l'univers et la conscience

Le dialogue tourne en rond

Publié le par Catherine Toulsaly

Comme si un principe universel régissait le continuum espace-temps, les muons circulent, les électrons tournent et les anneaux et disques de nuages ​​moléculaires montrent une orientation préférentielle dans leur mouvement rotatif. Tout tourne en rond de l’infiniment petit à l’exponentiellement grand. Le poète se demande : vont-ils dans le sens de aiguilles d'une montre ou dans le sens contraire ?

J’essaie de sortir du néant. Je sens son ombre entre les lignes du livre de Gilles Deleuze qui évoque le vide du temps pur et ajoute que le temps, tel que nous le vivons, n’est pas défini par un ordre formel vide mais par un tout et une série. Le temps implique un ordre temporel de situations spatiales. Il invite au mouvement. Avec l’espace et la force de gravitation, le temps dessine flux et boucles dans la toile universelle. Il provoque la mutation des unités de masse et de longueur. Inversement, sans mouvement, le temps retourne au néant. C'est une coquille vide qui se remplit de boucles de temporalités accrochées à ce qui est perçu comme un fil central et linéaire. Certaines boucles sont similaires ; d'autres, différentes, toutes moulées dans la structure de l'espace-temps. Les planètes, comètes et  étoiles parcourent un voyage de milliards d'années sur une échelle de temps différente de la nôtre. Dans l'apparente répétition de faits successifs, notre mémoire commune perd son expression collective.

E. O. Wilson avait décrit la membrane d’organismes enroulée autour de la Terre par le biais de la force de gravité et à laquelle nous, l’espèce humaine, appartenons. Elle est « si fine », avait-il commenté, qu’elle se distingue à  peine d'une navette spatiale, et pourtant elle est si complexe intérieurement. De même, si rien n’est ou n'a été visible pour les observateurs passés et présents, des cellules individuelles de micro-organismes se développent et se reproduisent néanmoins, ou du moins sont « dormantes et en attente » quelque part dans l’Univers.

Au-delà de l'aspect physique de la vie à base de carbone, il y a une expression vivante dans la cinématique et les processus dynamiques des groupes d’étoiles. Leur mouvements à des vitesses spatiales similaires et liés par la force de gravitation créent écarts et répétitions.

Un champ caméléon se fond dans le néant. C’est le théâtre d’un échange entre la matière noire et la matière ordinaire nourri par une cinquième force à longue portée entre les objects. La résonance entre les boucles,  réseaux de lignes et cercles qui se croisent et se coupent définit l’espace en tant que structure relationnelle et non pas une entité en soi. Ma tête tourne lorsque je tente de visualiser tout ça: une rotation de spin de muon, les réseaux de spin de Penrose et la Terre qui tourne sur elle-même. Je ne vois que des axes zigzagant dans l’espace.

Les réseaux de spin de Penrose sont les premiers ensembles de séries temporelles et spatiales dans un processus d’actualisation. Du spin des particules aux axes de rotation des larges objets individuels et composites de l'espace, la géométrie n'est pas seulement une relation entre des lignes mais aussi une relation de mouvements autour et entre les axes. La précession de spin nous rappelle des phénomènes similaires observés parmi les systèmes macroscopiques.

La précession définit l’oscillation d’un objet autour d’un axe comme la Terre dans un cycle de 26 000 ans mais aussi le mouvement anormal du muon dont la mesure a été corroborée par les résultats de l’expérience Muon g-2 du Fermilab. Nous espérons découvrir, grâce à une expérience au Japan Proton Accelerator Research Complex, qui devrait débuter en 2025, la mesure dans laquelle le moment magnétique du muon est anormal. Au niveau quantique, la précession d’un muon est un indice pour comprendre le temps qu’il lui faut pour traverser une barrière entre le néant et l’être. En présence du champ magnétique, un muon se trouve au sein d’un nuage de particules qui apparaissent et disparaissent à mesure qu’il émet et absorbe des photons, ce qui modifie, quoique minimalement, son moment magnétique.

Les axes d’origine et de précession créent un Univers enchevêtré et pointent vers des objets à  des distances encore plus lointaines. Tandis que nous formons une image mentale des particules virtuelles dans le nuage de muons et des lignes imaginaires traversant des objets individuels, nous nous demandons jusqu’où notre conscience peut s’étendre et les limites spatiotemporelles de sa portée. Tissé dans le temps, une communication est ouverte entre les séries nombreuses et variées des phénomènes universels de résonance. Glissant entre les doigts jusqu'aux confins des galaxies, il y a un je ne sais quoi qui fait écho intérieurement.

Il semblerait si facile de ne voir qu'une chaîne répétitive dans le passé, le présent et l'avenir, dans la façon dont les choses se déroulent et se ressemblent. Mais un tel retour éternel, dans le processus de spatialisation du temps, ne ramène ni la condition spécifique ni l’agent. Au contraire, il les expulse, selon Deleuze, hors de l’espace vers ce que je ne peux pas encore voir, assurant ainsi l’autonomie et l’indépendance des objects individuels qui en résultent et ne permettant à rien de subsister par défaut ou de devenir le même.

Le temps affirme l’individualité. Entre rien et tout, les structures se dispersent et se multiplient. Les objets deviennent plus flous comme s’ils étaient dissimulés dans le champ caméléon du temps et de nouveaux prennent forme. L'entrée d'Oumuamua dans notre champ de vision toujours plus grand nous fait nous demander à quoi pourrait ressembler sa trajectoire hyperbolique. Son chemin le ramènera-t-il à proximité de son lieu d’origine ? Rêvant du voyage interstellaire d'astéroïdes, de comètes et d'objets non identifiés qui naviguent à travers des amas d’étoiles et des nuages ​​moléculaires, ce sont des axes et des angles de précession qui précèdent leur intrusion opportune dans notre champ d'observation.

Out of Nothingness (Google - Labs - Image FX)

 

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Oumuamua

Publié le par Catherine Toulsaly

Que reste-t-il du temps qui passe ? Des châteaux en ruine, des lieux qui se confondent dans mon esprit, des vieilles photos de marches grimpées jusqu’au sommet d’une montagne coupant à travers l’épaisse brume. Assise sur un rocher surplombant la rivière du temps, je souhaite voir les choses plus clairement.

Une sculpture change d'apparence à chaque seconde, tout comme les idées et les corps physiques jusqu’à ce qu’ils se réduisent en poussière. Une masse de pierre se forme progressivement puis disparaît. « Le monde n’est pas tant fait de pierres », écrit Carlo Rovelli, « que de sons fugaces ou de vagues se déplaçant dans la mer ».

The Universe is made of fleeting sounds and waves (Google - Labs - Image FX)

Une onde est une empreinte de tout ce qui voyage dans l’espace-temps. L’étude de la fonction d’onde implique des graphiques de probabilités, leur état et leur évolution. Une telle description mathématique reflète dans ma tête l’expérience mentale de l’intuition qui est comme un signal montant et descendant sur un graphique.

À l’intérieur, l’esprit géométrique organise un système de concepts et assemble un faisceau d’images. Il réagit au bruit émis par le fleuve des idées, forme une géométrie d'objets au fil des pensées, des cercles qui dansent sous un même toit d'où s'échappent les trois spirales universelles. A l'extérieur, c'est la force de gravitation universelle qui dicte la géométrie.

D'un côté, le néant est une présence intemporelle ; de l'autre, tout ce qui pourrait arriver existe, a existé ou existera. L'Univers fragmenté émerge à partir de l'espace-temps à travers l'univers quantique dans lequel se débattent les probabilités.

L'esprit géométrique recrée intuitivement la géométrie de son environnement. Il attribue le nombre zéro au néant et un à la totalité de l'Univers quantique. Zéro et un déclenchent le processus des nombres, démêlant les énigmes mathématiques fondamentales. Les nombres véhiculent une théorie de représentation et ouvrent des champs continus aux degrés de liberté infinis.

Dans le néant, il n’y a pas de mot pour les distances. Leur simple mention est absente. Le silence est la règle. C'est l’intrication qui reste silencieuse jusqu’à ce que le bruit et le système quantique agissent l’un sur l’autre au bord de la rupture. Émergeant de l'Univers quantique, un son est causé par le mouvement d’un objet individuel de quelque longueur tangible ou abstraite qu'il soit, même celui d’une étincelle intuitive dans l'esprit.

