L'ordre du temps

Publié le par Ysia

L'ordre du temps

Il serait plus exact d'utiliser la métaphore du treillis plutôt que de l'arbre pour décrire le génome humain vu les innombrables croisements au fil du temps. Les similarités génétiques s’expliquent par les mélanges de population successifs. Les groupes génétiques de population sont eux-mêmes aujourd’hui les fruits du mélange de populations très différentes qui ont autrefois existé. Le livre de David Reich se lit comme un travail de détective pour mieux comprendre les détours et culs-de-sac par lesquels l’évolution des hominidés est passée. Son objectif est de retracer leur parcours, de retrouver les populations fantômes qui ont arpenté la Terre, c’est-à-dire celles qui pourraient expliquer le lien génétique entre divers groupes de population ancestraux séparés géographiquement. Chaînons manquants, trous noirs génétiques dont les restes en Afrique, en Asie ou en Europe donnent la preuve de la cohabitation et mélanges épisodiques. Ce qui est certain, en Afrique comme ailleurs, le modèle de l’arbre de l’évolution dans lequel les populations aujourd’hui seraient inchangées et séparées à chaque nouvelle branche est obsolète. En vérité, la vie a suivi des cycles de mélanges et de ruptures, ce qui laisse à s’interroger sur le devenir de l’humanité.

Il y a eu tant de mouvements migratoires et d’extinctions de populations qu’il est dans la plupart des cas difficile de réécrire les détails des faits démographiques anciens simplement à partir de l’ADN des populations actuelles. Le seul moyen à ce jour à notre disposition  est de comparer l’ADN ancienne de restes retrouvés avec celui des groupes de population qui sont demeurés plus isolés et séparés du reste des hommes, notamment les pygmées d’Afrique centrale, les chasseurs-cueilleurs San de la pointe sud de l’Afrique ou encore la population Hadza de Tanzanie. En Afrique, berceau de l’humanité, les séquences du génome offrent une diversité environ un tiers plus grande que dans le reste du monde non seulement au sein des populations africaines mais aussi entre elles.

Trois options ont déterminé l'évolution de l'espèce Homo : l'extinction, le déplacement et l'adaptation. Entre éruptions volcaniques et périodes glaciaires, la capacité d’adaptation face aux catastrophes naturelles et changements climatiques a été la cause fondamentale du devenir des hominidés.  Il y a 50 000 ans, quatre importantes tendances migratoires ont marqué l'histoire des premiers hommes modernes : le déplacement hors de l’Afrique et vers l’Eurasie, l’expansion des chasseurs-cueilleurs en Europe d’abord des aurignaciens puis des gravettiens, l’expansion magdalénienne et enfin la migration lors de la période chaude du Bölling/Alleröd.

Il y a plus de 50 000 ans, une population vivant dans la région septentrionale de l’ Eurasie était l'une des populations ancestrales primordiales. Une partie a migré vers l’est à travers la Sibérie et le détroit de Béring pour donner naissance à la population amérindienne, une autre vers l'ouest pour faire partie de la population dans le sud de l’Europe (p.79-80). C’est sur la base d’une reconstruction statistique que l’existence de populations fantômes est inférée. On sait ainsi que les Amérindiens descendent en fait du croisement de deux populations, l'une venant d’Asie de l’Est et l'autre de l’Ouest de l’Eurasie.

On sait encore que les habitants de l'Asie de l’Est sont plus proches génétiquement des anciens chasseurs-cueilleurs d’Europe que des ancêtres de la population européenne actuelle par le biais d’une population fantôme dite basale eurasienne qui a contribué au quart de la composition génétique ancestrale des populations de l’Europe et du Moyen-Orient.

C’est la sédentarisation des populations avec l’agriculture et la domestication du bétail il y a environ 11 000 - 12 000 ans qui ont favorisé une plus grande homogénéisation des populations. Et c’est d’une certaine façon un autre modèle d’homogénéisation qui prend place aujourd’hui avec les révolutions industrielle et de l’information.

