l'univers et la conscience

La conscience gravite elle aussi

Publié le par Catherine Toulsaly

En relisant les articles précédents, j’espère être mieux à même de poursuivre l’objectif initial que je m’étais fixée, à savoir imaginer ce qu’est la conscience cosmique. Il ne s’agit pas de différents niveaux de conscience, mais de degrés divers de réceptivité et de sensibilité. Des questions subsistent : puisqu’il existe une interconnexion entre tous les êtres à travers la matière – passée, présente et future – pourquoi, même en contact avec le monde extérieur, l'individu n'en est-il pas pleinement conscient ? Si une forme de conscience suprahumaine possède une profondeur de sens et une clarté de vision qui dépassent celles de l'être humain, les étoiles en sont-elles dotées pour les avoir développées depuis des milliards d’années ?

The ethereal body (Google Labs - Image FX)

Le corps éthéré de mon âme se balance à un fil accroché à la Lune.  La conscience humaine se présente comme un bavardage entre le corps, le cœur, l’esprit et l’âme. Par âme, j’entends qu’il y a une part d’éternité chez l'être humain, une essence éthérée.

The chatter (Google Labs - Image FX)

J’ai imaginé le temps comme une charrette à quatre roues sur une route sans fin. J’ai même pensé qu’il représentait tout à la fois la charrette invisible, les roues et les rayons des roues ainsi que le cheval qui, la tête dans les nuages nébuleux, tire la charrette à travers l’espace en expansion.

Le temps à deux directions? (Google - Labs - Image FX)

Nous, les passagers de cette charrette rudimentaire, sommes transportés sans savoir où, dotés d’un esprit intuitif en prise aux angoisses. Que nous retrouvions ou pas les pages manquantes des annales historiques universelles, le passé, même ignoré, reste immuable. Quel est la place de l'être individuel ?

Les grandes figures de la pensée humaine seront connus des générations à venir par les citations qu’elles laissent derrière elles. Bien qu’elles soient souvent utilisées hors contexte, la plupart nous inspirent. E. O. Wilson a écrit que l’existence humaine s'inscrit comme une épopée parmi toutes les espèces, une aventure fabuleuse qui témoigne d'un grand sentiment collectif. Nous sommes comme les fourmis qu’il a étudiées toute sa vie. Nous vivons et mourons pour le progrès et le bien-être de la communauté et non pas à notre seul profit, que la communauté soit composée d’humains ou d’étoiles. Et l’avenir est « ce que nous choisirons de devenir ». Alors, vers quoi nous dirigeons-nous : le chaos ou la communauté ? Martin Luther King avait déjà posé la question. Tout dépend...

Wilson avait également observé que nous « préférons croire plutôt que savoir ». Une croyance abrite l’esprit qui s'y réfugie lorsque rien ne semble avoir de sens. Nous croyons en la beauté, en un but supérieur et au pouvoir du bien contre le mal, car nous avons besoin de courage pour continuer.

Wilson a écrit plus tard que nous nous noyons dans un océan d'information tout en étant assoiffés de sagesse. Le monde sera désormais dirigé par ceux et celles à même de synthétiser, ceux et celles capables de rassembler les bonnes informations, d’y réfléchir de manière critique et de faire des choix essentiels. Ceux et celles qui optent pour la voie de la synthèse doivent pourtant se vider l'esprit de toute intention préalable. L’intuition est leur bâton de pèlerin, ce qui n'empêche pas les doutes de paver le chemin sur lequel, souvent, ils trébuchent.

Selon le principe holographique, les informations relatives à  l’intérieur d’un volume « se dissipent en raison de la perte d’informations, tandis que seules les informations situées à la surface demeurent, peut-être parce qu’elles restent en contact avec le monde extérieur ».  Un tel principe devrait-il aussi s’appliquer à notre environnement, à l'enveloppe corporelle des personnes que nous connaissons, au globe terrestre, à l'astre lunaire et à l’Univers tout entier ? Vivons-nous dans un monde holographique où tout ce que nous voyons et connaissons n’est que la surface, une infime partie de celui-ci ? Comment pouvons-nous alors être capables de recueillir les bonnes informations, d’y réfléchir de manière critique et de décider des choix importants ?

La prolifération de phytoplancton est visible sur une image satellite, mais des recherches sont encore nécessaires pour évaluer les effets en cascade sur le zooplancton et le réseau alimentaire des océans et mesurer la vitesse à laquelle les floraisons se produisent dans l’Arctique et ailleurs. Sur notre planète, où les terres des côtes s’érodent sous les pieds des habitants et où les espèces d'oiseaux disparues ne sont plus que des sculptures inertes hantant les sites où elles étaient pour la dernière fois observées, le problème avec la connaissance est que nous pensons savoir, mais au moment où nous savons, tout fait déjà partie du passé.

Climate Change (Google - Labs - Image FX)

Une croyance est un refuge où l’esprit trouve du réconfort face à la mort et à la destruction. Où sont allés les bruants à gorge blanche ? Ont-ils fui plus au sud  l’hiver anormalement rigoureux cette année ? Ont-ils négligé le jardin de plantes indigènes après l'abattage de quelques chênes blancs dans le quartier ? Aujourd’hui, pourtant, je les entends. Ils sont de passage jusqu’à ce qu'il soit le moment de repartir vers le nord. Savent-ils ce que ressentaient les espèces disparues du grand pingouin et de la poule des champs (Tympanuchus cupido cupido)?

Ce qui reste en contact avec le monde extérieur, ce qui découle des interactions avec l’environnement physique définit l'élément  relationnel de la conscience. Il existe un « entre-deux » – une interface, un point de contact – où un humain, une étoile, une planète et même un trou noir entrent en contact avec quelque chose d’un ordre différent, alimentant ainsi leur propre sentiment d’être. Une telle résonance intérieure – c’est-à-dire la conscience individuelle – déclenche elle aussi (et est déclenchée par) ces interactions spécifiques avec l’Univers.

En surface, il n’y a pas de Conscience sans une force de gravitation. Il y a par contre des ondes gravitationnelles de conscience qui parcourent l'espace-temps multicouche. Je retourne à la question de la force de gravitation comme si j’étais une planète effectuant sa toute première révolution.

L'article précédent a posé la question fondamentale de l'existence de la matière noire. Il se peut qu’il s’agisse d’un fluide polarisé ​​bien qu’invisible. La matière noire pourrait bien être ce dont se revêt un champ gravitationnel. Si ce n’est pas le cas, tout calcul ou observation indirecte lié à sa masse et à son allure pourrait être le résultat d’une illusion causée par les ondes gravitationnelles polarisées de l'univers quantique.

Les idées sont elles aussi soumises à la loi de gravité. Elles tombent goutte à goutte. Elles ont besoin de temps pour entrer dans l’espace de la connaissance. Sans la loi de gravité, les feuilles qui tombent sauront-elles dans quelle direction tomber ? Les arbres sauront-ils comment positionner leurs racines ? Les courbes du continuum espace-temps sont-elles destinées à permettre aux étoiles et aux galaxies de se déplacer le long de celles-ci ?

La loi de gravitation est une manifestation de la courbure de l’espace-temps. C’est peut-être la présence d’un champ gravitationnel, écrit Penrose, qui fait sortir la description d’un système physique du domaine de la physique quantique pure. Le champ gravitationnel devient le terrain d’absorption et d’émission de faisceaux discrets de quanta. Le processus implique-t-il la gravitation des quanta ou la quantification de la gravité ?

L’espace-temps est discret, tout comme la conscience. La conscience cosmique rassemble les nuages ​​de résonance et d’information, où  tous les points de contact qui se logent dans l'espace-temps sont construits par intrication quantique.

La conscience stellaire émerge de l’énergie gravitationnelle des étoiles et étend sa portée au-delà de leur champ d'influence. Entravée par une armée d’armures, de carapaces et de couches, emprisonnée dans la toile spatiotemporelle, la conscience communique dans un langage incohérent et passe inaperçue. On croit ici que le flux temporel précède celui des choses. Dans le flux temporel existe l’essence d’une onde. Lorsque le silence cesse et que le bruit grandit, des vagues de conscience se propagent sous l’effet d’une force gravitative multidimensionnelle.

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Vous avez dit 'trou noir'?

Publié le par Catherine Toulsaly

Considérer ce qui manque dans une image de la galaxie NGC 24 dans la constellation du Sculpteur — la matière noire — c’est voir l’invisible. Des dizaines de milliers d’articles ont déjà été écrits sur le sujet sans pour autant s’y retrouver. Submergé par une multitude de questions, l’esprit prend de la hauteur tel un oiseau.