La résonance à l’intérieur répond aux sons à l’extérieur qui collaborent à une discrète symphonie en arrière-plan. Je souhaite concevoir un code poétique pour une théorie du tout qui transmette l’essence géométrique de l’information diffusée à travers des dimensions énergétiques infinies. Dessinant des cercles, je tente de sortir l'abstrait.

Si un attribut, quel qu’il soit, est vain et faux, alors chercher des réponses est futile. Au fond du puits, au creux de la vague, je suis aspirée par le le trou noir du néant. Entourée par l'obscurité et le silence, j’entends une voix murmurer que la communication interdisciplinaire est, d'un point de vue épistémologique,  périlleuse. Néanmoins, une approche élargie d’une théorie de tout est la marche à suivre.

La géométrie des mouvements pose le problème des interactions entre les objects astrophysiques pouvant expliquer l’excentricité de la trajectoire de Neptune ou encore comment le Soleil était autrefois une étoile binaire. Un compagnon de masse égale au Soleil dans un amas stellaire pourrait-il être à l'origine du nuage de Oort et de l’existence putative de la Planète Neuf ? Chaque découverte est un guide vers quelque chose d'autre. 

Un son nouveau a émergé, traversant l'espace à des années-lumière de distance, comme s'il avait été envoyé dans le seul but d'être reçu. Oumuamua n'est pas sorti du néant mais d'une zone où la structure de l'espace-temps implique le même processus d'accrétion au cours duquel ce qui existe préalablement est la progéniture de ce qui a préexisté dans le passé. La topologie de l'espace se façonne à  partir d'une géométrie d'entités ontologiquement antérieures. L'espace n'est pas vide mais un ensemble de relations spatiotemporelles.

The beating sound of the Universe (Google - Labs - Image FX)

Des points émergent et dessinent l'espace-temps où le champ gravitationnel se dilate et se contracte comme un cœur qui bat. C'est un champ sonore, et le champ de la conscience est remplie de ses bruissements. D'où vient Oumuamua et comment est-il arrivé jusqu'ici ? A-t-il laissé sur son chemin des échos de son passage ?

Les objets flottants dans l'espace peuvent parcourir des milliers de milliards de kilomètres au cours de leur vie. Oumuamua a pu traverser un sous-ensemble de groupes mouvants d'étoiles lorsque ces groupes se formaient. Il s'est extrait de sa communauté d'origine. Les groupes mouvants d'étoiles sont des flux dans les flux, des surdensités dans l'espace, des courants temporels. Le groupe Carina et Columba est-il la région source d'Oumuamua éjecté pendant la formation de planètes ou des interactions dans l'amas?

Carina représente la partie inférieure d’un navire, une partie de ce que nos ancêtres voyaient dans le ciel comme un voilier, tandis que Columba désigne une colombe. Oumuamua est-il une plume de colombe ou un morceau de bois de la quille ? Pourrait-il s’agir d’un astéroïde du bras d’Orion ou du produit d’un nuage moléculaire dérivant aux confins de notre système solaire et jetant des miettes sur son passage pour nous inviter à le suivre.

Les poètes jalousent la vision panoramique des oiseaux et leur capacité à repérer un minuscule point de loin. Les albatros de Baudelaire, les moineaux du jardin indigène, les aigles de Cleveland et les mouettes de Portland occupent mon esprit. Les oiseaux vivent eux aussi une vie ordinaire, fouillant dans les ordures et arrachant la chair des poissons sur le bord de la jetée. Eux aussi se taisent à la fin de la journée et contemplent le coucher du soleil. Il se peut qu'Oumuamua soit un aigle de métal qui nous épie de loin. Craignant d'être capturé par les télescopes humains, il a quitté le système solaire.

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L'être humain écartelé

Publié le par Catherine Toulsaly

Il y a un paradoxe, une tâche impossible qui peut être transcendentalement compréhensible et laissée à d’autres le soin de la comprendre. Bien que nous ne connaissions du néant que son absence, lorsque la matière finit par disparaître, j’ai le sentiment que le néant devient non seulement un concept mais une présence intemporelle.

Si tout ce qui compte est ce que nous vivons, comment pourrions-nous vivre le néant ? Le néant est le creux entre deux crêtes d’une vague. Il est déjà passé alors que mon fil de pensée continue. Il nous donne le vertige comme si le lieu du néant était logé à l’intérieur de nous. Intérieurement, on a l’impression que le cœur doit s’arrêter pour en faire l’expérience. À l’intérieur et à l’extérieur, c’est le passé tout en étant toujours notre destination. Étourdie et perdue, notre âme est aspirée dans un trou noir.

Chaque article tente de compléter une idée ou de rediriger une opinion. Il devient un addendum à un article précédent comme une série de fractales. Mais les batailles que nous menons ne se limitent pas au royaume des mots. Les ombres sont triples. Elles obscurcissent le monde physique, entravent notre compréhension de l’Univers et affaiblissent le fondement même de notre expression. Le verbe ne peut nommer des entités cachées dont il n’a pas l'expérience.

L’histoire de l’Univers se déroule comme une vague qui disperse la matière émergente. Elle en combat le sentiment d’isolement en inscrivant dans l'espace le temps. Elle plante localement ressentis, conscience et connaissance. L’espace  prend un rôle divergent tandis que le temps joue celui de la convergence parce qu'il se fond dans la nuit. Le bruit qui agit sur le système quantique et sur lequel le système quantique agit en retour est la voix du temps. Le temps et l’Univers quantique parlent énigmatiquement. Une fois couplée à la masse et au volume, la voix se perd dans sa traduction. Les fréquences qui amplifient et se multiplient créent le chœur du temps.

En apparence, l’Univers semble très compartimenté dans la façon dont l’information est stoppée dans son élan sur les lignes défensives entre les émetteurs et les récepteurs. Kitarō Nishida dirait cependant que le soi est incapable de déterminer sa propre existence à partir de lui-même. C’est l’environnement objectif et le réseau connexe de relations multidimensionnelles dans lequel il est intemporellement piégé qui confèrent sens et identité à l’individu (objet individuel).

En marchant vers le lever du soleil, laissant derrière moi la pleine lune, j’essaie de vider mon esprit de toutes les redondances. L’analyse de notre processus de pensée est une partie essentielle de notre chemin. Il faudrait survoler le nid d’entrelacements mentaux comme un pygargue à tête blanche et ainsi avoir une vue d'ensemble sur la réalité dont l'esprit est le miroir. Le dilemme auquel nous sommes confrontés entre notre vision matérielle de l’Univers et la quête que nous portons en nous d’un miroir transcendantal rend incertains nos efforts et les choix que nous devons faire.

Notre histoire ne se résume pas à l'aspect physique. Il se peut que tout ce que nous savons du caractère intrinsèque de l’Univers dérive du métaphysique. Mais l’étude du non-être n’a de sens pour la science que si elle révèle de quelque chose. Nous sommes engagés dans une quête d’absolus alors que tout ce que nous ressentons, voyons et touchons est relatif. L’extension technologique de notre portée visuelle et auditive nous permet d’accéder à l’inconnu et de combler les lacunes de notre esprit.

Comment l'humanité, bâtie sur son extension considérable dans le temps et sa place insignifiante dans l'espace, peut-elle entrer dans une nouvelle ère de connaissance ? C'est en reconnaissant que, bien que nous soyons des êtres physiques, notre nature a une dimension infiniment métaphysique. Steven French décrit deux types de réalisme structurel : l'un épistémologique (« tout ce que nous savons est structure ») et l'autre ontique (« tout ce qui existe est structure »).

Notre esprit s'appuie sur une pyramide de termes d'ordre structurel pour construire une image de l'Univers. Stathis Psillos résout l'opposition entre les deux points de vue en définissant le réalisme métaphysique - dans sa version la plus forte - comme l'affirmation selon laquelle l'Univers est plus que sa structure, « et ce plus - le X - peut être connu ». Il existe un continuum dimensionnel supérieur dont le point d'origine défie notre imagination et notre raison.

Le néant rencontre l'être dans l'univers quantique où les noms ou les étiquettes sont « obscurcis par les descriptions globales pertinentes en termes de fonctions d'onde ». Erik Verlinde a en tête une reconceptualisation fondamentale lorsqu'il décrit l'émergence de notions « macroscopiques » d'espace-temps et de gravité à partir d'une description microscopique sous-jacente dans laquelle elles n'ont pas de signification a priori. Les noms, les étiquettes, les notions et leur sens tentent de suppléer la connaissance mais l'espace-temps et la gravité quantique jettent des ombres sur le monde physique. Du simple fait qu'ils sont dits émergents, ils présupposent une temporalité.

