine les vibrations que produisent les sons à l’intérieur des êtres, l’écho du son universel qui ouvre le champ des consciences. De la résonance individuelle à la résonance collective, de la fréquence du microcosme à celle du macrocosme, des microconsciences aux macroconsciences, entités, petites et grandes, résonnent-elles à l’unisson ?
Comment renverser la tendance de milliers d'années durant lesquelles l'être humain ne voit de beauté que dans une nature cultivée c'est-à-dire civilisée ? Un gazon obstinément arrosé malgré la sécheresse, des plantes et arbres non indigènes plantés en hâte pour le regard ou par convenance sans considération pour les conséquences à plus ou moins long terme.
L’écriture est un mystère qui se nourrit des sons, des émotions, des éclairs de lumière, que le temps sans cesse remet en question. Il y a des rêves qui s’entassent sur d’autres rêves si bien qu’on ne sait plus où est la réalité. Le cœur de l’Univers recèle l’émotion du temps qui se propage dans l’espace, glisse sur les ondes gravitationnelles, dévorant sur son passage les gravitons. Elle est trahie par l’éruption des taches solaires et quand elle communique des arcs-en-ciel de lumière aux nébuleuses et filaments, aux océans de terre, d’eau et aux êtres sensibles. L’ontologie de l’Univers se manifeste dans le flot de la conscience engorgée par l’émotion du temps qui grandit, secoue les grains de poussière au frottement des rayons cosmiques, qui se fragmentent, se coagulent et se transforment sous les effets de la lumière. L’émotion du temps est partout et nulle part à la fois. Elle se cache dans l’obscurité de l’énergie sombre, est contenue dans les formes géométriques des objets célestes et réapparaît dans des transferts d’énergie. Elle se donne le vertige à force de tourner sur elle-même comme la roue d’un char et roule sans fin emportant avec elle le char de l’Univers. Elle se débat à l’intérieur du film transparent réflecteur qui enveloppe l’Univers, emprisonnée sur la surface du miroir aux formes fantômes et aux feux follets. L’émotion du temps laisse un lourd sentiment de perte sur le cœur de l’Univers. Il n’y a plus que les piailleries des oiseaux qui assourdissent mes matinées. Le bruant à gorge blanche migrateur, lui, s’en est allé. Qu’importe! Il y a toujours le colibri à gorge rubis qui reviendra bientôt savourer le nectar des lobélies et l’an prochain quand je pourrai retourner au bord du ruisseau au pied des trois abris de pierre à Glenstone pour entendre l’Univers respirer.
Pour les réalistes, une particule devient “une sorte de singularité au sein d'un phénomène ondulatoire étendu, le tout ne formant qu'une seule réalité physique. Le mouvement de la singularité étant lié à l'évolution du phénomène ondulatoire dont elle était le centre se trouverait dépendre de toutes les circonstances que ce phénomène ondulatoire rencontrerait dans sa propagation dans l'espace” (De Broglie ). Aux faces complémentaires de la réalité se substitue la toute-puissance du principe de localité. Existe-t-il une réalité physique indépendante de l'observateur? Il faut entendre par là une réalité objective. Dire que tout existe en tant que potentialités néglige le fait qu'il y ait différents degrés de probabilité calculés en fonction du contexte.
Je suis allée assister à un débat littéraire sur le livre Vigil: Hong Kong on the Brink de Jeff Wasserstrom et en suis sortie avec, dans l'esprit, l'allégorie de la grenouille qui représente, pour moi, le niveau d’accoutumance aux dangers auxquels fait face l'humanité dans son ensemble, notre acceptation de la misère humaine. Chaque grenouille, suivant ses dispositions individuelles, fait face à plusieurs choix: elle peut continuer à ignorer la situation ambiante, protester ou s’échapper physiquement ou mentalement pour philosopher sur la nature de l’eau. Il nous appartient derevaloriser la sensibilitéet d'étendre notre cercle de compassion de tous les êtres à la planète.