Le passé a montré que la période actuelle n’est pas plus extraordinaire au regard des grands mouvements de fond qui se sont succédés.  Et dans un grand nombre de ces faits démographiques au cours de l'évolution, le leit-motiv est l’accouplement de deux catégories : les mâles jouissant du pouvoir social dans une population, les femelles dans une autre (ibid., p.231 et autres références notamment en Europe de l’Est, en Inde, en Colombie et aux Etats-Unis p.137).

L'ordre du temps

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Le temps des perceptions

Publié le par Ysia

La flèche du temps signifie implicitement la perception que nous avons du temps qui passe dans une seule direction. Stephen Asma cherche à définir en quoi consiste l’acte de perception à travers l’Histoire et les limites dans lesquelles il provoque les images mentales qui interviennent dans le processus de conscience et de réflexion. C’est dans ce contexte qu’il place sa discussion sur l’évolution de l’imagination.

L’imagination, dit Stephen Asma, est un système de simulations qui s’appuie sur la perception, les émotions et la mémoire dans le but de créer des moyens par lesquels les ressources extérieures et intérieures sont examinées avec la plus grande virtuosité. Dans les profondeurs du soi,  entité subjective globale, se manifeste la conscience individuelle  dans un flot créateur et éphémère que le modèle de Dietrich (2003) et sa théorie d’hypofrontalité transitoire paraissent supporter.

C’est au soi qu’il appartient de transposer la conscience dans la matière. L’acte d’observation par les sens initie l’intériorisation d’un mouvement  à travers le corps et dans le cerveau (The Evolution of Imagination, p.64). Ce que l’on nomme les neurones miroirs se présentent comme un outil de conversion dans l’apprentissage  de schémas visuels, un élément fondamental de la structure cognitive qui convertit une représentation par les sens  en une représentation motrice (ibid., p.67).  Entre perception sensible et abstraction rationnelle, il y a dans un temps intermédiaire les images mentales qui déterminent nos façons de penser, d’agir et de décider.

Avant le langage, l’ancêtre de l’homme moderne se servait de son corps pour communiquer. Les mouvements de ses mains ont laissé des traces sur le bois, la pierre et les parois des grottes. On pense qu’un support périssable comme le bois avait pendant longtemps été employé dans l’élaboration des sculptures de figurines jusqu’à ce que la pierre soit utilisée à cet effet il y a environ 30 000 ans.  Bien qu’il soit possible que  l’imagerie visuelle  et autres aspects de la culture  paléolithique supérieure aient connu une explosion du fait de l’apparition concomitante du langage, l’auteur estime que le langage a probablement suivi et non précédé la communication par l’image et c’est cet ordre de succession qui a subsisté dans le processus de conscience à travers l’évolution des espèces.  

L’un des thèmes principaux du livre repose sur l’idée que nos moyens d’expression corporelle sont beaucoup plus significatifs que nous voulons bien le reconnaître. Molly Joyce, une jeune compositrice et interprète a insisté hier lors de sa performance à la National Gallery of Art de Washington,  sur les dimensions physiques nouvelles de son imaginaire à la suite d’un grave accident. Elle a expliqué comment elle s’est appliquée à transformer sa propre infirmité « d’une imperfection statique fixe en un potentiel créatif fluide », du cadre social limitatif sur la normalité du corps à un imaginaire du corps qui se meut au-delà de la simple perception de sa physicalité.

Stephen Asma cite le psychologue Lawrence Barsalou qui affirme que les images mentales et artistiques sont une forme originelle de pensée. Si Nadia Chomyn, autiste et largement privée de la faculté du langage, montrait autant de talent artistique,  l’auteur convient que les auteurs des peintures des grottes ornées auraient aussi pu être dépourvus de la faculté du langage. C’est  le règne de la cognition dite chaude plutôt que l’avènement de la cognition dite froide, aspect relativement plus récent dans le développement  du cerveau, qui est à l’origine des premières représentations d’images tridimensionnelles ou pariétales de la période du paléolithique supérieur (ibid., p.69-70). 