Le débat sur les principes fondamentaux régissant les relations causales de l’Univers appelle à un mouvement vers le haut, un toit sur la maison théorique du tout sous lequel des cercles d'éléments  fondamentaux exécutent leur danse. Trois tourbillons entrelacés s’échappent du toit et un arbre physique pousse de l’intérieur. Le temps, l’Univers quantique et le néant sont les volutes universelles.

En coupant à travers les cercles corrélationnels, le temps s’échappe de l’anneau initial, glisse vers le haut, laissant derriere lui l’espace et la gravité. Le temps est une expression vernaculaire de tout ce qu’il représente : la simultanéité et l’intemporalité. L’Univers est un arbre physique et ses limites sont des murs de concepts fondamentaux. En dehors de l’esprit et objectivement, les limites fixées par l’Univers, dans lequel nous existons, ne sont pas celles d’un absolu. Au-delà du cadre physique empirique, l’esprit se fraye un chemin à travers le néant de la même manière que le corps se meut dans l’espace. 

The mind makes its way through Nothingness (Google - Labs - Image FX)

Plus les théories sont élaborées, plus elles deviennent complexes. J’aimerais que ce soit plus simple. Si c’était le cas, les patchworks de lois et de théories s’effondreraient comme un château de cartes et laisseraient à nu un sentiment renouvelé de conscience unifiée. Une explication plus simple est une description relationnelle, peut-être une théorie de la sélection naturelle appliquée non seulement à la vie elle-même mais à l’Univers dans son ensemble. Notre Univers est membre d’un multivers dans lequel les trous noirs agissent comme des cellules reproductrices. 

Il serait utile d’avoir un aperçu de l’horizon lointain et de voir où tout cela va. Une théorie relationnelle permettrait de préciser les formes à attacher aux supra-individus et les aspects relationnels qui continueront à les lier, mais elle pourrait manquer de précision en partie à cause de notre connaissance, encore imparfaite, du processus. La précision de nos prédictions concernant l’évolution des individus se heurte à un mur.

Le bruant à gorge blanche est sorti de l’ombre. Son sifflement comble l'absence spatiotemporelle qu’il avait laissée derrière lui il y a quelques mois à peine. Les ombres sont comme des reflets dans le rétroviseur d’objets en mouvement rapide. Si l’imprévisibilité est la norme, l’Univers pourrait être purement utilitaire. Les objets individuels n'auraient qu'une valeur instrumentale limitée dans le temps et basée sur les besoins du moment. Nous continuons cependant à croire que le passage du temps aidera à faire la lumière sur les individus et sur ce qui va au-delà de leur physicalité.

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Histoire de matière

Publié le par Catherine Toulsaly

La nuit se retire sur la route vers Cleveland. Le brouillard étend son manteau sur les vallées. Les arbres tordus sur eux-mêmes s'alignent le long du trajet en se racontant des histoires. Je pensais que les hiboux sortaient la nuit mais j'ai entendu un hibou un après-midi à l'orée du bois où des esprits étaient gravés dans l'écorce des arbres tandis qu'un pygargue à tête blanche se reposait un court instant sur l'herbe.

A mon retour, du jaune au printemps, le jardin indigène est devenu violet à l'automne. Le long du Potomac, les nuages ​​se propagent plus vite que le soleil ne se lève ce matin. La maison est la proie des éléments, engloutie par la nature environnante. De la plume d'un oisillon à  l'isle isabelle, chaque objet disparaît sous la mer du temps.

Le conflit des théories se déroule sur le terrain de nos cerveaux. Un récit épistémologique est considéré comme vrai dans la mesure où il est directement ou indirectement validé sous nos yeux observateurs. Son utilité est toutefois limitée s’il ne peut pas servir de base à des prédictions précises et opportunes telles que l’introduction dans notre cadre de réalité d’un pygargue à tête blanche ou d'un astéroïde qui restent dans l’ombre jusqu’à ce que notre chemin les croise. Et lorsque la matière observable montre des signes de transformation ou de décomposition, elle retourne elle aussi dans l’ombre intemporelle.

Une image complète de l’Univers nécessite non seulement d’identifier les objets observables, mais aussi leur configuration. À l’heure actuelle, nous basons un ensemble de propositions sur les observations actuelles et élaborons, dans les limites d’une interprétation rationnelle – sinon abstraite – une théorie de la géométrie évolutive de l’Univers.

Des murs et des filaments se dessinent comme des plaques découpées sur la sphère céleste invisible, comme s'il était possible de glisser sur le long de ses lignes temporelles. L’Univers peut être comparé à une Terre remplie d’espace dans laquelle nous serions à des années-lumière de parvenir aux rivages d’un nouveau monde. En espérant poser le pied sur Mars d’ici les années 2040, pourrions-nous espérer atteindre Andromède d’ici quelques milliers d’années ?

Gravitons (Google Labs- Image FX)

Mais cette sphère est peut-être plate. Les rêves sont un outil d'apprentissage pour le cerveau.  Une image m’est venue à l’esprit, celle d’atomes d’espace-temps s’écoulant comme de l’eau de pluie dans la nuit noire sur la surface plane d’un champ gravitationnel quantique, tourbillonnant autour des trous noirs comme s’ils étaient des égouts.

La flèche du temps atteint-elle sa cible une fois qu’elle a dépassé l’horizon des particules ? Alors que des quantités macroscopiques de matière et d’antimatière sont signalées dans les objets astrophysiques à plus forte densité énergétique tels que les trous noirs, le rêve présente un aperçu, à travers l’écran épais d’événements relationnels multicouches, d’une danse synchronique de matière et d’antimatière s’annihilant lors d'états de transition y compris durant le processus de vieillissement physiologique et la fonte des glaciers.

Les mélanges des formes signifient qu’il y a de multiples façons d’être et de ne pas être dans l’intemporalité. La matière est un état d’être pluriel. L’Univers a commencé avec un nombre baryonique nul. Les particules ponctuelles et leurs champs d'activités ont précédé la matière. Avec l’émergence des baryons agissant comme générateurs de déplacement temporel et spatial, la pluralité de la matière a commencé.

Bien que l’espace-temps « existe » indépendamment de la matière, la matière ne peut se dissocier de l’espace-temps. Le temps et l’espace agissent comme des marqueurs topologiques pour chaque parcelle de matière. Selon Etienne Souriau, si, lorsque nous parlons d’être, l’espoir est de voir un tel état numériquement seul, la multitude d’êtres, que notre raison nous conduit à différencier, deviennent tout d’un coup des fantômes. Ces prétendus êtres rassemblés par tribus s’unissent à l’être et se fondent en lui, chacun d’eux suivant la bannière d’une ligne d’existence particulière.

Pour rassembler un nombre indéterminé de principes de correspondance décrivant un modèle relationnel, ils doivent être définis conceptuellement et de la manière la plus concrète possible permettant la mise en œuvre d'un processus d’actualisation au-delà de la barrière invisible entre le néant et l’Univers observable.

C’est dans sa temporalité qu'un objet est actualisé et que sa forme produite par le mouvement s’extrait de l’indistinction des mélanges de formes. Enchevêtré, il acquiert masse et volume et est ainsi localisé. Les aspects relationnels dictent les états de la matière. 

Si l’Univers était  une symphonie de lumières et de sons jouée sur le clavier du temps, il serait structuré comme une musique de compositeur autour d'un arrangement de cordes. S’il était un cerveau, le flux de matière lui fournirait le carburant nécessaire. Outre la question de l’attachement d’une forme à un objet, des aspects relationnels ont eux-mêmes une raison d'être essentielle.

Le statut ontologique sous-tend un but implicite, non pas un point statique mais un mouvement à travers l’espace-temps. Dans un paysage universel où la plus grande matriochka est l’Univers, la série infinie de poupées de plus en plus petites, bien que disposant de leurs propres ressentis, sont enfermées come dans une boîte qui détient la clé de leur raison d’être fondamentale. Le jeu infini auquel nous jouons tous à l’intérieur ressemble à un jeu de double causalité.