La possibilité qu’une force gravitationnelle, due en grande partie à la masse du halo galactique, puisse jouer un rôle dans la trajectoire d’objets célestes me ramène aux notes que j'ai compilées jusqu’à présent sur la matière noire. Si certains sont convaincus de son existence, d’autres se montrent sceptiques.

Des théories visent à expliquer les différences dans la distribution de la matière noire entre les petites et les grandes galaxies par le fait que son mouvement rétrograde a des effets importants sur la morphologie et l’évolution des galaxies spirales barrées.

Les mécanismes dynamiques impliqués dans l’interaction entre les particules de matière noire et les baryons paraissent cependant encore plus difficiles à cerner. Passant en revue les données de l’expérience ATLAS, il semble que pas plus de 13 % des bosons de Higgs produits dans le Grand Collisionneur de hadrons pourraient être convertis en particules invisibles.

Nous voyageons dans le temps par le biais de modèles et de scénarios sur la façon dont tout a commencé et sur les caractéristiques de l’Univers des premiers instants qui ont conduit au contexte actuel. Au sortir d' une singularité au-delà de l’espace-temps, un gaz d’atomes d’hydrogène a alimenté la formation des premières entités, les étoiles et les trous noirs.

La raie spectrale de 21 cm produite par les atomes d’hydrogène est une découverte essentielle. L’effet de refroidissement (ou le transfert de mouvement) peut s’être produit lors de l'interaction entre les particules noires dotées d'une charge électrique minimale et les baryons. À la limite de l’infiniment petit, seule une fraction de ces particules interagissait avec la matière ordinaire.

Les théoriciens qui cherchent à retracer le temps perdu à l'aube de l’Univers s’interrogent sur la nature ontologique de la réalité. Tout a commencé avec autant de matière que d’antimatière, bien que nous observons aujourd’hui une différence. La matière finira à une époque ultérieure par se désintégrer et le nombre des baryons reviendra à zéro.

Au CERN, les chercheurs tentent de trouver des preuves d’interaction. L’une des expériences du décélérateur d’antiprotons du CERN —  la collaboration ALPHA —  a présenté ses premières évaluations des effets quantiques sur la structure énergétique de l’antihydrogène.

La frontière mouvante entre l’invisible et le visible n’a pas été franchie. Nous parvenons à affiner l’objet de notre recherche en imposant des contraintes sur leurs propriétés. La matière noire pourrait-elle être présente sous notre nez, liée gravitationnellement à des objets célestes tels que la Lune ou Jupiter ?

La matière noire peut être tellement de choses. Il peut s’agir d’un fluide froid, flou et non collisionnel. Elle peut être composée d’un type de particules encore inconnues : des neutrinos à chiralité droite, des baryons de matière miroir, ou même des fermions sombres de cinquième dimension, pour n’en citer que quelques-unes.

La cogénèse de la matière noire et d'un processus appelé leptogenèse — qui a produit l’asymétrie matière-antimatière — a pu se produire en présence de trous noirs primordiaux. Ces objets cosmiques des premiers instants se trouvaient dans un micro-état. Certains sont devenus, au cours de leur évolution, des centres de galaxies tandis que d’autres errent encore sans populations d’étoiles en orbite.

Les simulations de Romulus permettent de prédire quel trou noir, suite à une fusion de galaxies, parviendra à graviter jusqu'au centre et combien de temps ce processus prendra. Il est dit que de nombreux trous noirs binaires se forment après plusieurs milliards d'années d'évolution, tandis que certains n'ont jamais atteint le centre. On a découvert que les galaxies d'une masse égale à  celle de la Voie lactée abritent en moyenne 12 trous noirs supermassifs, qui se trouvent généralement dans les halos de matière noire.

Les trous noirs supermassifs sont des objets invisibles et extrêmement lourds. La même invisibilité et la même lourdeur s’appliquent-elles à la matière noire ? La matière noire pourrait-elle s’accumuler près des trous noirs, sur l’horizon des événements ? Pourrait-elle s'engouffrer à travers le véritable horizon vers un secteur caché ?

L’introduction de dimensions supplémentaires, d’une force de cinquième dimension ou d’un univers miroir porterait un sérieux coup au concept de néant, diminuant encore davantage la possibilité de son existence. S’il n’existe pas de néant précédant la génération de l’espace à partir du « temps zéro », alors il se peut que les entités universelles rétrécissent à l'infini au seuil d’une dimension cachée de l’espace-temps. 

L’espace, comme la mer avec ses courants, est le théâtre de chocs et de vagues de fond qui font que les nuages ​​de baryons et la matière noire se bousculent les uns aux autres et s’attirent les uns les autres. Les traces et les sillages qui se forment suggèrent des perturbations de densité dans l’espace-temps. Même les galaxies satellites, telles que le Grand Nuage de Magellan, pourraient dans un futur lointain laisser, à travers la Voie Lactée, des débris de matière noire qui ne leur seront plus liés gravitationnellement.

L’étude des empreintes de matière noire et des distorsions des flux stellaires est essentielle pour démêler ces processus. Les scènes de leurs rencontres, qui impactent la forme et la vitesse des uns et des autres, sont fixées dans l’espace-temps, gravées dans la mémoire des galaxies.

Certains imaginent l’Univers comme si des amas de baryons s'intégraient dans des halos de matière noire. L’espace agit comme un écran sur lequel sont projetées des scènes de vie universelle. Les scientifiques s’attaquent aux deux extrémités de l’Univers : l’extrêmement petit et l’infiniment grand. Alors qu’ils tentent d’identifier la nature microscopique de la matière noire, ils tentent en même temps de décrire le rôle de la matière noire dans l’Univers macroscopique. De grandes fusions modifient la morphologie des galaxies et les halos de matière noire. L'inflation cosmique et la matière noire sont les deux faces d'une même médaille.

En fin de compte, la matière noire pourrait être hétérogène, se comportant différemment selon l’échelle et la localisation, que ce soit dans des halos autour des galaxies et des amas de galaxies ou autour des centres galactiques. Son hétérogénéité permettrait la possibilité de collisions et d’interactions entre particules de matière noire. Certains imagineraient même que la matière noire auto-interagissante soit à bien des égards semblable à ce que nous observons avec la matière baryonique. La matière noire pourrait-elle être parfois chaude ou tiède, en relation avec la thermalisation de l’Univers ? Pourrait-il y avoir des photons noirs ? La matière noire pourrait non seulement être composée de matière noire auto-interagissante, mais aussi de trous noirs primordiaux.

Les relevés radio d’EDGES, de LOFAR et d’HERA — qui a fourni son premier ensemble de données — ainsi que dans le futur de SKA font partie des premiers résultats dont nous disposons dans l'étude de la topologie primordiale. Dans un Univers en évolution, Penrose imagine les particules de matière noire comme des entités gravitationnelles appelées érébons qui se désintègrent complètement à la fin de chaque éon pour être ensuite créées à nouveau au début. Peut-être, ajoute-t-il, aurons-nous besoin de détecteurs d’un autre type pour voir ces désintégrations d’érébons dans le présent éon.

En plus de la détection des ondes gravitationnelles par des observatoires comme LIGO, Virgo et KAGRA, le télescope James Webb pourrait faire correspondre des images aux émissions radio et fournir des réponses aux questions sur les trous noirs primordiaux. Par exemple, si les particules de matière noire produisaient des signaux gamma par suite de leur conversion, l'intensité des rayonnements, enregistrée à proximité d’un trou noir, en donnerait la preuve.

Le principe appelé rasoir d’Occam stipule que la pluralité ne doit pas être posée sans nécessité. S'il ne faut pas multiplier les entités sans nécessité, laquelle des hypothèses mentionnées ci-dessus est l’explication la plus simple ? Au lieu de nouvelles particules que nous n’avons pas encore découvertes, pourrions-nous nous débarrasser de la matière noire ? Une nouvelle théorie relativiste de la dynamique newtonienne modifiée se dit être la plus efficace pour reproduire les observables cosmologiques clés. Mais sans recourir au concept de matière noire, peut-on encore prédire ce qu'il adviendra du Grand Nuage de Magellan? 

Round and round it goes (Google - Labs - Image FX)

Dans la ronde autour du centre galactique, nous naviguons un flot incessant de questions. Pourquoi la lumière prend autant de temps du centre galactique à la Terre qu'il faut à la Terre pour effectuer un cycle complet de précession des équinoxes?

Les poètes ne meurent pas. Tombés dans un profond sommeil, ils embarquent sur un vaisseau temporel pour retourner aux commencements.