Sur l’héritage d’une vie émotionnelle s’est lentement greffée la pensée moderne à mesure du développement du cerveau humain qui donna la preuve il y a 30 000 ans de sa capacité à conceptualiser (ibid., p.96).   L’imagination manœuvrée par le soi « autobiographique », ainsi nommé par Antonio Damasio, poursuit son évolution dans le temps.  

J’ajoute que la philosophie modelée par les penseurs successifs sous l’impulsion de leur imagination donne au long de son histoire la preuve de son lien avec la perception.

In Memory of Gela Nga-Mirraitja Fordham

In Memory of Gela Nga-Mirraitja Fordham

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Syncrétisme

Publié le par Ysia

Stone sinker

Stone sinker

Chaque pas me coûte et commence ma réflexion qui embûche mon élan et initie ma pause ponctuée d’interrogations sur ma raison d’être et sur le monde environnant... Au cœur du mystère de la conscience et de l'univers s'inscrit la pensée sivaïte. Si je devais reprendre le dialogue entre mon âme et le ciel, je commencerais par mentionner les articles d'Isabelle Ratié sur Utpaladeva, philosophe et poète, qui insistait sur le rôle de la mémoire - ce qu'Isabelle Ratié traduit par les « traces résiduelles » - dans le fonctionnement de la conscience.

La conscience porte la voix de l'imagination. C'est la raison pour laquelle, il me semble, Utpaladeva la reconnaît intrinsèquement libre. Les jeux associatifs auxquels s’adonne le poète, partisan du syncrétisme, le plongent dans un chaos qu’il cherche à débrouiller comme s’il voulait faire remonter la vérité du puits. Mais la timide vérité submergée dans les eaux souterraines a bien du mal à se hisser à la surface de la conscience. Chaque être est un puits dans l’eau duquel l’autre contemple sa propre réflexion.

Dans l’arbre de la connaissance, une nouvelle discipline se forme et se prolonge en deux ramifications,  l’une tournée vers la philosophie et  l’autre vers la science. La philosophie n’est pas morte. Sa raison d’être est de rendre les sciences intelligibles.

Ce que l’on nomme « inconscient » échappe à la conscience. Dire qu’il n’y a pas d’inconscient, c’est affirmer que ce qui nous échappe n’est pas hors de la conscience mais une part inaccessible de la conscience. 

On ne peut parler d'évolution de l'imagination sans faire référence à Daniel E. Lieberman (The Evolution of the Human Head,Harvard University Press, 2011) et reposer la question sur laquelle il s'était penché : Qu'est-ce qui a précédé? Si de l’avis du professeur de philosophie Stephen Asma, l’ancêtre Homo ne disposait que des prémices d’un second univers intérieur, une imagination rudimentaire que  la musique, la danse et le langage ont décuplé, peut-on imaginer que cette fluidité cognitive reste en mouvement et saura conquérir un jour les territoires inexplorés de l’inconscient ?

Dans quelle mesure notre expérience quotidienne est-elle influencée par les mécanismes psychiques inconscients ? Comment les impulsions inconscientes surgissent-elles dans la sphère de la conscience ? On peut parler de différents degrés de conscience. Il y a l’observant face à l’observé. S’en suit la réaction émotionnelle intérieure de l’observant et le message subjectif que l’objet de son observation suscite, reflet de sa sensibilité et de son activité cognitive,  qui le conduit à travers un dialogue intérieur à définir par l’image et/ou à dénommer par le langage. (L'esprit et le cerveau)

 

Bernardo Kastrup rappelle à juste titre qu’il faut savoir distinguer les différentes étapes de cognition. On appelle trop souvent « conscience  » ce qui en fait définit la métacognition et c’est cette part de la conscience qui semble échapper à notre contrôle.

La conscience, c’est l’interaction entre imaginaire et mémoire. Les émotions fondées sur les expériences passées nourrissent la conscience et les souvenirs sont le lien ténu entre ce qui a été et la réalité.