Le long monologue d’un moqueur chat à ma fenêtre fait écho au mien. Le berceau géométrique dans lequel nous nous trouvons pourrait bien être parsemé de trous noirs se tenant comme des ponts spatiaux, un état de superposition d’univers invisibles les uns aux autres. Les poètes pourtant pourraient bien ressentir l’absence subtile des uns et des autres. La matière stellaire dont ils sont sûrement faits disparaît-elle ou voyage-t-elle à travers l’espace-temps ? Retournent-ils au lit de semence de l’énergie noire ou sortent-ils pour rejoindre un univers jumeau ?

S’il ne s’agit pas d’un ensemble d’univers enchevêtrés dans un multivers, un univers jumeau  pourrait se former au même « moment » que le nôtre. Puisqu’il y a un léger excès de matière par rapport à l’antimatière dans notre univers, responsable de l’existence de la Terre, des planètes, des étoiles et de nous-mêmes, un déséquilibre analogue se produirait-il dans l’univers jumeau, entraînant la domination des antileptons ?

L’énergie noire pourrait être intrinsèque à l’espace lui-même. C'est un filet de capture indivisible. En fin de compte, qu'il y ait une quintessence décroissante ou une énergie sombre croissante, ce quelque chose qui ressent apparaît comme le reflet d'autre chose. Si l'Univers était un cerveau, la quintessence décroissante décrirait la diminution de sa propre ignorance.

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Mélanges de formes

Publié le par Catherine Toulsaly

Quelle est la structure spatiotemporelle de l’Univers ? À travers le miroir, il y a un élément de prédestination dans ce qui est « relationnel » et un élément de libre arbitre dans ce qui est « intrinsèque ». L’autodétermination et la prédestination s’appliquent à l’histoire de l’Univers. Ces variables relationnelles exprimées dans la dynamique intrinsèque de l’Univers forment des rapports sans dimension aux variations infinitésimales. Lorsque l’un d’eux change, ces rapports changent collectivement. Puisque le futur chevauche le présent et le présent fond dans le passé, l’origine est cachée dans l’absence d’interactions entre les particules au plus profond de la première étincelle de l’état volitif de l’Univers.

Le secret de la topologie temporelle précède le règne de la matière pendant lequel d’innombrables degrés de liberté fusionnent sous nos yeux en une réalité tridimensionnelle. C'est dans ces premières empreintes lointaines que l'Univers exprime son libre arbitre, libère l'énergie et introduit des variables dans le mélange des formes. Le rapport entre la courbure de l'espace et la courbure de l'espace-temps est lié à la gravité.

Assis sur la colline autour d’une marmite de principes fondamentaux, les esprits des poètes défunts débattent à l’aube au son du chant d’une tourterelle dite triste. Experts dans l’art de formuler des vœux, leurs voix envoient des ondes qui flottent plus haut dans l’espace que le chant des grillons au ras du sol. La visualisation directe et la représentation abstraite sont ce qu’ils comprennent le mieux.

Edgar Poe parle de visions de la nuit noire tandis que John Ashbery, appelant les autres, demande : « Que dire du libre arbitre et de la prédestination, sans parler d’autodétermination ? Comment est-ce qu'ils s'enchevêtrent ? ». Certains restent silencieux. D’autres louent la beauté de la liberté et de la nature sauvage. Walt Whitman parle de la Loi irréductible à laquelle nous n'échappons, paradoxalement, que pour accéder à une liberté authentique.

Si pour certains, libre arbitre et prédestination relèvent de deux systèmes de pensée opposés, pour d’autres, ils sont étroitement liés. Dans l’espace-temps, le présent dans lequel nous nous trouvons est choisi parmi d’innombrables chemins qui s’offraient à nous. George Eliot parle de la route sinueuse que nous empreintons comme si elle était « faite par le libre arbitre des arbres et des sous-bois ». Les poètes pour qui la sensibilité et l’intuition sont le seul canal de communication avec l’Univers voient les étoiles et les concepts comme une seule et même chose.

Le fou sur la colline, assis à leur côtés, a rejoint les poètes défunts et demande si le moi peut échapper à son identité prédestinée ? Charles Baudelaire, qui est désormais pleinement conscient de l’unidirectionnalité de la flèche du temps, répond depuis la tombe:

« Pour que la loi du progrès existât, il faudrait que chacun veuille la créer ; c’est-à-dire que, quand tous les individus s’appliqueront à  progresser, alors, et seulement alors, l’humanité sera en progrès.

Cette hypothèse peut servir à expliquer l'identité des deux idées contradictoires, liberté et fatalité. Non seulement il y a, dans le cas de progrès, identité entre la liberté et la fatalité, mais cette identité a toujours existé.»

J’ai lu, cependant, que le libre arbitre est une illusion née de notre expérience fréquente de vouloir faire quelque chose et d’y parvenir. Pour que cette loi du progrès existe, en quoi consiste notre vœu de la créer ? Chaque pas en avant dans le flux des pensées est un exercice d’équilibre entre la non-localité et la causalité. Ce vœu peut être envers soi ou envers les autres.  

Thomas, le yogi, qui reste assis en silence et repousse avec diligence le  brouhaha incessant de ses pensées, ressent aussi le besoin de formuler des vœux. Pour lui, c’est un acte de générosité, lorsqu’il rencontre d’autres personnes et leur souhaite bonne chance, lorsqu’il souhaite que le changement climatique s’inverse et que les plantes et les créatures ne disparaissent pas. C’est une composante inhérente de la conscience, dit-il, bien qu'il n'ait aucun moyen de savoir quel effet ont produit les vœux « parce qu’ils ont traversé le temps et les distances bien au-delà de sa présence physique », de manière similaire à l’effet papillon.

Les concepts philosophiques pénètrent le monde physique à travers le réseau complexe de la géométrie et de la matière. Un choix libre ne peut être qu’aléatoire. Mais si un choix libre peut produire n’importe quel modèle par simple hasard, alors l'existence d'un tel modèle devient prédestiné.

Le libre arbitre et la prédestination forment des fractales irrégulières. La matière et la géométrie interagissent généralement sur un pied d’égalité, mais pas à proximité du Big Bang et dans les trous noirs où la géométrie a le dessus. Loin du Big Bang surviennent des rebondissements géométriques. Les particules massives en chute libre suivent des géodésiques temporelles dont le chemin est déterminé par la courbure et la structure causale de l’espace-temps qui les entoure « non seulement en avant et en arrière dans le temps, mais aussi dans les trois directions de l’espace ». Comme les géodésiques voisines s'éloignent de l'environnement spatial qu'elles avaient partagé, elles ne peuvent plus se parler. Au-delà du visible, le silence asymptomatique des géodésiques fait écho au silence de l’intrication quantique.

L'Univers est l'œuvre du temps, alors que notre connaissance de celui-ci est retardé comme si elle suivait une trajectoire différente. Les fractales impliquent des modèles et des fluctuations invariables. Mais à une certaine distance indéfinie, l'Univers est plus inhomogène et anisotrope que nous l'imaginons. Ses irrégularités continuent d'échapper à notre capacité de prédiction.

Les variables relationelles sont multiples et s'étendent à l'infini. Les relations sont intentionnelles ou accidentelles, quantitatives ou informationnelles. Elles se situent dans la dimension tant physique que spirituelle. En considérant les expressions 0/1 sous un angle différent, le moment cinétique de l'Univers relationnel « est et reste à jamais exactement zéro » tandis que la constante de la courbure de l’espace par rapport à la courbure de l’espace-temps est proche de un. De zéro à un, ce moment cinétique passe par une série de faits successifs, une chaîne de relations intriquées.

Les rêves tracent un chemin par lequel la providence pénètre l'univers physique. Un poète rêvant d’une rencontre fortuite avec l’esprit d’un ami au visage ridé sent la présence conjointe du passé, du présent et du futur tandis que ces mots lui sont soufflés à l’oreille : « Il n’y a que des formes mélangées qui s’étirent dans le temps, émergent dans l’espace, éclatent symphoniquement, car le temps glisse, transparent. Les formes, les ondes, la matière – tout pointe au-delà et s’engage dans des murmures profonds à travers l’espace-temps. »

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L'Observateur quantique

Publié le par Ysia

Ce qui différencie le yogi du reste d’entre nous, c’est une fréquence soutenue à laquelle se produit une intuition vibratoire, l’endurance d’un élan intuitif. L’intuition est ce quelque chose, comme le reflet du dauphin dans un miroir. Lorsqu’elle est consciemment amplifiée, elle est mise en action. Face au miroir, nous reculons de crainte de nous mettre en action à la vue du dauphin qui saute au-dessus des vagues du champ cérébral. Que se passerait-il si nous nous laissions aller ? L’esprit continuerait-il à bâtir une théorie sur la sphère de forme ? Serait-il englouti dans un trou noir ? Serait-il prisonnier sous le socle des idées surannées ? L'important est d'atteindre le palier supérieur dans une marche ascendante. C'est la quête d'une intuition qui s’élève au-dessus de la mêlée de pensées fixes.