Poets on a time ship (Google - Labs - Image FX)

 

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La pensée artistique

Publié le par Catherine Toulsaly

Nous occupons la surface d’un minuscule point du superamas de la Vierge, l'appendice d'un superamas encore plus vaste de Laniakea, où les sifflements des oiseaux couvrent le faible bourdonnement des ondes gravitationnelles et les tremblements de terre des volcans. Tout cela renforcent notre connexion avec l’Univers.

De ce poste d’observation, Nicolas Louis de Lacaille a vu dans le ciel austral ce qu’il a appelé l’Atelier du sculpteur. Il l'a dessiné sur son planisphère comme une tête sculptée sur une table à trépied, avec un maillet et deux ciseaux à côté.

Dans cette même constellation se trouve la galaxie du sculpteur — NGC 253 — découverte par l’astronome germano-britannique Caroline Herschel en 1783. Dans la même partie du ciel céleste, il y a aussi le Vide du sculpteur à côté du Mur du pôle Sud.

The Sculptor Void (Google- Labs - Image FX)

Le Vide du sculpteur est rempli des doutes de l’artiste. La recherche prend des formes multiples : art, science, philosophie, langage. Les arts, y compris la poésie qui est une forme d’art, ont commencé comme un terrain de recherche, mais la créativité a débordé des marges de ce domaine. Chaque découverte repousse les contraintes que nous nous imposons. Les scientifiques, tout comme les artistes et les philosophes, sont eux aussi des chercheurs mieux à même de poser des questions que d'y répondre et prêts à s’arrêter et à réfléchir à tout moment face à l’inconnu comme si leur cerveau en ébullition pouvait lentement adoucir les énigmes les plus difficiles que l’Univers a à offrir.

La recherche exige un besoin insatiable de savoir. Elle implique la nécessité de continuer et de passer d’un point à l’autre. Un thème cesse et un autre commence, tous des éléments du même assemblage, créant ainsi un corpus d’œuvres.

Un tel « assemblage territorial » nécessite le démantèlement des frontières, la déterritorialisation de l’espace qui engloutit une série d’éléments, de pensées, d’idées, de concepts, tous destinés à soutenir et à articuler le récit dans la tête du chercheur. La méthode utilisée est ce que j’appellerais (faute d’un meilleur mot) la présentification d’une antériorité alors que le but, pour l’artiste-chercheur en particulier, n’est pas l’appropriation mais l'élargissement erratique d’un espace de ressentis.

Tandis que les artistes ressentent la présence de l’indicible, la science ne considère que ce qui peut être exprimé. Grâce aux arts, nous ressentons les connexions extérieures et intérieures. L’intuition est ce qui nous aide à naviguer au sein de ces influences terrestres et cosmiques.

Créer nécessite une certaine intuition de ce qui sera créé ; cette intuition provient en partie de l’expérience collective antérieure, mais nécessite aussi une étincelle personnelle et intuitive pour dépasser une connaissance antérieure.  Ce n’est pas seulement quelque chose en nous qui cherche à se manifester à l’extérieur, c’est un flux vers l’intérieur.

La recherche commence à petite échelle, puis élargit sa portée. Elle fournit une caisse de résonance à la voix intérieure. Elle nécessite de mêler idées et concepts, de les assembler et de  prendre la mesure de la façon dont ils s’articulent.

La recherche artistique est un processus expérimental. Les contours et le contenu peuvent être qualifiés de rhizomatiques, car l’artiste-chercheur s’engage dans une démarche interminable, en établissant des liens sans fin, car l’acte de création est intrinsèquement un test des intuitions et des spéculations. Au cours du processus, certaines pensées préliminaires suivront leur cours naturellement tandis que d’autres entreront dans une phase de dormance.

En fin de compte, les frontières entre le savoir et l'absence de savoir sont floues, comme si nos sens étaient fermés, balayant un sentiment indicible. Autant nous souhaitons acquérir plus de connaissances, autant nous ignorons ce qu’il nous reste à apprendre, l’étendue de notre ignorance. La recherche devient une caverne dans laquelle l’esprit rampe et creuse à mains nues. Pressés par le temps, celui-ci pourtant ne fait que nous murmurer à l’oreille que nous ne sommes pas seuls et qu'il nous tient compagnie.

Les Mille Plateaux de Deleuze et Guettari sont riches d'analogies et d'idées révolutionnaires, telles que celles du rhizome et du trou noir. Elles ont une influence déterminante pour la suite de cette présente quête. Un artiste-chercheur, lui aussi, n’est pas différent d’un enfant qui s’oriente comme il le peut dans le noir avec sa petite chanson. Il déambule dans un système de pensées désorganisé en improvisant.

Une telle improvisation, cependant, peut conduire à l'aube d’un aménagement territorial. La recherche nous guide pour affiner les bonnes questions à poser et le bon ordre dans lequel les poser. Elle permet au chercheur de savoir ce qui est connu et ce qui ne l'est pas et de déterminer ce qui peut être connu ou ce qui reste à savoir.

Tantôt, un tel système de pensées désorganisé peut tourner autour d’un immense trou noir dans lequel on s’efforce de fixer un point fragile. Tantôt, on organise autour de ce point une allure calme et stable plutôt qu’une forme. Le trou noir est devenu le domicile privilégié. Tantôt, on greffe une échappée sur cette allure, hors du trou noir. Mais pour un artiste-chercheur, il ne s’agit pas seulement d’être chez soi dans un trou noir. Il s’agit de découvrir ce que l’on ressent lorsqu’on est un trou noir, lorsqu’on n’est rien.

Au-delà de ce qui motive un artiste-chercheur se cache l’inévitable désir d’expérimenter, de s’identifier au sujet en question et de ressentir. Les chemins vers ce qui n’est pas m’amènent à la question de l’horizon véritable et de l’horizon illusoire d’un trou noir. L’horizon illusoire est  l’écran holographique du trou noir, codant pour chaque observateur les états qui se cachent derrière l' horizon illusoire.

La perte d’objectivité nous menace tous et l’attrait d’un horizon illusoire représente un risque pour les efforts du chercheur. Alors que les points de référence d’une théorie du tout semblent se déplacer au fil du temps, comment atteindre le véritable horizon ?  Et comment en être conscient? Existe-t-il une boussole à partir de laquelle je pourrais déduire le vrai nord ? Est-ce que mes pas me dirigent vers l’horizon illusoire ?

La recherche ressemble à une chute libre, un plongeon dans des eaux profondes, la taille directe non pas de la pierre mais d’un amas d’idées et de concepts. Le souffle du Vide décrit la trajectoire du processus créatif lors de la sculpture sur pierre lorsque le passé, le présent et le futur se confondent dans la pierre : ce qu’elle était, ce qu’elle est et ce qu’elle sera. Les chercheurs sont comme des sculpteurs qui luttent pour voir des formes surgir de la masse de leurs connaissances. Demain met en valeur les pas d’hier. Un autre jalon sur la carte de l'artiste-chercheur.

Researchers (Google -Labs - Image FX)

 

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Le dialogue tourne en rond

Publié le par Catherine Toulsaly

Comme si un principe universel régissait le continuum espace-temps, les muons circulent, les électrons tournent et les anneaux et disques de nuages ​​moléculaires montrent une orientation préférentielle dans leur mouvement rotatif. Tout tourne en rond de l’infiniment petit à l’exponentiellement grand. Le poète se demande : vont-ils dans le sens de aiguilles d'une montre ou dans le sens contraire ?

J’essaie de sortir du néant. Je sens son ombre entre les lignes du livre de Gilles Deleuze qui évoque le vide du temps pur et ajoute que le temps, tel que nous le vivons, n’est pas défini par un ordre formel vide mais par un tout et une série. Le temps implique un ordre temporel de situations spatiales. Il invite au mouvement. Avec l’espace et la force de gravitation, le temps dessine flux et boucles dans la toile universelle. Il provoque la mutation des unités de masse et de longueur. Inversement, sans mouvement, le temps retourne au néant. C'est une coquille vide qui se remplit de boucles de temporalités accrochées à ce qui est perçu comme un fil central et linéaire. Certaines boucles sont similaires ; d'autres, différentes, toutes moulées dans la structure de l'espace-temps. Les planètes, comètes et  étoiles parcourent un voyage de milliards d'années sur une échelle de temps différente de la nôtre. Dans l'apparente répétition de faits successifs, notre mémoire commune perd son expression collective.

E. O. Wilson avait décrit la membrane d’organismes enroulée autour de la Terre par le biais de la force de gravité et à laquelle nous, l’espèce humaine, appartenons. Elle est « si fine », avait-il commenté, qu’elle se distingue à  peine d'une navette spatiale, et pourtant elle est si complexe intérieurement. De même, si rien n’est ou n'a été visible pour les observateurs passés et présents, des cellules individuelles de micro-organismes se développent et se reproduisent néanmoins, ou du moins sont « dormantes et en attente » quelque part dans l’Univers.