Qu’entend-on par « fabriquées » ? On entend par « fabriquées » le fait que le cerveau s’appuie sur les expériences passées pour construire une hypothèse ou procéder à une simulation. Les concepts formés à chaque étape de notre existence permettent au cerveau de donner un sens aux émotions et d’identifier les sensations. Ce travail de l’esprit se fait parfois à notre insu. (Ce dont les émotions sont faites)

La conscience, forme complexe de préhension, est multiple et pluridimensionnelle. Elle fonctionne comme une lame déferlante, un flot saccadé de pulsions instantanées. Le cerveau tel un récepteur d’émissions fait jaillir la conscience de l’inconscient endormi. (Union des Irréconciliables)

S’il faut déterminer l’ordre des étapes dans le processus de la conscience, la perception ouvre la voie. Cette reconnaissance par les sens qui déclenche l’acte de préhension par la conscience démarque une ligne invisible entre ce qui est réel et l'imaginaire.

Lorsque je dis que rien a de l'importance si ce n'est l'importance qu'on y attache, cela sous-entend justement que les seules choses que nous pouvons percevoir sont nos propres perceptions. Il n'y a pas d'univers sans perception. Ces perceptions insuflent un foisonnement d'informations que le cerveau dissèque, digère et restitue dans un langage individuel. (Mon empire de poussière)

La conscience intervient dans l’espace triangulaire du monde, de la chair et du diable. Le philosophe Alva Noë dans son livre intitulé Out of Our Heads affirme que la conscience n’est pas limitée dans la tête mais agit entre l’esprit et l’environnement physique.   D’un point de vue pratique, il faut la comprendre en tant qu’activité, comme, par exemple, dans l’expérience des couleurs. (l'Histoire inconsciente)

L'idéal vers lequel tend la conscience est de concentrer son attention à la fois sur l’objet extérieur et l’acte intérieur de réflexion. Mais y parvient-elle?

Mon corps fonctionne mécaniquement selon les lois de la nature. Je suis directement responsable des mouvements et actes de mon corps. Par conséquent, je contrôle les mouvements des atomes qui m'habitent. Où s'arrête la mécanique de nos gestes et actions, miroir des rouages de notre cerveau, et où commence la conscience? Sommes-nous de simples automates reproduisant les mêmes comportements et pensées face aux situations présentant de vagues similitudes avec le passé par le fait de réactions gravées dans notre ADN ou dans les premières années de notre enfance? La conscience n'est-elle qu'un dialogue à deux voix voire à voix multiples ?

Y-a-t-il unité de la conscience à savoir du phénomène sensoriel et et non sensoriel à l'intérieur de l'être? S'il s'agit d'un dialogue ou d'une discussion interne, il est à douter qu'une seule voix existe parce que temporelle et limitée aux circonstances physiques ou environnementales. Le dépositaire de la conscience est matériel et trouve sa source dans la biologie quantique.  La conscience n'est plus alors qu'un simple tuteur supervisant l'éducation de la substance vivante que nous sommes (Erwin Schrödinger, What is Life?, Mind and Matter, p.97). Entre Ontogénèse et phylogénèse, la conscience serait essentiellement «présente » lors de situations nouvelles ou de prises de conscience nouvelles et elle serait absente quand des niveaux de maîtrise ou de maturité sont atteints. (Qu'est-ce que la conscience?)

C’est le réseau par défaut qui est actif durant nos instants de rêverie, nos plongées mélancoliques, lorsque nous nous apitoyons sur nous-mêmes ou lorsque nous imaginons les dix mille scénarios du futur. Mais dès que nous reprenons une  activité qui demande notre attention à la différence des tâches machinales ou routinières, cette partie de notre cerveau est déactivée. (La taupe et le papillon)

Au carrefour de la science et de la philosophie, c'est vers la conscience cosmique que se dirige ma quête. L’être humain est une illusion du hasard dans l’évolution des espèces. Est-ce l’univers qui existe au sein  de la conscience ou la conscience qui existe au sein de l’univers ? Et les trous noirs de l'esprit de réverbérer les trous noirs de l'univers.