Depuis les rivages sablonneux où les empreintes de pas deviennent des souvenirs effacés, je suis revenue au royaume quantique. Tandis que j’écoute les différents sons du flux des idées, un colibri s'est posé sur une feuille de cerisier. Des vagues incessantes de connaissances me dépassent. Seules quelques-unes s’effondrent et alimentent le récit d'une théorie du tout.

L’inconscient pourrait-il avoir accès à des stimuli de nature sensorielle que l’esprit conscient ne détecte pas ? Les idées tombent comme des gouttes de pluie dans le champs  de la connaissance. Elles circulent sur des autoroutes à voies multiples interconnectées, se superposent les unes aux autres, sans se révéler consciemment, et opèrent intuitivement en arrière-plan.

Il y a une énorme quantité de transmission quantique dans le cerveau humain, ce qui conduit à un environnement apparemment aléatoire et libre où l'intuition erre au niveau quantique.  La conscience et l'effondrement de la fonction d'onde sont intrinsèquement liées. Une fois que l'énergie atteint le seuil critique de la gravité quantique, l'auto-effondrement se produit.

La relation entre la conscience et la fonction d’onde a permis de mettre en termes mathématiques la relation entre la conscience et l’univers. Le monde quantique des particlues qui définit la perspective de la grenouille n’est rien d’autre qu’une minuscule composante de la fonction d’onde globale. Cette dernière, symbolisant la perspective de l’oiseau, peut être considérée comme la véritable réalité qui se cache derrière les phénomènes.

Cela me rappelle la grenouille poète qui médite sur la nature de l’Univers, étanchant sa soif aux fontaines du passé, à celles que l’on croyait taries parce qu’elles sont devenues souterraines, enracinées dans l’inconscient de l’esprit humain. La perspective de l’oiseau me ramène à l’observateur convaincu que la véritable signification de l’univers doit se trouver au-delà. Se faufilant à l'extérieur, l'observateur revient avec l’histoire du zygote confiné dans les parois d’une membrane transparente.

La fonction d’onde donne un sens physique à un événement physique qui est le mouvement discontinu aléatoire de particules. À quel stade la conscience  joue-t-elle un rôle ?  L’Univers s'exprime en se révélant à chaque point de localisation spontanée. Si l’effondrement quantique n’est qu’un processus autogénéré de type aléatoire, il n’a rien à voir avec la conscience.

L'effondrement appose une estampille sur des particules de matière en mouvement dans l'espace. Il s'agit d'un croisement d'onde. Si on la laisse tranquille, l'onde s'étend dans l'espace, donnant l'image d'un continuum temporel linéaire. L'évolution temporelle de l'Univers observable se présente séquence après séquence come une série de temps d'effondrement, chacun établissant de nouvelles corrélations dans un cadre de référence élargi.

Un observateur quantique se présenterait peut-être comme l'enchevêtrement d’états cérébraux aux perceptions différentes. Nageant dans les flux du système quantique, il pourrait avoir des visions, des impressions et être sensible au bruit de fond d’un tourbillon qui l’alerterait d’un effondrement imminent.

L’intrication se réfère-t-elle à de multiples états de conscience dans un seul esprit ou bien s'agit-il d'un seul état de conscience partagé même brièvement par plusieurs observateurs ? L’intrication est-elle silencieuse jusqu’à ce qu’elle se retrouve au bord de l’effondrement ? Entre le visible et l’invisible, il y a un miroir sur lequel des échos réfléchissent un champ de conscience. Dans le cas où l’effondrement génère la conscience, l'émission du son est son empreinte. Il faut considérer que le son agit sur le système quantique, et que le système quantique agit en retour sur le son. Le fait que le volume du son soit lié à la densité de masse et que plus le système est large, plus le son amplifie, suggère qu’il puisse être lié à la force de gravité.

David Chalmers et Kelvin McQueen suggèrent que de petites superpositions de conscience, brèves, de faible amplitude ou entre des états étroitement liés, peuvent être omniprésentes. Mais à mesure que ces petites superpositions deviennent plus grandes, elles entraînent des probabilités plus élevées d’effondrement de la conscience vers un état plus clairement défini.

La question de savoir si la conscience peut être à l'état de superposition pose le problème de son évolution au niveau macroscopique. De la fréquence du microcosme à celle du macrocosme, de grands états de conscience superposés peuvent représenter ce que j’appelle la conscience cosmique.

The dreamer dreams of a circle diving into eternity (Google-Labs - Image FX)

Les visites de l’esprit intuitif se produisent la nuit lorsqu’une conversation se déroule dans l'esprit du rêveur. Le néant, rêve le rêveur, est un cercle plongeant dans l’éternité. Les expressions 0/1 s'étirent comme un état de superposition quantique qui tente de communiquer sur la nature de l’Univers. En se réveillant au bruit des gouttes de pluie, le rêveur se rend compte qu’il y a  bien d'autres sujets sur lesquels méditer.

O/1 expressions (Google- Labs - Image FX)

O/1 expressions (Google- Labs - Image FX)

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Ontologie quantique

Publié le par Catherine Toulsaly

De temps à  autre, je prends la mesure du chemin parcouru. J’ai l’impression que toutes les pièces du puzzle sont éparpillées. D’un côté, étudier le sujet sous tous les angles est un processus d’apprentissage qui permet l’émergence d’idées. De l’autre, plus le champ d’investigation est large, plus il devient difficile de tendre ses bras « mentaux » pour saisir les pièces manquantes et les rassembler.

Tout au long du chemin, je m’accroche à un fil invisible de mots et de concepts. En tant qu’apprenant visuel, je pense en images et vois dans les idéogrammes chinois une succession non seulement des formes intégrées dans la communication humaine mais surtout une géométrie originelle.

D’une manière ou d’une autre, « quelque chose » d’où naît l'être décrit l'emergence d'une existence accidentelle, un état d’incertitude qui se cherche. Dans l’image révélatrice d’une bataille pour un domaine, le temps affirme sa souveraineté. Cela fait allusion à un processus sous-jacent d’appropriation de ce qui n’est que potentiel. Je le lie à l’état quantique.

En fin de compte, la physique moderne n’a pas pour but d’expliquer tout. Son objectif est plus pratique : reproduire le monde physique et exploiter les propriétés quantiques des systèmes physiques. Les fluctuations quantiques conduisent à « l’être ». Des bits aux qubits, les ordinateurs ouvrent un passage entre l’abstraction et la réalité, mais lorsque nous passons des ondes lumineuses aux photons, aux phonons et aux ions, sommes-nous plus près de répondre aux questions philosophiques ?

Nous n’avons peut-être pas accès à  l’Univers en tant que cadre d’un nombre infini d’états superposés émergeant de façon semblant aléatoire, mais nous pouvons certainement reproduire les processus que nous observons, mesurons et dont nous faisons l'expérience.

Un système informatique quantique pourrait permettre une communication cryptée de manière sécurisée, un transfert de données beaucoup plus rapide et des capacités de stockage physique moins lourdes. Le CERN, dont les besoins informatiques augmentent rapidement, utilise l’informatique quantique basée sur le cloud d’IBM Quantum pour analyser 1 pétaoctet de données par seconde dans le Grand collisionneur de hadrons, ce qui nécessiterait 1 million de cœurs de processeur classiques.

L’intrication quantique est essentielle pour transmettre des informations sur de longues distances, avant la mise en place d’un réseau Internet quantique à grande échelle. Pour limiter les interférences, les turbulences et le bruit de fond, les communications quantiques par satellite bénéficient d’une orbite dans le vide spatial pour générer des clés symétriques et les transmettre simultanément afin d’établir un lien direct entre des utilisateurs séparés par de longues distances.