Andy Goldsworthy, Boulder, Glenstone
S’il faut se confronter à la misère du monde, alors si on parle de Hong Kong, il faut aussi parler du Xinjiang. Si on parle de l'Irak, il faut aussi parler du Yémen. Si on parle de la Somalie, il faut aussi parler de la République centrafricaine. Si on parle de la République démocratique du Congo, il faut aussi mentionner le Sud du Soudan. Et si on parle de l'Afghanistan, il faut parler de la crise des opioïdes et de l'augmentation des taux de suicide parmi les militaires. Et pourquoi ne pas parler non plus des sans-abri ?
Glenstone
Mais la grenouille qui médite sur la nature de l’eau préfère la poésie. L’Univers, croit-elle, est une poésie et l'humanité, une forêt de cerveaux ambulants. Elle préfère étancher sa soif aux fontaines du passé, à celles que l’on croit taries parce que devenues souterraines, retranchées dans l’inconscient de l’humanité. Entre les paroles d’Utpaladeva et les mots de Miguel de Unamuno, elle reprend juste pour un bref instant son dialogue intérieur. Il y a tant à dire sur la nécessité de mettre en lumière et de développer les idées de ceux qui nous ont précédé, sur le fait que nombre de concepts ont été énoncés au cours des siècles et d'autres reformulés et que les idées sont des graines que l’on se transmet les uns les autres et que l’on puise au fond de chaque être, comme l’eau d’un puits. Mais les idées, comme des rayons cosmiques, portent en elles la quintessence de leur devenir: elles ne forment pas de ligne droite. Elles se heurtent à d’autres formes de pensée et s’entremêlent pour en créer de nouvelles. Entraîné dans les flots de la conscience, l’être se retourne inexorablement vers l’amont dans l'espoir de garder en mémoire l’empreinte de l’Univers. Je trouve vérité dans le fait que la conscience, affublée des oripeaux de l’existence humaine, n’est qu’un « éclair entre deux éternités de ténèbres »*(p.19) entre ce qui n’est plus et ce qui sera, entre l’abysse fantôme et le monde de matière car elle n’est en apparence qu’une fragile étincelle mais, en réalité, je crois que mon tout dernier souffle de vie, emporté par le vent vers les ondes cosmiques, rejoindra ceux qui m'ont précédé dans la ronde incessante de l'Univers. Du sentiment tragique de la vie au sentiment tragique de l’isolement de la conscience individuelle, est-ce l'Univers qui est une série infinie de structures auto-organisées ou la Conscience qui se structure et se déstructure indéfiniment? Ainsi l’avait écrit Miguel de Unamuno que « la conscience de l’Univers est composée par intégration des consciences des parties qui forment l’Univers et que même si elle se structure et se déstructure, elle n’est pas distincte des consciences qui la composent » * (p.183), que c’est bien « la Conscience du tout qui s’efforce de devenir conscience de chaque partie »* ( p.282), et c'est d'elle que tient chaque conscience partielle. La conscience, au rythme de l’évolution et par le jeu de mutations génétiques, s’exprime à travers tous les êtres. Comme une lame de fond, elle s’engouffre dans l’être, récepteur d’émissions, qui y répond. Ce qui les sépare est la capacité inhérente à chacun de la véhiculer. On pourra me reprocher de commettre l’erreur de projeter la conscience dans l’Univers, ce que Miguel explique par le fait que l’être sensible ne saurait se résigner à être seul dans l’Univers et qu’il souhaite « sauver sa subjectivité vitale ou passionnelle en rendant tout l’Univers vivant, personnel, et animé » *(p.174). Mais si la conscience n’est que le fruit de l’imagination de l'être sensible, faut-il dès lors accepter que l’Histoire n'est qu’une « fatidique procession de fantômes allant du néant au néant» ? * (p.54). Il n’y a pas d’essence strictement individuelle. La conscience a pour attribut sa mémoire cellulaire. La conscience universelle, archive du passé en nous recelée, se dérobe sous les éboulis du temps. Comment appréhender une conscience infinie? D'où est née l’apparente division des consciences? Et comment la dépasser? Je trouve par ailleurs particulièrement frappant la métaphore du diamant, que l’on trouve notamment dans les œuvres bouddhiques. Et si ce dontparlait le Sûtra du diamant était la Conscience dont l’absence de demeure est la Substance et la subtile réalité son Usage ? Miguel écrit: «si ce diamant est au même titre que ma conscience, idée ou esprit - dès lors que tout est bien, ou que tout est esprit - on ne voit pas pourquoi le diamant ne devrait pas persister éternellement puisque ce devrait être le cas pour ma conscience, du simple fait qu’elle serait idée ou esprit»* (p.105).