La conscience et le cosmos sont interdépendants. Ce sont des manifestations corrélatives...Certains chercheurs estiment que les effets quantiques peuvent être observés dans notre environnement quotidien et s'appliquer à l'univers macroscopique. D'une expérience à l'autre, il semble que notre conscience crée l'espace et le temps et non l'inverse. Sans la conscience, l'espace et le temps ne sont rien. Il n'y a pas deux mondes, à savoir le monde extérieur et le monde intérieur, mais un. La conclusion paraît quelque peu déroutante : La réalité des faits dépend de l'observation que nous en faisons dans le présent. Jusqu'à ce qu'ils aient été observés, ils n'ont pas vraiment eu lieu mais attendent d’être effectivement démontrés sur la base d’arguments observationnels. C'est ce que l'on appelle la causalité inversée…. (Mon empire de poussière)

Et de poursuivre le questionnement :

Faut-il accepter que la conscience soit fondamentalement individuelle, barricadée dans l’enceinte de son entité corporelle ? Ou faut-il se laisser à penser que sa nature est universelle ? Individuelle, elle agirait comme une lampe qui irradie sa lumière sur son milieu ambiant. Universelle, l’univers dans sa globalité en serait non pas le produit mais le réceptacle. Il semble, à notre raison et dans les limites de nos connaissances, que l’univers interdit son libre flot et que la conscience prise dans les filets de l’espace-temps, communique dans un langage incohérent, se faufilant, inaperçue des premières galaxies à travers les trous noirs jusqu'au sein d’une multitude de lieux, d'êtres et de communautés.

Et s'il y a une conscience collective qui s'engouffre dans tous les orifices, pourquoi est-ce que la conscience individuelle a le sentiment de son isolement ? Si la séparation entre consciences n'est qu'une apparence, comment la dépasser?

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La raison poétique

Publié le par Ysia

La créativité s’abreuve à la source de l’échange diffus entre corps, cœur et esprit. S’il n’y a pas d’inconscient, la créativité, elle, s’obstine à pousser la porte vers le néant. Elle tente un fragile travail de funambule entre l’humilité de la raison et  l’équilibre du corps et puise dans les abîmes du devenir. S’il n’y a pas d’inconscient, la conscience, quant à elle, s’interroge sur l’ampleur de son ignorance, sautant à pieds joints dans les brèches successives comme pour mieux  mettre à terre un ego tiraillé entre imaginaire et réalité.

La créativité est un état d’esprit qui se nourrit de lui-même et de son environnement. La créativité, c’est comprendre intuitivement les règles symboliques. C’est porter son attention en-dehors de soi sur l’inattendu, l’inconnu, le mystère. C'est se perdre soi-même pour que surgisse sa voix intérieure, cri desespérément humain.

Ysia

La conscience aux bords du précipice de l’inconscient se laisse à croire aux paroles d’Aristote, que le créateur, fût-il poète ou artiste, offre à bien des égards un regard plus philosophique et une vision plus universelle.  La division traditionnelle de l’esprit - la raison, l’imagination et la mémoire - s’est affublée aujourd’hui des oripeaux des sciences, des arts et de l’histoire. Fortes du regard que porte l’histoire sur le passé, les sciences dictent les normes et les limites du présent, engloutissant sous leur coupe, la philosophie déchue. S’il n’y a pas d’inconscient, le réseau complexe des trois domaines de l’apprentissage humain quadrille le cerveau. Le poète au contraire du philosophe ne lutte pas contre l’hégémonie des sciences. Entre épistémologie et  esthétique, il souffle un vent d’inconscience et instille un courant de liberté, transcendant règles et conventions.

L’imagination établit des connexions nouvelles enfouies dans les trous noirs de l’esprit, à l’horizon desquels la conscience guette leur éruption  et  les illumine. D’une nébuleuse perdue entre les synapses du cerveau, la compréhension naît. Mais s’il n’y a pas d’inconscient, d’où viennent les rêves ? Quel est ce film qui se déroule dans mon esprit endormi ?

L’inconscient est un mythe. Il n’y a pas non plus de Bouddha historique. La mesure du degré de désordre dans l’esprit du poète varie au gré des luttes internes entre l’angoisse existentielle et la soif de liberté. De l’imagination à la poésie et aux arts. De la mémoire à l’Histoire. De la raison à la philosophie. L’esprit à travers les âges a la capacité de tourner en rond,  de réinterpréter les concepts avec un langage réinventé, suivant les époques de l’Histoire et l’évolution des sociétés.  Suspendu aux lèvres de la science maîtresse comme à celles hier de la philosophie, le poète attend.