Contournant le besoin de répéteurs quantiques, deux chaînes de paires de photons intriqués ont été distribuées depuis le satellite Mozi 墨子 — l’un des cinq satellites expérimentaux scientifiques établis par l’Académie chinoise des sciences — vers deux observatoires terrestres distants de plus de 1 120 kilomètres. Des échanges de clés sécurisés intercontinentaux et le lancement de satellites en orbite plus lointaine sont en préparation. La course à l’espace quantique est lancée avec le programme National Space Quantum Laboratory, un partenariat entre la NASA et le Lincoln Laboratory du MIT.

Sans parler des implications stratégiques dans les secteurs du renseignement, de la sécurité et de la défense, ces premiers succès ont alimenté une course technologique dans le domaine de l’optique et de l’information quantique. Après que l’ordinateur Honeywell a été présenté il y a un an comme l’ordinateur quantique le plus performant au monde, une équipe de scientifiques chinois a annoncé en décembre avoir également réussi à développer l’ordinateur quantique le plus puissant du monde, Jiuzhang 九章, en effectuant en 200 secondes un calcul qui, sur un supercalculateur ordinaire, prendrait 2,5 milliards d’années.

La période de transition entre l’informatique classique et l’informatique quantique a une durée indéterminée. L’objectif n’est pas de remplacer l’Internet tel que nous le connaissons, mais de trouver une solution hybride. Les chercheurs à l'université de Duke développent actuellement ce qu’ils espèrent être le premier ordinateur quantique pratique et extensible basé sur la technologie de piéges à ions.

Mais pour la plupart d’entre nous, le Cloud constitue la seule avenue disponible pour accéder à un ordinateur quantique. Malgré les problèmes de sensibilité de la première génération d’ordinateurs quantiques aux interférences, au bruit et aux effets environnementaux, une approche coordonnée face à ces flux irréguliers, complexes et dynamiques de particules – porteurs d’informations quantiques – est en cours.

Les industries, les institutions bancaires, les décideurs politiques, les instituts universitaires et les agences spatiales font leurs propres recherches, tirant parti des nouvelles possibilités technologiques notamment pour effectuer des prévisions financières et des simulations chimiques, pour développer une technologie de détection quantique dans le cadre de l’astronomie multi-messagers et pour concevoir des moyens d’éliminer le dioxyde de carbone de l’air alors que les émissions de gaz à effet de serre atteignent des niveaux historiques.

Le concept d’ontologie quantique pourrait définir ce « quelque chose » censé s’auto-organiser et se localiser dans le temps et l’espace. Peut-être que les futurs systèmes informatiques quantiques contribueront à établir une représentation plus fidèle de l’Univers. Mais ce qui se passe actuellement avec la convergence des bits, des neurones et des qubits est l'aspect le plus fondamental.

The convergence of bits, neurons and qubits (Google-Labs-Image FX)

Une équipe de recherche aurait démontré que des algorithmes basés sur des réseaux neuronaux peuvent être appliqués à mieux comprendre le monde de la physique quantique. L’article de David Chalmers et Kelvin McQueen sur la conscience et l’effondrement de la fonction d’onde rappelle la possibilité qu’une résonance des entités micro-conscientes aux entités macro-conscientes ne puisse se produire que par intermittence lors de l’effondrement de la fonction d’onde, signalant le transfert d’informations et/ou d'un état de conscience.

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Franchir le passage

Publié le par Catherine Toulsaly

Comme une liste d'acteurs classés par ordre d’apparition, on se demande qui vient en premier : le temps ou l’espace? Ou bien les deux acteurs principaux apparaissent-ils en tandem dans la première scène ? Un vieux débat philosophique se reflète dans la discussion scientifique actuelle. Si l’Univers est effectivement de nature conceptuelle, la philosophie taoïste originelle est un bon point de départ pour chercher des indices.


Cet article se situe à la croisée des chemins et invite à un détour. Le dernier paragraphe de l'article précédent mène à une digression, une tentative de renouer avec la pensée chinoise. Le choix des mots de Barbour, à savoir « invariant variationnel », me reste en tête et guide mes pas en arrière vers certains concepts principaux.


L’importance du manuscrit chinois Heng Xian 亙先 de plus de 2 300 ans et acquis par le musée de Shanghai au milieu des années 1990, fait l’objet d’un débat universitaire, sans parler des circonstances qui ont entouré sa découverte et de la séquence des bandes de bambou. La façon dont un seul caractère est lu et la différence de sens entre les mots dépendent de l’interprétation du lecteur.


Les chercheurs doivent faire preuve d’une grande prudence lorsqu’ils tentent de recouper différents textes. En ce qui concerne la transmission des idées, leur interprétation dépend de la fidélité au texte source et du fait que nous nous appuyions sur le texte le plus ancien ou sur un texte qui a pu être modifié. Les changements introduits dans les manuscrits ultérieurs fournissent des informations sur lesquelles les chercheurs s’appuient. Au fil du temps, le choix des mots peut différer, mais les idées demeurent.

Ce qui est venu en premier fait l’objet d’un débat aujourd’hui comme par le passé. Heng Xian dit : « L’être est né de quelque chose, la nature est née de l’être, les sons sont nés de la nature, les mots sont nés des sons, les noms sont nés des mots et les choses sont nées des noms ». Ainsi, des « choses » à ce qui est « quelque chose », il faut revenir sur nos pas et retrouver notre chemin.


Mais si Heng Xian a une place fondamentale dans l’évolution des idées, pourquoi le texte tel qu’il a été reconstitué et rendu public au début des années 2000 ne parle-t-il pas explicitement du Dao 道 ? Alors que le Dao, au chapitre 25 du Laozi des Textes sur soie de Mawangdui 馬王堆帛書 (également connu sous le nom de Daode Jing 道德經 ), est considéré comme la Mère de l’Univers, certains chercheurs voient les choses différemment et traduisent plus littéralement l’expression 天下母 par la mère de tout ce qui est sous le ciel, la Terre, on en déduit.


L’accent mis sur des concepts tels que 亙 et 或 peut être interprété comme une nouvelle rupture dans la chaîne des événements primordiaux. Selon Sixin Ding 丁四新, du département de philosophie de l’université Tsinghua de Pékin, qui a étudié les deux concepts complexes 亙 et 或, même si les auteurs du manuscrit sur bambou Heng Xian ont étudié la cosmologie de manière plus approfondie, leur connaissance de la structure de la cosmogonie était primaire. Il conclut que Heng Xian utilise un pronom indéfini 或 pour désigner une étape de la genèse du cosmos.


Alors que le premier caractère enregistré pour la Lune 月 était un croissant de lune, le premier dessin représentatif de 亙 ressemble à un croissant entre la Terre et le Ciel. Un tel graphique lié à la cosmologie semble avoir la priorité sur le caractère dao 道 qui montre une tête qui marche — le chemin de l’humanité. 亙 signifie s’étendre, traverser d’une zone à une autre, physique ou abstraite. Le sens inféré pourrait être « constance » (恆). Non seulement l’expression hengdao 恆道 apparaît dans le premier chapitre du Laozi, mais le remplacement du caractère 恆 par chang 常 dans les textes ultérieurs implique une « constance » dans le flux des choses. Il confirme l’existence d’un principe permanent et dynamique dont la flexibilité est rendue par le mot « flux ». La volonté et le détachement sont des attributs du flux. Les deux qualités semblent se contredire. Elles régulent cependant le flux de l’Univers.


Une vaste recherche sur la relation complexe entre l’Univers et la Conscience implique l’accès aux souvenirs de nos ancêtres, la fusion des pensées dans le temps et l’espace pour susciter une réflexion plus approfondie. Le chapitre 40 du Laozi reconnaît un renversement de flux ou un aspect cyclique dans le mouvement du Dao. Cela me fait penser au système de transformations de Noether et que, pour chaque transformation, il existe un inverse contenu dans le flux de l’Univers. 

Les deux concepts correspondants 亙 et 或 étaient tapis dans un coin de mon esprit alors que je rêvais l’autre nuit d’une sphère blanche. Le lendemain, au clair de lune à l’aube, j’ai traversé le jardin sur le sentier entre les rosiers indigènes, écouté le chant des cigales et regardé les fleurs du catalpa tomber. Je me suis demandée pourquoi un pictogramme de la Lune coincée entre la Terre et le Ciel transmettrait l’idée d’éternité. 