Au-delà de l'aspect physique de la vie à base de carbone, il y a une expression vivante dans la cinématique et les processus dynamiques des groupes d’étoiles. Leur mouvements à des vitesses spatiales similaires et liés par la force de gravitation créent écarts et répétitions.

Un champ caméléon se fond dans le néant. C’est le théâtre d’un échange entre la matière noire et la matière ordinaire nourri par une cinquième force à longue portée entre les objects. La résonance entre les boucles,  réseaux de lignes et cercles qui se croisent et se coupent définit l’espace en tant que structure relationnelle et non pas une entité en soi. Ma tête tourne lorsque je tente de visualiser tout ça: une rotation de spin de muon, les réseaux de spin de Penrose et la Terre qui tourne sur elle-même. Je ne vois que des axes zigzagant dans l’espace.

Les réseaux de spin de Penrose sont les premiers ensembles de séries temporelles et spatiales dans un processus d’actualisation. Du spin des particules aux axes de rotation des larges objets individuels et composites de l'espace, la géométrie n'est pas seulement une relation entre des lignes mais aussi une relation de mouvements autour et entre les axes. La précession de spin nous rappelle des phénomènes similaires observés parmi les systèmes macroscopiques.

La précession définit l’oscillation d’un objet autour d’un axe comme la Terre dans un cycle de 26 000 ans mais aussi le mouvement anormal du muon dont la mesure a été corroborée par les résultats de l’expérience Muon g-2 du Fermilab. Nous espérons découvrir, grâce à une expérience au Japan Proton Accelerator Research Complex, qui devrait débuter en 2025, la mesure dans laquelle le moment magnétique du muon est anormal. Au niveau quantique, la précession d’un muon est un indice pour comprendre le temps qu’il lui faut pour traverser une barrière entre le néant et l’être. En présence du champ magnétique, un muon se trouve au sein d’un nuage de particules qui apparaissent et disparaissent à mesure qu’il émet et absorbe des photons, ce qui modifie, quoique minimalement, son moment magnétique.

Les axes d’origine et de précession créent un Univers enchevêtré et pointent vers des objets à  des distances encore plus lointaines. Tandis que nous formons une image mentale des particules virtuelles dans le nuage de muons et des lignes imaginaires traversant des objets individuels, nous nous demandons jusqu’où notre conscience peut s’étendre et les limites spatiotemporelles de sa portée. Tissé dans le temps, une communication est ouverte entre les séries nombreuses et variées des phénomènes universels de résonance. Glissant entre les doigts jusqu'aux confins des galaxies, il y a un je ne sais quoi qui fait écho intérieurement.

Il semblerait si facile de ne voir qu'une chaîne répétitive dans le passé, le présent et l'avenir, dans la façon dont les choses se déroulent et se ressemblent. Mais un tel retour éternel, dans le processus de spatialisation du temps, ne ramène ni la condition spécifique ni l’agent. Au contraire, il les expulse, selon Deleuze, hors de l’espace vers ce que je ne peux pas encore voir, assurant ainsi l’autonomie et l’indépendance des objects individuels qui en résultent et ne permettant à rien de subsister par défaut ou de devenir le même.

Le temps affirme l’individualité. Entre rien et tout, les structures se dispersent et se multiplient. Les objets deviennent plus flous comme s’ils étaient dissimulés dans le champ caméléon du temps et de nouveaux prennent forme. L'entrée d'Oumuamua dans notre champ de vision toujours plus grand nous fait nous demander à quoi pourrait ressembler sa trajectoire hyperbolique. Son chemin le ramènera-t-il à proximité de son lieu d’origine ? Rêvant du voyage interstellaire d'astéroïdes, de comètes et d'objets non identifiés qui naviguent à travers des amas d’étoiles et des nuages ​​moléculaires, ce sont des axes et des angles de précession qui précèdent leur intrusion opportune dans notre champ d'observation.

Out of Nothingness (Google - Labs - Image FX)

 

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Oumuamua

Publié le par Catherine Toulsaly

Que reste-t-il du temps qui passe ? Des châteaux en ruine, des lieux qui se confondent dans mon esprit, des vieilles photos de marches grimpées jusqu’au sommet d’une montagne coupant à travers l’épaisse brume. Assise sur un rocher surplombant la rivière du temps, je souhaite voir les choses plus clairement.

Une sculpture change d'apparence à chaque seconde, tout comme les idées et les corps physiques jusqu’à ce qu’ils se réduisent en poussière. Une masse de pierre se forme progressivement puis disparaît. « Le monde n’est pas tant fait de pierres », écrit Carlo Rovelli, « que de sons fugaces ou de vagues se déplaçant dans la mer ».

The Universe is made of fleeting sounds and waves (Google - Labs - Image FX)

Une onde est une empreinte de tout ce qui voyage dans l’espace-temps. L’étude de la fonction d’onde implique des graphiques de probabilités, leur état et leur évolution. Une telle description mathématique reflète dans ma tête l’expérience mentale de l’intuition qui est comme un signal montant et descendant sur un graphique.

À l’intérieur, l’esprit géométrique organise un système de concepts et assemble un faisceau d’images. Il réagit au bruit émis par le fleuve des idées, forme une géométrie d'objets au fil des pensées, des cercles qui dansent sous un même toit d'où s'échappent les trois spirales universelles. A l'extérieur, c'est la force de gravitation universelle qui dicte la géométrie.

D'un côté, le néant est une présence intemporelle ; de l'autre, tout ce qui pourrait arriver existe, a existé ou existera. L'Univers fragmenté émerge à partir de l'espace-temps à travers l'univers quantique dans lequel se débattent les probabilités.

L'esprit géométrique recrée intuitivement la géométrie de son environnement. Il attribue le nombre zéro au néant et un à la totalité de l'Univers quantique. Zéro et un déclenchent le processus des nombres, démêlant les énigmes mathématiques fondamentales. Les nombres véhiculent une théorie de représentation et ouvrent des champs continus aux degrés de liberté infinis.

Dans le néant, il n’y a pas de mot pour les distances. Leur simple mention est absente. Le silence est la règle. C'est l’intrication qui reste silencieuse jusqu’à ce que le bruit et le système quantique agissent l’un sur l’autre au bord de la rupture. Émergeant de l'Univers quantique, un son est causé par le mouvement d’un objet individuel de quelque longueur tangible ou abstraite qu'il soit, même celui d’une étincelle intuitive dans l'esprit.

La résonance à l’intérieur répond aux sons à l’extérieur qui collaborent à une discrète symphonie en arrière-plan. Je souhaite concevoir un code poétique pour une théorie du tout qui transmette l’essence géométrique de l’information diffusée à travers des dimensions énergétiques infinies. Dessinant des cercles, je tente de sortir l'abstrait.

Si un attribut, quel qu’il soit, est vain et faux, alors chercher des réponses est futile. Au fond du puits, au creux de la vague, je suis aspirée par le le trou noir du néant. Entourée par l'obscurité et le silence, j’entends une voix murmurer que la communication interdisciplinaire est, d'un point de vue épistémologique,  périlleuse. Néanmoins, une approche élargie d’une théorie de tout est la marche à suivre.

La géométrie des mouvements pose le problème des interactions entre les objects astrophysiques pouvant expliquer l’excentricité de la trajectoire de Neptune ou encore comment le Soleil était autrefois une étoile binaire. Un compagnon de masse égale au Soleil dans un amas stellaire pourrait-il être à l'origine du nuage de Oort et de l’existence putative de la Planète Neuf ? Chaque découverte est un guide vers quelque chose d'autre. 

Un son nouveau a émergé, traversant l'espace à des années-lumière de distance, comme s'il avait été envoyé dans le seul but d'être reçu. Oumuamua n'est pas sorti du néant mais d'une zone où la structure de l'espace-temps implique le même processus d'accrétion au cours duquel ce qui existe préalablement est la progéniture de ce qui a préexisté dans le passé. La topologie de l'espace se façonne à  partir d'une géométrie d'entités ontologiquement antérieures. L'espace n'est pas vide mais un ensemble de relations spatiotemporelles.

The beating sound of the Universe (Google - Labs - Image FX)

Des points émergent et dessinent l'espace-temps où le champ gravitationnel se dilate et se contracte comme un cœur qui bat. C'est un champ sonore, et le champ de la conscience est remplie de ses bruissements. D'où vient Oumuamua et comment est-il arrivé jusqu'ici ? A-t-il laissé sur son chemin des échos de son passage ?