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Une brèche dans la digue des connaissances

Publié le par Ysia

La marche des idées procède d’une dialectique qui débute par une thèse, se poursuit par une antithèse pour finir par une synthèse, un processus que suit David Reich tout au long de son ouvrage Who we are and How we got here. Il étaye son raisonnement d’une profusion d’analyses et de recherches.

La connaissance est relative et dépend des informations disponibles sur le moment. Une analyse du point de vue de l’ADN mitochondriale n’offre pas la même vision de l’Histoire que du point de vue de l’ensemble du génome. L’ADN mitochondriale n’ouvre qu’une petite fenêtre sur la réalité de la lignée des ancêtres hominidés.

Les appellations comme dénisoviens ou néanderthaliens ne font pas l’unanimité. Certains auraient souhaité la création d’une nouvelle espèce homo pour l’hominidé de Denisova. D’autres débattent la question de savoir si le néanderthalien est un sous-goupe des Homo sapiens ou s’il fait partie de la famille élargie des hominidés de Denisova ou s’il représente une espèce distincte. Deux paramètres sont pris en compte pour parvenir à une décision : si les ancêtres ont réussi à procréer même s’il s’agit d’une progéniture hybride stérile ou peu fertile et si la forme des squelettes est identique. Par exemple, nous ne possédons pas  de données suffisantes sur l’hominidé de Denisova. Les dents que nous avons à notre disposition rappellent les énormes molaires des australopithèques, mangeurs de plantes, comme Lucy.

D’après les études réalisées sur une variété d’espèces à travers le royaume animal, on sait que la progéniture de deux populations séparées est affectée après une longue période donnée par une fertilité réduite. Ainsi il en a été des hybrides néanderthaliens et humains. Leur hybridation pose la question de savoir si elle s’est aussi produite entre d’autres humains archaïques. Il y a 200 mutations dans l’ADN mitochondriale qui séparent les néanderthaliens des hommes d’aujourd’hui et 400 mutations différentes d'avec les  dénisoviens. Vu le rythme auquel ces mutations se produisent, on estime que la séparation entre humains modernes et dénisoviens a eu lieu il y a 800 000 à un million d’années.

Une autre étude a révélé que soit les humains soit les chimpanzés dérivent d’une ancienne hybridation et qu’une longue période d’échanges génétiques a suivi la différentiation des populations humaines et chimpanzés à la différence de la séparation brutale il y a un à deux millions d’années entre chimpanzés et bonobos, résultat d’un changement climatique soudain qui forma le fleuve du Congo. Si Svante Pääbo a réussi à déceler moins de 4% de l’ADN du primate dans le génome néanderthalien, il est à près de 70% dans l’ADN du dénisovien.

Dénisoviens et néanderthaliens sont plus proches l’un de l’autre que de l’Homo sapiens au vu de l’ensemble de son génome et pas seulement de l’ADN mitochondriale. On estime la séparation entre, d’une part, leur ancêtre commun et, d’autre part, les Homo sapiens entre 770 000 et 550 000 ans alors que la séparation entre dénisoviens et néanderthaliens  aurait eu lieu entre 470 000 et 380 000, ce qui est, contre toute attente, proche de l’estimation basée sur l’ADN mitochondriale qui a déterminé que néanderthaliens et humains se seraient séparés entre 470 000 et 360 000 ans.

Une étude de l’ensemble du génome du dénisovien a permis de conclure qu’il était génétiquement plus proche des aborigènes de Nouvelle-Guinée que de toute autre population d’Eurasie, ce qui laisse suggérer que les ancêtres des néo-guinéens se sont mêlés aux dénisoviens. On se demande comment les anciens habitants de Sibérie et les ancêtres de l’île de la Nouvelle-Guinée se sont retrouvés pour procréer.

Cela me rappelle une autre étude mentionnée en 2015 dans un précédent article sur la traversée, il y a au moins 15 000 ans, de l'isthme de Béring par une population d'ancêtres lointains des hommes originaires d’Asie australe.