La Lune coincée entre la Terre et le Cosmos (Google - Labs - Image FX)

Depuis plus de 4,5 milliards d’années, le système Terre-Lune évolue en même temps. La Lune et ses phases croissantes et décroissantes restent une constante dans la vie humaine et illustrent à mes yeux ce que Barbour appelle « l’invariance variationnelle ».


La phrase d’introduction 亙先無有 du manuscrit sur bambou pose le décor des événements antérieurs à la formation du système Terre-Lune et avant que le Soleil ne sorte de sa nébuleuse de gaz et de poussières. Certains chercheurs ont choisi de la traduire de deux manières : « Dans la Constance, il n’y a d’abord aucune existence » ou la constance « a précédé l’absence d’Être ». 


D’autres pensent que les deux caractères 亙先 ont à voir avec « l’origine des origines », la « primordialité absolue », le « commencement ultime » en référence au Grand Ultime 大極. Peut-être que les deux interprétations – la constance et l' ultime commencement – ne se contredisent pas et pointent vers un état premier d’invariance. Sarah Allan soutient que l’idée du Grand Ultime comme point d’origine abstrait, avant qu’il n’y ait quoi que ce soit d’autre, semble être un développement théorique ultérieur.  Avant de franchir le passage vers l’Univers observable, il y avait l’absence d’Être.


L’absence d'être et le néant sont-ils différents ? Alors que le chapitre 40 du Laozi affirme : « Tous les êtres viennent de l’Être ; l’Être vient du Non-Être », le graphique 或 s'invite comme une nouvelle étape dans la genèse du cosmos. Il traduit une incertitude sur un état de devenir qui n’est ni l’être ni le néant. Zhuangzi affirme : « Parfois il y a l’Être, parfois il y a le néant. Sait-on jamais si l’Être et le néant existent réellement ou n’existent pas réellement ? ». 


或 montrait à l’origine un cercle et une lance à droite (hallebarde radicale) avec une ou plusieurs bordures parfois dessinées autour du cercle. Il fait implicitement référence à une bataille pour un domaine. Les caractères chinois sont essentiellement géométriques. Cela me rappelle la théorie de la dynamique des formes qui ne suppose pas l’existence d’un espace-temps mais d’un ensemble à trois géométries qui peuvent s’assembler pour agir comme un espace-temps à quatre dimensions. 


On ne connaît ni l’issue de la bataille ni les protagonistes. Il s’agit d’un pont suspendu entre le néant et l’être, « sans forme matérielle ». Son sens moderne pourrait être compris comme un champ quantique. 或 transmet le concept de Zhuangzi d’une existence sans forme de nature accidentelle, une forme indéterminée qui apparaît au début du temps. 


Au jour du 16 décembre 2024, ma compréhension diffère au vu des articles sur le néant et l'univers quantique qui ont succédé. Révisant mes notes, je conclue : 


Dans la chaîne primordiale des événements, quelque chose que l'on tente de saisir, ainsi nommé 或, cet univers quantique aux prises avec le néant, précède le flux 道 des choses et le souffle 氣, à  savoir la conscience absolue et impersonnelle de l’Univers. Tous les concepts primaires sont connectés à travers ce quelque chose. 

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Apprivoiser l'Infini

Publié le par Catherine Toulsaly

Certaines fleurs fuient la lumière, cachées au ras du sol sous les feuilles épaisses du podophylle pelté. D’autres, à l’extrémité des tiges, rivalisent d’élan pour s’élever au-dessus de tout. L’esprit, sur ses gardes, s’introduit dans chaque brèche. Il rampe dans chaque creux et se faufile dans chaque interstice, espérant un face à face avec le néant.

Google - Labs - Image FX

L’Univers, tel que je le vois, s’est révélé en s’exprimant. Il y a un « ordre » dans la façon dont les éléments d’information qui s’autoalimentent construisent des connexions croissantes au sein d’un cadre conceptuel général. Plus l’esprit humain tente de percer l’épais brouillard des concepts et d’examiner les relations entre tous les objets, plus l’intuition et la visualisation s’affinent. La forme générée par l’Univers est une réalité structurelle qui suit des lignes visibles et invisibles, comme la symétrie de rotation d’un plan autour d’un point.

Winding Road (Google - Labs - Image FX)

Apprivoiser l’infini évoque l’image d’une longue marche sur une route sinueuse qui serpente entre des flaques d’eau et qui s’éloigne de l’œil de l’observateur pour disparaître à l’horizon. C'est une rivière qui prend sa source en amont, coule en méandres, traverse des lacs et descend en cascades pour irriguer la Terre.

Comment une ligne infinie, une route creusée dans l’air, peut-elle aller du passé au futur ? Si le temps est quelque chose qui s’ajoute à l’espace, il s’agit d’un espace en boucle infinie. Des particules aux objets astronomiques, où que nous allions, il y a circularité et des rondes tracées. Bien que la circularité des particules soit plus facile à déterminer que leur sphéricité, une « sphéricité presque parfaite » est à l’origine de toute structure dans l’Univers, soutient Julian Barbour. Des amas de particules ou de matière ont formé des zones circulaires. Apprivoiser l’infini signifie apprivoiser le flux du temps et toutes les choses qui s’y trouvent, une à la fois.

L’émotion du temps naît de la manifestation organisée des ressentis animés. Il est peut-être possible d’apprivoiser l’infini si nous considérons l’espace-temps comme un espace relationnel. Les occurrences sont nécessairement relationnelles sur un champ quantique ou dans un hyperespace dynamique comme l’Univers observable.

Les formes des objets apparaissent comme des propriétés fondamentales. Le « rien » est ce qui précède la mesure de ce qui est produit. Julian Barbour le qualifie de nombre le plus important de l’Univers. Il définit la « proportion de l’énergie cinétique totale qui change de forme et donc modifie – en fait, augmente – la quantité de structure dans l’univers ». On dit que les nombres présentent deux faces. L’une est algébrique, l’autre topologique. Si une sphéricité presque parfaite décrit initialement l’espace topologique, la mesure de ce qui le compose en est l’image algébrique.

Une perspective relationnelle est mise en évidence dans la théorie causale de la connaissance de Lee Smolin. Il propose que l’Univers soit constitué de perspectives visuelles présentant des informations sur l’énergie et l’élan transférés à une occurrence à partir de faits passés causaux. Dans une formulation particulaire, écrit-il, c'est le quadrivecteur énergie-quantité de mouvement qui coïncide ou interagit lors de l'occurence.

Cela me ramène à Whitehead et à l’existence des phénomènes de ressentis au sein d’un univers intrinsèquement expérientiel dans lequel chaque élément possède son point de vue particulier. Les occurrences dans les interactions de particules ont dessiné les contours d’une sphère de forme.

D’une sphère de forme à la sphéricité de la Terre et du Soleil, l’Univers est-il lui aussi une sphère parmi d'autres qui se frottent contre l’autre, tentant de se faire une place au sein d'un multivers? Mais l’Univers, nous dit-on, est plat.

La façon dont les choses s’emboîtent et dans quelle mesure elles s’imbriquent est une question de perspective. Nous ne pouvons qu'en observer les résultats physiques, qu’ils soient de forme sphérique, ellipsoïdal ou tout autre objet de forme muldimenstionelle.

Van der Waerden aurait déclaré qu’Emmy Noether « ne travaillait qu’avec des concepts », soulignant le principe de détachement qui caractérisait son travail dont la contribution marque un tournant de l'étude  des objets mathématiques particuliers à l'établissement de connexions conceptuelles plus générales. Elle expliquait dans son article de 1918 intitulé Invariant Variation Problems que par « groupe de transformations », on entend un système de transformations tel que pour chaque transformation, il existe un inverse contenu dans le système, et tel que la composition de deux transformations quelconques du système, à son tour, appartient au système.

A chaque propriété d’invariance ou de symétrie des lois de la nature ou d’une théorie proposée correspond une loi de conservation et vice versa. Cela signifie, je crois, l’invariance relative des propriétés, l’existence d’une codépendence entre les formes des objets et l’espace qu’ils couvrent même lorsqu'elles se déforment.

L’invariance d’échelle mène à  une absence d’échelle, l'aspect sans dimension de l’Univers. Christof Wetterich propose qu’une théorie quantique fondamentale des champs n’impliquerait aucun paramètre intrinsèque de dimension, de masse ou de longueur. C’est ce que signifie l’invariance d’échelle fondamentale.

Quant à moi, lorsque j’entends le mot invariance, il rime avec le mot convergence… Ce qui est variationnel s'emboîte avec ce qui est invariant dans l'alliance entre les occurrences et les objets.