Les objets flottants dans l'espace peuvent parcourir des milliers de milliards de kilomètres au cours de leur vie. Oumuamua a pu traverser un sous-ensemble de groupes mouvants d'étoiles lorsque ces groupes se formaient. Il s'est extrait de sa communauté d'origine. Les groupes mouvants d'étoiles sont des flux dans les flux, des surdensités dans l'espace, des courants temporels. Le groupe Carina et Columba est-il la région source d'Oumuamua éjecté pendant la formation de planètes ou des interactions dans l'amas?

Carina représente la partie inférieure d’un navire, une partie de ce que nos ancêtres voyaient dans le ciel comme un voilier, tandis que Columba désigne une colombe. Oumuamua est-il une plume de colombe ou un morceau de bois de la quille ? Pourrait-il s’agir d’un astéroïde du bras d’Orion ou du produit d’un nuage moléculaire dérivant aux confins de notre système solaire et jetant des miettes sur son passage pour nous inviter à le suivre.

Les poètes jalousent la vision panoramique des oiseaux et leur capacité à repérer un minuscule point de loin. Les albatros de Baudelaire, les moineaux du jardin indigène, les aigles de Cleveland et les mouettes de Portland occupent mon esprit. Les oiseaux vivent eux aussi une vie ordinaire, fouillant dans les ordures et arrachant la chair des poissons sur le bord de la jetée. Eux aussi se taisent à la fin de la journée et contemplent le coucher du soleil. Il se peut qu'Oumuamua soit un aigle de métal qui nous épie de loin. Craignant d'être capturé par les télescopes humains, il a quitté le système solaire.

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L'être humain écartelé

Publié le par Catherine Toulsaly

Il y a un paradoxe, une tâche impossible qui peut être transcendentalement compréhensible et laissée à d’autres le soin de la comprendre. Bien que nous ne connaissions du néant que son absence, lorsque la matière finit par disparaître, j’ai le sentiment que le néant devient non seulement un concept mais une présence intemporelle.

Si tout ce qui compte est ce que nous vivons, comment pourrions-nous vivre le néant ? Le néant est le creux entre deux crêtes d’une vague. Il est déjà passé alors que mon fil de pensée continue. Il nous donne le vertige comme si le lieu du néant était logé à l’intérieur de nous. Intérieurement, on a l’impression que le cœur doit s’arrêter pour en faire l’expérience. À l’intérieur et à l’extérieur, c’est le passé tout en étant toujours notre destination. Étourdie et perdue, notre âme est aspirée dans un trou noir.

Chaque article tente de compléter une idée ou de rediriger une opinion. Il devient un addendum à un article précédent comme une série de fractales. Mais les batailles que nous menons ne se limitent pas au royaume des mots. Les ombres sont triples. Elles obscurcissent le monde physique, entravent notre compréhension de l’Univers et affaiblissent le fondement même de notre expression. Le verbe ne peut nommer des entités cachées dont il n’a pas l'expérience.

L’histoire de l’Univers se déroule comme une vague qui disperse la matière émergente. Elle en combat le sentiment d’isolement en inscrivant dans l'espace le temps. Elle plante localement ressentis, conscience et connaissance. L’espace  prend un rôle divergent tandis que le temps joue celui de la convergence parce qu'il se fond dans la nuit. Le bruit qui agit sur le système quantique et sur lequel le système quantique agit en retour est la voix du temps. Le temps et l’Univers quantique parlent énigmatiquement. Une fois couplée à la masse et au volume, la voix se perd dans sa traduction. Les fréquences qui amplifient et se multiplient créent le chœur du temps.

En apparence, l’Univers semble très compartimenté dans la façon dont l’information est stoppée dans son élan sur les lignes défensives entre les émetteurs et les récepteurs. Kitarō Nishida dirait cependant que le soi est incapable de déterminer sa propre existence à partir de lui-même. C’est l’environnement objectif et le réseau connexe de relations multidimensionnelles dans lequel il est intemporellement piégé qui confèrent sens et identité à l’individu (objet individuel).

En marchant vers le lever du soleil, laissant derrière moi la pleine lune, j’essaie de vider mon esprit de toutes les redondances. L’analyse de notre processus de pensée est une partie essentielle de notre chemin. Il faudrait survoler le nid d’entrelacements mentaux comme un pygargue à tête blanche et ainsi avoir une vue d'ensemble sur la réalité dont l'esprit est le miroir. Le dilemme auquel nous sommes confrontés entre notre vision matérielle de l’Univers et la quête que nous portons en nous d’un miroir transcendantal rend incertains nos efforts et les choix que nous devons faire.

Notre histoire ne se résume pas à l'aspect physique. Il se peut que tout ce que nous savons du caractère intrinsèque de l’Univers dérive du métaphysique. Mais l’étude du non-être n’a de sens pour la science que si elle révèle de quelque chose. Nous sommes engagés dans une quête d’absolus alors que tout ce que nous ressentons, voyons et touchons est relatif. L’extension technologique de notre portée visuelle et auditive nous permet d’accéder à l’inconnu et de combler les lacunes de notre esprit.

Comment l'humanité, bâtie sur son extension considérable dans le temps et sa place insignifiante dans l'espace, peut-elle entrer dans une nouvelle ère de connaissance ? C'est en reconnaissant que, bien que nous soyons des êtres physiques, notre nature a une dimension infiniment métaphysique. Steven French décrit deux types de réalisme structurel : l'un épistémologique (« tout ce que nous savons est structure ») et l'autre ontique (« tout ce qui existe est structure »).

Notre esprit s'appuie sur une pyramide de termes d'ordre structurel pour construire une image de l'Univers. Stathis Psillos résout l'opposition entre les deux points de vue en définissant le réalisme métaphysique - dans sa version la plus forte - comme l'affirmation selon laquelle l'Univers est plus que sa structure, « et ce plus - le X - peut être connu ». Il existe un continuum dimensionnel supérieur dont le point d'origine défie notre imagination et notre raison.

Le néant rencontre l'être dans l'univers quantique où les noms ou les étiquettes sont « obscurcis par les descriptions globales pertinentes en termes de fonctions d'onde ». Erik Verlinde a en tête une reconceptualisation fondamentale lorsqu'il décrit l'émergence de notions « macroscopiques » d'espace-temps et de gravité à partir d'une description microscopique sous-jacente dans laquelle elles n'ont pas de signification a priori. Les noms, les étiquettes, les notions et leur sens tentent de suppléer la connaissance mais l'espace-temps et la gravité quantique jettent des ombres sur le monde physique. Du simple fait qu'ils sont dits émergents, ils présupposent une temporalité.

Le débat sur les principes fondamentaux régissant les relations causales de l’Univers appelle à un mouvement vers le haut, un toit sur la maison théorique du tout sous lequel des cercles d'éléments  fondamentaux exécutent leur danse. Trois tourbillons entrelacés s’échappent du toit et un arbre physique pousse de l’intérieur. Le temps, l’Univers quantique et le néant sont les volutes universelles.

En coupant à travers les cercles corrélationnels, le temps s’échappe de l’anneau initial, glisse vers le haut, laissant derriere lui l’espace et la gravité. Le temps est une expression vernaculaire de tout ce qu’il représente : la simultanéité et l’intemporalité. L’Univers est un arbre physique et ses limites sont des murs de concepts fondamentaux. En dehors de l’esprit et objectivement, les limites fixées par l’Univers, dans lequel nous existons, ne sont pas celles d’un absolu. Au-delà du cadre physique empirique, l’esprit se fraye un chemin à travers le néant de la même manière que le corps se meut dans l’espace. 

The mind makes its way through Nothingness (Google - Labs - Image FX)

Plus les théories sont élaborées, plus elles deviennent complexes. J’aimerais que ce soit plus simple. Si c’était le cas, les patchworks de lois et de théories s’effondreraient comme un château de cartes et laisseraient à nu un sentiment renouvelé de conscience unifiée. Une explication plus simple est une description relationnelle, peut-être une théorie de la sélection naturelle appliquée non seulement à la vie elle-même mais à l’Univers dans son ensemble. Notre Univers est membre d’un multivers dans lequel les trous noirs agissent comme des cellules reproductrices. 

Il serait utile d’avoir un aperçu de l’horizon lointain et de voir où tout cela va. Une théorie relationnelle permettrait de préciser les formes à attacher aux supra-individus et les aspects relationnels qui continueront à les lier, mais elle pourrait manquer de précision en partie à cause de notre connaissance, encore imparfaite, du processus. La précision de nos prédictions concernant l’évolution des individus se heurte à un mur.