Dans l’Univers existentiel, il y a la montagne de l’ego.
A l’intérieur de la montagne de l’ego, il y a la mine des passions.
Dans la mine des passions, il y a le joyau de la nature bouddhique.
Au cœur du joyau de la nature bouddhique, il y a l’orfèvre de sagesse.
Que l’orfèvre de sagesse perce la montagne de l’ego et découvre la mine des passions.
Par la fonte du minerai sous le feu de son illumination, il verra le diamant de la nature bouddhique qui brillera par la pureté de son éclat.
* Miguel DE UNAMUNO, DU SENTIMENT TRAGIQUE DE LA VIE chez les hommes et chez les peuples (1913) et quelques textes inédits. Traduction de l'espagnol (castillan), édition numérique, index et notes par Olivier Gaiffe
La forme, affirme l’exposition sur Léonard de Vinci à Paris, n’est qu’une illusion que le monde, dans sa perpétuelle mobilité, ne cesse d’arracher à elle-même. Si l’on note la tendance à l’inachèvement chez l’artiste, la vie elle aussi est une œuvre fatalement inachevée. Le pouvoir de l’imaginaire tente de remédier à cette fatalité et de porter l’humanité vers le dévoilement de vérités futures. Outre sa magnifique habileté à capturer le regard de ses sujets comme celui de l’enfant qui se fige sur une fleur éphémère, Léonard de Vinci étudia la mécanique des fluides, des phénomènes tourbillonnaires et les interférences d’ondes circulaires, le vol des oiseaux dans et contre le vent, la réflexion du soleil sur les vagues, la lumière cendrée comme réflexion de la lumière solaire sur les mers terrestres, la nature des vagues et la croissance des arbres. Au retour de Paris, j’ai vu le reflet argenté sur l’océan des paillettes d’or blanc que jetait la lumière du soleil automnal le long des rives de Long Island comme le lent écoulement, presque statique, d’un épais liquide d’argent et les vagues fracassées sur le mur naturel de l’île de Feu au sud.
En 2009, le 17 septembre a été proclamé la journée de la Constitution et de la citoyenneté car c’est ce jour-là en 1787 qu’a été signée la Constitution américaine. S’il faut faire un bilan de sa mise en œuvre, il appartient d’observer les tendances actuelles. L’Amérique se récrie contre l’inaction de ses représentants et la sclérose de la branche législative. Le dernier amendement à avoir été adopté remonte à 1992. Il n’était ni question d’abolition de l’esclavage ni de droits civiques mais du salaire des membres du Congrès. À ce jour, 56 lois ont été promulguées par le 116ème Congrès depuis janvier 2019. Le nombre des lois, dont beaucoup ne sont que cérémonielles, s’est vu graduellement baisser ces dernières décennies. Étant donné l’incapacité du Congrès et du Sénat à faire passer des lois, c’est la branche exécutive qui a pris l’initiative de pallier la paralysie du législatif, mais elle s’est chargée non seulement de faire appliquer les lois mais aussi de les interpréter, ce qui conduit à la remise en cause de ses décisions devant les instances locales, régionales et la Cour suprême et, contribue du coup, au rôle accru du pouvoir judiciaire et à l’élargissement de la compétence de l’ensemble des juridictions. Une démocratie véritable nécessite-t-elle la réforme de la branche législative et l’élection directe et régulière de tous les représentants politiques et juridiques des trois branches du gouvernement?
Dignité et Fierté nous animent. L’un des défis pour une personne âgée est d’apprendre à demander et recevoir l’aide des autres. L’indépendance qui marque les habitudes de vie oblige à redouter son déclin. Alors que la vanité pousse à croire en l’existence du soi et de sa propre individualité, le corps ancré dans le temps sent imperceptiblement la vie lui échapper. A 97 ans, le philosophe Herbert Fingarette a fait face, jusqu’au seuil de la mort, à l’énigme de sa vie dans un état de vulnérabilité extrême. Il s'agit de démontrer la dimension collective, communautaire, de la vie dans le cadre d’une évolution transcendante de l’humanité.