L'image poétique est en effet essentiellement variationnelle. Elle n'est pas, comme le concept, constitutive. Sans doute, la tâche est rude - quoique monotone − de dégager l'action mutante de l'imagination poétique dans le détail des variations des images

Gaston Bachelard, La poétique de l'espace

Au début, une impulsion venue de « rien »  a déclenché des étincelles d’énergie. Nous nous demandons si ces étincelles apparaissent avant tout cadre relationnel. Philip Morison, pour sa part, écrit que l’Univers est, à la base, modulaire. Son plus petit dénominateur est une particule ou un quantum. Les objets ont des propriétés dispositionnelles dans les limites de leurs degrés de liberté internes et externes. C’est peut-être la raison pour laquelle la dynamique des formes adopte une approche relationnelle envers les objets. Comme pour l’orbite de la Lune, la révolution de la Terre, l'agrégation des nuages ​​moléculaires, et l’expansion de l’Univers, un relationnalisme spatial et temporel a été initié et maintenu dès le début, puisse-t-il être de forme sphérique.

Dans un labyrinthe d’abstractions, le temps est-il quelque chose ajouté à l’espace ou l’espace quelque chose ajouté au temps ? Au-delà de la transformation et de la différenciation, que reste-t-il de l’identité des choses ? L’invariance, plus communément appelée constance, détermine le flux intemporel.

Elle définit l’uniformité, l’homogénéité et l’isotropie de l’espace-temps. L’invariance caractérise la fluidité des occurrences. Elle souligne une relation qui dure dans le temps. Elle témoigne aussi d'un comportement qui se rapproche du non-agir, de l' inaction, d'un principe de détachement volontaire de la philosophie taoïste. En substance, le « rien » est-il un état relationnel sans relata?

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Subtilités

Publié le par Catherine Toulsaly

Ce blog, qu'il s'agisse de Résonance ou Vanité en français ou bien de la Conscience et l'Univers en anglais, coule comme une rivière. Leurs articles respectifs sont des cascades où les mots se retrouvent pris en amont tandis que d’autres passent au travers. Julian Barbour écrit que la meilleure façon de concevoir l’expansion de l’Univers est subtile. Son utilisation du terme « subtil » fait écho à celle par Wing Tsit-Chan selon lequel le non-être définit la subtilité de toutes choses, et l’être en est le résultat.

Le « rien » n’est ni l’espace, ni le temps, ni la matière. Il précède et disparaît. Son nombre est zéro, un cercle qui plonge dans l’éternité, un puits qui s'enfonce dans l’infini, l’exercice quotidien d’Ensō. Barbour écrit « Puisque le commencement de l’Univers présuppose le temps, cela signifie que l’Univers n’a en fait pas eu de commencement singulier. » Un objet géométrique intemporel de taille quantique, suspendu par lui-même comme une mémoire perdue, pourrait-il être à l’origine de tout ?

Lequel de Zéro ou de Un se rapporte à l’unité ? Zéro est le « rien », et Un est la totalité. Les deux pourraient impliquer l’unité, mais le premier, voilé, est l’unité dans l’obscurité ; le second est l’unité mise en lumière. Au sein d’un système, d’un Univers, se produit une évolution unitaire. L’unité fait référence à une variation invariante comme l'a définie Barbour et par laquelle « l’énergie est conservée parce que le temps est uniforme ; Le moment cinétique est conservé parce que l’espace est le même partout — il est homogène ; le moment angulaire est conservée parce que l’espace semble le même dans toutes les directions — il est isotrope. » Ce n’est pas le bruissement des étoiles que j’entends, mais le son étouffé du néant.

Il semble y avoir des objets conceptuels trop subtils pour être différenciés, des subtilités qui demandent une acceptation candide. Un représente la porte de toutes les subtilités. Dans notre quête du néant, nous nous trouvons au point Janus où aucune direction n'est distinguée. Stephen Hawking aurait dit que demander ce qui s’est passé avant le Big Bang n’a aucun sens. C’est comme demander « qu’est-ce qui se trouve au sud du pôle Sud ? ». Ce serait comme glisser le long de la sphère céleste depuis le point imaginaire du pôle Sud céleste au-delà de la Constellation du Caméléon et du mur du pôle Sud. Est-ce là que se trouve la naissance insaisissable du temps ? 

Déterminer la géométrie de l’Univers implique de mesurer les corrélations spatiales entre les structures cosmologiques. Dans leur tentative de tracer la toile cosmique, les cosmologues traquent des motifs géométriques discrets dans le ciel d' un polytope cosmologique à l'autre. Ils déduisent des angles à partir de tétraèdres, de pyramides à double carré et d’amplituèdres à peine visibles, espérant que toutes les lignes seront tracées, que les pièces s’intégreront dans une géométrie plus grande afin que le puzzle de l’Univers soit complet.

Au fil du temps, en raison des amplitudes de diffusion, les corrélations spatiales se développent et s’élargissent, traçant au fur et à mesure une histoire du temps. Les polytopes parlent un langage familier comme s'ils provenaient d’une mémoire lointaine. Les figures géométriques sont des symboles utilisés dans le dialogue entre l’Univers et la Conscience. Elles projettent une image sur l’écran universel, un aperçu d’un processus allant de « rien » à l’état quantique jusqu’à la vision de l’Univers observable.

Dans le monde de pensée, il y a des espaces mathématiques – l’espace de Sitter, le marais et le paysage de cordes. Sean Carroll suggère que l’ontologie fondamentale du monde consiste en un vecteur dans l’espace de Hilbert évoluant selon l’équation de Schrödinger. L’espace des phases est un espace dans lequel l’ensemble de tous les états possibles est représenté.

Julian Barbour le décrit poétiquement comme une « prison dans laquelle un cauchemar nietzschéen à répétition éternelle ne donne aucun répit aux dormeurs ». Ses mots font écho à ceux gravés dans ma mémoire qu'a écrit le poète Baudelaire sur «  la pluie, étalant ses immenses traînées, d'une vaste prison imite les barreaux ». Mais la fille en sandales, poursuit Barbour, peut « marcher dans un bac à sable infini », tandis que « les ruisseaux ne doivent pas nécessairement, comme le Jourdain, se terminer dans la mer Morte. Ils peuvent atteindre, et souvent le font, l’océan du grand Neptune ».

Alors que la flèche thermodynamique coïncide avec la direction du temps, les formes de l’Univers recèlent des indices cachés sur la nature du temps. Est-ce la structure causale de l’espace-temps qui fournit une raison d'être aux lignes qui se croisent dans le ciel ? Ou la véritable forme de l’Univers n'est-elle révélée qu'une fois que son échelle s'est fondue dans l'œil intérieur ?

The inner eye (Google - Labs - Image FX)

L’Univers avance sur un chemin choisi parmi toutes les possibilités qui semblaient avoir été disponibles par ailleurs depuis l’état initial, sous l'influence d'attracteurs inconnus. Barbour voit ce chemin non seulement dépourvu d’échelle mais aussi séparé du temps lui-même. « Tout ce qui est essentiel est conservé ; tout ce qui ne l’est pas est éliminé. Cela inclut non seulement l’échelle mais aussi le temps ». La philosophe Mariam Thalos présente l'échelle dans son livre Without hierarchy: The Scale Freedom of the Universe comme une figure de l’ontologie réductionniste qui rappelle l'effondrement des cercles.

La cosmologie est une science historique qui ne connaît ni sa fin ni son début. Il est difficile d'imaginer un univers fini avec une géométrie fermée qui apparaît de nulle part.  L'idée principale est de trouver une structure mathématique sous-jacente de premier principe à partir de laquelle la fonction d'onde de l'Univers surgit. Alors que nous nous efforçons d'expliquer comment rien crée quelque chose, c' est remplacée par quelque chose qui s'apparente à un effet tunnel quantique.

La fonction d'onde de l'Univers représente une distribution de probabilité qui présuppose la condition nécessaire de notre existence. Si les probabilités sont un concept opérationnel, elles dévoilent des figures obscures et des modèles cachés qui attendent leur tour pour prendre un chemin particulier parmi tous les possibles. L'Univers tout entier est-il un miroir à alouette qui nous inspire à construire des châteaux sans fond sur les rivages sablonneux de nos rêves ?

Le miroir aux alouettes (Google- Labs- Image FX)

 

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