Le bruant à gorge blanche est sorti de l’ombre. Son sifflement comble l'absence spatiotemporelle qu’il avait laissée derrière lui il y a quelques mois à peine. Les ombres sont comme des reflets dans le rétroviseur d’objets en mouvement rapide. Si l’imprévisibilité est la norme, l’Univers pourrait être purement utilitaire. Les objets individuels n'auraient qu'une valeur instrumentale limitée dans le temps et basée sur les besoins du moment. Nous continuons cependant à croire que le passage du temps aidera à faire la lumière sur les individus et sur ce qui va au-delà de leur physicalité.

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Histoire de matière

Publié le par Catherine Toulsaly

La nuit se retire sur la route vers Cleveland. Le brouillard étend son manteau sur les vallées. Les arbres tordus sur eux-mêmes s'alignent le long du trajet en se racontant des histoires. Je pensais que les hiboux sortaient la nuit mais j'ai entendu un hibou un après-midi à l'orée du bois où des esprits étaient gravés dans l'écorce des arbres tandis qu'un pygargue à tête blanche se reposait un court instant sur l'herbe.

A mon retour, du jaune au printemps, le jardin indigène est devenu violet à l'automne. Le long du Potomac, les nuages ​​se propagent plus vite que le soleil ne se lève ce matin. La maison est la proie des éléments, engloutie par la nature environnante. De la plume d'un oisillon à  l'isle isabelle, chaque objet disparaît sous la mer du temps.

Le conflit des théories se déroule sur le terrain de nos cerveaux. Un récit épistémologique est considéré comme vrai dans la mesure où il est directement ou indirectement validé sous nos yeux observateurs. Son utilité est toutefois limitée s’il ne peut pas servir de base à des prédictions précises et opportunes telles que l’introduction dans notre cadre de réalité d’un pygargue à tête blanche ou d'un astéroïde qui restent dans l’ombre jusqu’à ce que notre chemin les croise. Et lorsque la matière observable montre des signes de transformation ou de décomposition, elle retourne elle aussi dans l’ombre intemporelle.

Une image complète de l’Univers nécessite non seulement d’identifier les objets observables, mais aussi leur configuration. À l’heure actuelle, nous basons un ensemble de propositions sur les observations actuelles et élaborons, dans les limites d’une interprétation rationnelle – sinon abstraite – une théorie de la géométrie évolutive de l’Univers.

Des murs et des filaments se dessinent comme des plaques découpées sur la sphère céleste invisible, comme s'il était possible de glisser sur le long de ses lignes temporelles. L’Univers peut être comparé à une Terre remplie d’espace dans laquelle nous serions à des années-lumière de parvenir aux rivages d’un nouveau monde. En espérant poser le pied sur Mars d’ici les années 2040, pourrions-nous espérer atteindre Andromède d’ici quelques milliers d’années ?

Gravitons (Google Labs- Image FX)

Mais cette sphère est peut-être plate. Les rêves sont un outil d'apprentissage pour le cerveau.  Une image m’est venue à l’esprit, celle d’atomes d’espace-temps s’écoulant comme de l’eau de pluie dans la nuit noire sur la surface plane d’un champ gravitationnel quantique, tourbillonnant autour des trous noirs comme s’ils étaient des égouts.

La flèche du temps atteint-elle sa cible une fois qu’elle a dépassé l’horizon des particules ? Alors que des quantités macroscopiques de matière et d’antimatière sont signalées dans les objets astrophysiques à plus forte densité énergétique tels que les trous noirs, le rêve présente un aperçu, à travers l’écran épais d’événements relationnels multicouches, d’une danse synchronique de matière et d’antimatière s’annihilant lors d'états de transition y compris durant le processus de vieillissement physiologique et la fonte des glaciers.

Les mélanges des formes signifient qu’il y a de multiples façons d’être et de ne pas être dans l’intemporalité. La matière est un état d’être pluriel. L’Univers a commencé avec un nombre baryonique nul. Les particules ponctuelles et leurs champs d'activités ont précédé la matière. Avec l’émergence des baryons agissant comme générateurs de déplacement temporel et spatial, la pluralité de la matière a commencé.

Bien que l’espace-temps « existe » indépendamment de la matière, la matière ne peut se dissocier de l’espace-temps. Le temps et l’espace agissent comme des marqueurs topologiques pour chaque parcelle de matière. Selon Etienne Souriau, si, lorsque nous parlons d’être, l’espoir est de voir un tel état numériquement seul, la multitude d’êtres, que notre raison nous conduit à différencier, deviennent tout d’un coup des fantômes. Ces prétendus êtres rassemblés par tribus s’unissent à l’être et se fondent en lui, chacun d’eux suivant la bannière d’une ligne d’existence particulière.

Pour rassembler un nombre indéterminé de principes de correspondance décrivant un modèle relationnel, ils doivent être définis conceptuellement et de la manière la plus concrète possible permettant la mise en œuvre d'un processus d’actualisation au-delà de la barrière invisible entre le néant et l’Univers observable.

C’est dans sa temporalité qu'un objet est actualisé et que sa forme produite par le mouvement s’extrait de l’indistinction des mélanges de formes. Enchevêtré, il acquiert masse et volume et est ainsi localisé. Les aspects relationnels dictent les états de la matière. 

Si l’Univers était  une symphonie de lumières et de sons jouée sur le clavier du temps, il serait structuré comme une musique de compositeur autour d'un arrangement de cordes. S’il était un cerveau, le flux de matière lui fournirait le carburant nécessaire. Outre la question de l’attachement d’une forme à un objet, des aspects relationnels ont eux-mêmes une raison d'être essentielle.

Le statut ontologique sous-tend un but implicite, non pas un point statique mais un mouvement à travers l’espace-temps. Dans un paysage universel où la plus grande matriochka est l’Univers, la série infinie de poupées de plus en plus petites, bien que disposant de leurs propres ressentis, sont enfermées come dans une boîte qui détient la clé de leur raison d’être fondamentale. Le jeu infini auquel nous jouons tous à l’intérieur ressemble à un jeu de double causalité.

Le long monologue d’un moqueur chat à ma fenêtre fait écho au mien. Le berceau géométrique dans lequel nous nous trouvons pourrait bien être parsemé de trous noirs se tenant comme des ponts spatiaux, un état de superposition d’univers invisibles les uns aux autres. Les poètes pourtant pourraient bien ressentir l’absence subtile des uns et des autres. La matière stellaire dont ils sont sûrement faits disparaît-elle ou voyage-t-elle à travers l’espace-temps ? Retournent-ils au lit de semence de l’énergie noire ou sortent-ils pour rejoindre un univers jumeau ?

S’il ne s’agit pas d’un ensemble d’univers enchevêtrés dans un multivers, un univers jumeau  pourrait se former au même « moment » que le nôtre. Puisqu’il y a un léger excès de matière par rapport à l’antimatière dans notre univers, responsable de l’existence de la Terre, des planètes, des étoiles et de nous-mêmes, un déséquilibre analogue se produirait-il dans l’univers jumeau, entraînant la domination des antileptons ?

L’énergie noire pourrait être intrinsèque à l’espace lui-même. C'est un filet de capture indivisible. En fin de compte, qu'il y ait une quintessence décroissante ou une énergie sombre croissante, ce quelque chose qui ressent apparaît comme le reflet d'autre chose. Si l'Univers était un cerveau, la quintessence décroissante décrirait la diminution de sa propre ignorance.

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Mélanges de formes

Publié le par Catherine Toulsaly

Quelle est la structure spatiotemporelle de l’Univers ? À travers le miroir, il y a un élément de prédestination dans ce qui est « relationnel » et un élément de libre arbitre dans ce qui est « intrinsèque ». L’autodétermination et la prédestination s’appliquent à l’histoire de l’Univers. Ces variables relationnelles exprimées dans la dynamique intrinsèque de l’Univers forment des rapports sans dimension aux variations infinitésimales. Lorsque l’un d’eux change, ces rapports changent collectivement. Puisque le futur chevauche le présent et le présent fond dans le passé, l’origine est cachée dans l’absence d’interactions entre les particules au plus profond de la première étincelle de l’état volitif de l’Univers.

Le secret de la topologie temporelle précède le règne de la matière pendant lequel d’innombrables degrés de liberté fusionnent sous nos yeux en une réalité tridimensionnelle. C'est dans ces premières empreintes lointaines que l'Univers exprime son libre arbitre, libère l'énergie et introduit des variables dans le mélange des formes. Le rapport entre la courbure de l'espace et la courbure de l'espace-temps est lié à la gravité.

Assis sur la colline autour d’une marmite de principes fondamentaux, les esprits des poètes défunts débattent à l’aube au son du chant d’une tourterelle dite triste. Experts dans l’art de formuler des vœux, leurs voix envoient des ondes qui flottent plus haut dans l’espace que le chant des grillons au ras du sol. La visualisation directe et la représentation abstraite sont ce qu’ils comprennent le mieux.

Edgar Poe parle de visions de la nuit noire tandis que John Ashbery, appelant les autres, demande : « Que dire du libre arbitre et de la prédestination, sans parler d’autodétermination ? Comment est-ce qu'ils s'enchevêtrent ? ». Certains restent silencieux. D’autres louent la beauté de la liberté et de la nature sauvage. Walt Whitman parle de la Loi irréductible à laquelle nous n'échappons, paradoxalement, que pour accéder à une liberté authentique.

Si pour certains, libre arbitre et prédestination relèvent de deux systèmes de pensée opposés, pour d’autres, ils sont étroitement liés. Dans l’espace-temps, le présent dans lequel nous nous trouvons est choisi parmi d’innombrables chemins qui s’offraient à nous. George Eliot parle de la route sinueuse que nous empreintons comme si elle était « faite par le libre arbitre des arbres et des sous-bois ». Les poètes pour qui la sensibilité et l’intuition sont le seul canal de communication avec l’Univers voient les étoiles et les concepts comme une seule et même chose.

Le fou sur la colline, assis à leur côtés, a rejoint les poètes défunts et demande si le moi peut échapper à son identité prédestinée ? Charles Baudelaire, qui est désormais pleinement conscient de l’unidirectionnalité de la flèche du temps, répond depuis la tombe:

« Pour que la loi du progrès existât, il faudrait que chacun veuille la créer ; c’est-à-dire que, quand tous les individus s’appliqueront à  progresser, alors, et seulement alors, l’humanité sera en progrès.

Cette hypothèse peut servir à expliquer l'identité des deux idées contradictoires, liberté et fatalité. Non seulement il y a, dans le cas de progrès, identité entre la liberté et la fatalité, mais cette identité a toujours existé.»

J’ai lu, cependant, que le libre arbitre est une illusion née de notre expérience fréquente de vouloir faire quelque chose et d’y parvenir. Pour que cette loi du progrès existe, en quoi consiste notre vœu de la créer ? Chaque pas en avant dans le flux des pensées est un exercice d’équilibre entre la non-localité et la causalité. Ce vœu peut être envers soi ou envers les autres.  

Thomas, le yogi, qui reste assis en silence et repousse avec diligence le  brouhaha incessant de ses pensées, ressent aussi le besoin de formuler des vœux. Pour lui, c’est un acte de générosité, lorsqu’il rencontre d’autres personnes et leur souhaite bonne chance, lorsqu’il souhaite que le changement climatique s’inverse et que les plantes et les créatures ne disparaissent pas. C’est une composante inhérente de la conscience, dit-il, bien qu'il n'ait aucun moyen de savoir quel effet ont produit les vœux « parce qu’ils ont traversé le temps et les distances bien au-delà de sa présence physique », de manière similaire à l’effet papillon.

Les concepts philosophiques pénètrent le monde physique à travers le réseau complexe de la géométrie et de la matière. Un choix libre ne peut être qu’aléatoire. Mais si un choix libre peut produire n’importe quel modèle par simple hasard, alors l'existence d'un tel modèle devient prédestiné.

Le libre arbitre et la prédestination forment des fractales irrégulières. La matière et la géométrie interagissent généralement sur un pied d’égalité, mais pas à proximité du Big Bang et dans les trous noirs où la géométrie a le dessus. Loin du Big Bang surviennent des rebondissements géométriques. Les particules massives en chute libre suivent des géodésiques temporelles dont le chemin est déterminé par la courbure et la structure causale de l’espace-temps qui les entoure « non seulement en avant et en arrière dans le temps, mais aussi dans les trois directions de l’espace ». Comme les géodésiques voisines s'éloignent de l'environnement spatial qu'elles avaient partagé, elles ne peuvent plus se parler. Au-delà du visible, le silence asymptomatique des géodésiques fait écho au silence de l’intrication quantique.

L'Univers est l'œuvre du temps, alors que notre connaissance de celui-ci est retardé comme si elle suivait une trajectoire différente. Les fractales impliquent des modèles et des fluctuations invariables. Mais à une certaine distance indéfinie, l'Univers est plus inhomogène et anisotrope que nous l'imaginons. Ses irrégularités continuent d'échapper à notre capacité de prédiction.

Les variables relationelles sont multiples et s'étendent à l'infini. Les relations sont intentionnelles ou accidentelles, quantitatives ou informationnelles. Elles se situent dans la dimension tant physique que spirituelle. En considérant les expressions 0/1 sous un angle différent, le moment cinétique de l'Univers relationnel « est et reste à jamais exactement zéro » tandis que la constante de la courbure de l’espace par rapport à la courbure de l’espace-temps est proche de un. De zéro à un, ce moment cinétique passe par une série de faits successifs, une chaîne de relations intriquées.

Les rêves tracent un chemin par lequel la providence pénètre l'univers physique. Un poète rêvant d’une rencontre fortuite avec l’esprit d’un ami au visage ridé sent la présence conjointe du passé, du présent et du futur tandis que ces mots lui sont soufflés à l’oreille : « Il n’y a que des formes mélangées qui s’étirent dans le temps, émergent dans l’espace, éclatent symphoniquement, car le temps glisse, transparent. Les formes, les ondes, la matière – tout pointe au-delà et s’engage dans des murmures profonds à travers l’espace-temps. »

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L'Observateur quantique

Publié le par Ysia

Ce qui différencie le yogi du reste d’entre nous, c’est une fréquence soutenue à laquelle se produit une intuition vibratoire, l’endurance d’un élan intuitif. L’intuition est ce quelque chose, comme le reflet du dauphin dans un miroir. Lorsqu’elle est consciemment amplifiée, elle est mise en action. Face au miroir, nous reculons de crainte de nous mettre en action à la vue du dauphin qui saute au-dessus des vagues du champ cérébral. Que se passerait-il si nous nous laissions aller ? L’esprit continuerait-il à bâtir une théorie sur la sphère de forme ? Serait-il englouti dans un trou noir ? Serait-il prisonnier sous le socle des idées surannées ? L'important est d'atteindre le palier supérieur dans une marche ascendante. C'est la quête d'une intuition qui s’élève au-dessus de la mêlée de pensées fixes.

Depuis les rivages sablonneux où les empreintes de pas deviennent des souvenirs effacés, je suis revenue au royaume quantique. Tandis que j’écoute les différents sons du flux des idées, un colibri s'est posé sur une feuille de cerisier. Des vagues incessantes de connaissances me dépassent. Seules quelques-unes s’effondrent et alimentent le récit d'une théorie du tout.

L’inconscient pourrait-il avoir accès à des stimuli de nature sensorielle que l’esprit conscient ne détecte pas ? Les idées tombent comme des gouttes de pluie dans le champs  de la connaissance. Elles circulent sur des autoroutes à voies multiples interconnectées, se superposent les unes aux autres, sans se révéler consciemment, et opèrent intuitivement en arrière-plan.

Il y a une énorme quantité de transmission quantique dans le cerveau humain, ce qui conduit à un environnement apparemment aléatoire et libre où l'intuition erre au niveau quantique.  La conscience et l'effondrement de la fonction d'onde sont intrinsèquement liées. Une fois que l'énergie atteint le seuil critique de la gravité quantique, l'auto-effondrement se produit.

La relation entre la conscience et la fonction d’onde a permis de mettre en termes mathématiques la relation entre la conscience et l’univers. Le monde quantique des particlues qui définit la perspective de la grenouille n’est rien d’autre qu’une minuscule composante de la fonction d’onde globale. Cette dernière, symbolisant la perspective de l’oiseau, peut être considérée comme la véritable réalité qui se cache derrière les phénomènes.

Cela me rappelle la grenouille poète qui médite sur la nature de l’Univers, étanchant sa soif aux fontaines du passé, à celles que l’on croyait taries parce qu’elles sont devenues souterraines, enracinées dans l’inconscient de l’esprit humain. La perspective de l’oiseau me ramène à l’observateur convaincu que la véritable signification de l’univers doit se trouver au-delà. Se faufilant à l'extérieur, l'observateur revient avec l’histoire du zygote confiné dans les parois d’une membrane transparente.

La fonction d’onde donne un sens physique à un événement physique qui est le mouvement discontinu aléatoire de particules. À quel stade la conscience  joue-t-elle un rôle ?  L’Univers s'exprime en se révélant à chaque point de localisation spontanée. Si l’effondrement quantique n’est qu’un processus autogénéré de type aléatoire, il n’a rien à voir avec la conscience.

L'effondrement appose une estampille sur des particules de matière en mouvement dans l'espace. Il s'agit d'un croisement d'onde. Si on la laisse tranquille, l'onde s'étend dans l'espace, donnant l'image d'un continuum temporel linéaire. L'évolution temporelle de l'Univers observable se présente séquence après séquence come une série de temps d'effondrement, chacun établissant de nouvelles corrélations dans un cadre de référence élargi.

Un observateur quantique se présenterait peut-être comme l'enchevêtrement d’états cérébraux aux perceptions différentes. Nageant dans les flux du système quantique, il pourrait avoir des visions, des impressions et être sensible au bruit de fond d’un tourbillon qui l’alerterait d’un effondrement imminent.

L’intrication se réfère-t-elle à de multiples états de conscience dans un seul esprit ou bien s'agit-il d'un seul état de conscience partagé même brièvement par plusieurs observateurs ? L’intrication est-elle silencieuse jusqu’à ce qu’elle se retrouve au bord de l’effondrement ? Entre le visible et l’invisible, il y a un miroir sur lequel des échos réfléchissent un champ de conscience. Dans le cas où l’effondrement génère la conscience, l'émission du son est son empreinte. Il faut considérer que le son agit sur le système quantique, et que le système quantique agit en retour sur le son. Le fait que le volume du son soit lié à la densité de masse et que plus le système est large, plus le son amplifie, suggère qu’il puisse être lié à la force de gravité.

David Chalmers et Kelvin McQueen suggèrent que de petites superpositions de conscience, brèves, de faible amplitude ou entre des états étroitement liés, peuvent être omniprésentes. Mais à mesure que ces petites superpositions deviennent plus grandes, elles entraînent des probabilités plus élevées d’effondrement de la conscience vers un état plus clairement défini.

La question de savoir si la conscience peut être à l'état de superposition pose le problème de son évolution au niveau macroscopique. De la fréquence du microcosme à celle du macrocosme, de grands états de conscience superposés peuvent représenter ce que j’appelle la conscience cosmique.

The dreamer dreams of a circle diving into eternity (Google-Labs - Image FX)

Les visites de l’esprit intuitif se produisent la nuit lorsqu’une conversation se déroule dans l'esprit du rêveur. Le néant, rêve le rêveur, est un cercle plongeant dans l’éternité. Les expressions 0/1 s'étirent comme un état de superposition quantique qui tente de communiquer sur la nature de l’Univers. En se réveillant au bruit des gouttes de pluie, le rêveur se rend compte qu’il y a  bien d'autres sujets sur lesquels méditer.

O/1 expressions (Google- Labs - Image FX)

O/1 expressions (Google- Labs - Image FX)

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Ontologie quantique

Publié le par Catherine Toulsaly

De temps à  autre, je prends la mesure du chemin parcouru. J’ai l’impression que toutes les pièces du puzzle sont éparpillées. D’un côté, étudier le sujet sous tous les angles est un processus d’apprentissage qui permet l’émergence d’idées. De l’autre, plus le champ d’investigation est large, plus il devient difficile de tendre ses bras « mentaux » pour saisir les pièces manquantes et les rassembler.

Tout au long du chemin, je m’accroche à un fil invisible de mots et de concepts. En tant qu’apprenant visuel, je pense en images et vois dans les idéogrammes chinois une succession non seulement des formes intégrées dans la communication humaine mais surtout une géométrie originelle.

D’une manière ou d’une autre, « quelque chose » d’où naît l'être décrit l'emergence d'une existence accidentelle, un état d’incertitude qui se cherche. Dans l’image révélatrice d’une bataille pour un domaine, le temps affirme sa souveraineté. Cela fait allusion à un processus sous-jacent d’appropriation de ce qui n’est que potentiel. Je le lie à l’état quantique.

En fin de compte, la physique moderne n’a pas pour but d’expliquer tout. Son objectif est plus pratique : reproduire le monde physique et exploiter les propriétés quantiques des systèmes physiques. Les fluctuations quantiques conduisent à « l’être ». Des bits aux qubits, les ordinateurs ouvrent un passage entre l’abstraction et la réalité, mais lorsque nous passons des ondes lumineuses aux photons, aux phonons et aux ions, sommes-nous plus près de répondre aux questions philosophiques ?

Nous n’avons peut-être pas accès à  l’Univers en tant que cadre d’un nombre infini d’états superposés émergeant de façon semblant aléatoire, mais nous pouvons certainement reproduire les processus que nous observons, mesurons et dont nous faisons l'expérience.

Un système informatique quantique pourrait permettre une communication cryptée de manière sécurisée, un transfert de données beaucoup plus rapide et des capacités de stockage physique moins lourdes. Le CERN, dont les besoins informatiques augmentent rapidement, utilise l’informatique quantique basée sur le cloud d’IBM Quantum pour analyser 1 pétaoctet de données par seconde dans le Grand collisionneur de hadrons, ce qui nécessiterait 1 million de cœurs de processeur classiques.

L’intrication quantique est essentielle pour transmettre des informations sur de longues distances, avant la mise en place d’un réseau Internet quantique à grande échelle. Pour limiter les interférences, les turbulences et le bruit de fond, les communications quantiques par satellite bénéficient d’une orbite dans le vide spatial pour générer des clés symétriques et les transmettre simultanément afin d’établir un lien direct entre des utilisateurs séparés par de longues distances.

Contournant le besoin de répéteurs quantiques, deux chaînes de paires de photons intriqués ont été distribuées depuis le satellite Mozi 墨子 — l’un des cinq satellites expérimentaux scientifiques établis par l’Académie chinoise des sciences — vers deux observatoires terrestres distants de plus de 1 120 kilomètres. Des échanges de clés sécurisés intercontinentaux et le lancement de satellites en orbite plus lointaine sont en préparation. La course à l’espace quantique est lancée avec le programme National Space Quantum Laboratory, un partenariat entre la NASA et le Lincoln Laboratory du MIT.

Sans parler des implications stratégiques dans les secteurs du renseignement, de la sécurité et de la défense, ces premiers succès ont alimenté une course technologique dans le domaine de l’optique et de l’information quantique. Après que l’ordinateur Honeywell a été présenté il y a un an comme l’ordinateur quantique le plus performant au monde, une équipe de scientifiques chinois a annoncé en décembre avoir également réussi à développer l’ordinateur quantique le plus puissant du monde, Jiuzhang 九章, en effectuant en 200 secondes un calcul qui, sur un supercalculateur ordinaire, prendrait 2,5 milliards d’années.

La période de transition entre l’informatique classique et l’informatique quantique a une durée indéterminée. L’objectif n’est pas de remplacer l’Internet tel que nous le connaissons, mais de trouver une solution hybride. Les chercheurs à l'université de Duke développent actuellement ce qu’ils espèrent être le premier ordinateur quantique pratique et extensible basé sur la technologie de piéges à ions.

Mais pour la plupart d’entre nous, le Cloud constitue la seule avenue disponible pour accéder à un ordinateur quantique. Malgré les problèmes de sensibilité de la première génération d’ordinateurs quantiques aux interférences, au bruit et aux effets environnementaux, une approche coordonnée face à ces flux irréguliers, complexes et dynamiques de particules – porteurs d’informations quantiques – est en cours.

Les industries, les institutions bancaires, les décideurs politiques, les instituts universitaires et les agences spatiales font leurs propres recherches, tirant parti des nouvelles possibilités technologiques notamment pour effectuer des prévisions financières et des simulations chimiques, pour développer une technologie de détection quantique dans le cadre de l’astronomie multi-messagers et pour concevoir des moyens d’éliminer le dioxyde de carbone de l’air alors que les émissions de gaz à effet de serre atteignent des niveaux historiques.

Le concept d’ontologie quantique pourrait définir ce « quelque chose » censé s’auto-organiser et se localiser dans le temps et l’espace. Peut-être que les futurs systèmes informatiques quantiques contribueront à établir une représentation plus fidèle de l’Univers. Mais ce qui se passe actuellement avec la convergence des bits, des neurones et des qubits est l'aspect le plus fondamental.

The convergence of bits, neurons and qubits (Google-Labs-Image FX)

Une équipe de recherche aurait démontré que des algorithmes basés sur des réseaux neuronaux peuvent être appliqués à mieux comprendre le monde de la physique quantique. L’article de David Chalmers et Kelvin McQueen sur la conscience et l’effondrement de la fonction d’onde rappelle la possibilité qu’une résonance des entités micro-conscientes aux entités macro-conscientes ne puisse se produire que par intermittence lors de l’effondrement de la fonction d’onde, signalant le transfert d’informations et/ou d'un état de conscience.

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