L’étude du génome des néo-guinéens confirme que cette part dénisovienne de l’ordre de 3 à 6%  est en moyenne plus récente que la part néanderthalienne de l’ordre de 2% soit entre 59 000 et 44 000 ans, ce qui constitue la part archaïque la plus importante chez un être humain aujourd’hui. C’est aux Philippines, en Australie et en Nouvelle-Guinée que se retrouvent les plus importantes empreintes génétiques de l’hominidé de Denisova notamment à l’est de la ligne de Huxley qui marque une coupure nette entre mammifères et marsupiaux, ligne géographique impénétrable qui a forcé l’isolement des populations ancestrales. Cependant ni les aborigènes des îles Andaman et de la péninsule malaise ni les morceaux de squelette trouvés près de Pékin dans la grotte de Tianyuan ne présentent le même héritage génétique. La part dénisovienne chez les asiatiques de l’est est entre 0.2 à 0.6. Par exemple, ce que l’on nomme les gènes tibétains de l’altitude sont l’héritage génétique transmis par les dénisoviens.

On estime que la séparation entre, d’une part, aborigènes néoguinéens et australiens et, d’autre part, hominidés sibériens de Denisova a eu lieu entre 400 000 et 280 000 ans, ce qui suggère la possibilité de plusieurs branches d’hominidés de Denisova, dont l’une aurait migré vers le nord. David Reich donne à l’autre branche le nom de «  australo-dénisovienne ».  Il faut rappeler là aussi un article publié en 2017 sur les conclusions d’une autre étude, selon lesquelles tous les aborigènes d’Australie descendent d’une population fondatrice unique arrivée lors d’une vague de migration unique il y a 50 000 ans. Le niveau des eaux était si bas que l’Australie et la Nouvelle-Guinée formaient un seul continent. Les humains ont migré d’Asie du Sud-est jusqu’à cette masse de terre continentale, certains s’installant dans ce qui est aujourd’hui la Nouvelle-Guinée et d’autres plus loin jusqu’en Australie.

Dans ce brouillard des origines, quelle place avait l’Eurasie dont l’Europe n’est qu’une péninsule ? Les populations ancestrales dénisoviennes, néanderthaliennes et les Homo sapiens y vivaient-ils ? Descendaient-ils des Homo erectus ? Dans ce scénario, certains s’en sont peut-être retournés en Afrique pour fonder l’humanité moderne…  La beauté d’un trou noir est qu’on se laisse à imaginer d’autres possibilités. L’Homo antecessor de Sima de los Hueros (Espagne) est un autre maillon de la chaîne, ancêtre des dénisoviens et des néanderthaliens. Johannes Krause a présenté une théorie selon laquelle une population d’ Homo sapiens a quitté l’Afrique il y a des centaines de milliers d’années pour se mêler aux  hominidés de Sima de los Hueros. L’hypothèse la plus plausible est que l’ancêtre des humains modernes, des néanderthaliens et des dénisoviens est l’Homo heidelbergensis considéré à la fois comme une espèce d’Afrique et d’Eurasie. L’Homo heidelbergensis est plus proche des néanderthaliens que des dénosivaniens d’après les analyses sur l’ADN mitochondriale mais pas selon l’analyse de l’ensemble de son génome.

Le trou noir, ainsi nommé par David Reich, que représente la période entre cinq millions et un million d’années est peuplé d’humains superarchaïques et d’ancêtres fantômes des Homo sapiens, dénisoviens et néanderthaliens.  

Publié dans Génétique

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Ronde spirituelle

Publié le par Ysia

Dans un monde de valeurs et d’antivaleurs, du conceptuel  à l’empirique, combien d’illusions pourchassées, combien de vanités piétinées sur la voie de l’authenticité !

Au centre de l’espace triangulaire du monde, de la chair et du diable, il ne s’agit pas de contrôler ses passions mais de les faire croître et mûrir. C’est de savoir que c’est l’émotion personnifiée qui monte et redescend l’échelle des êtres.

Au centre de l’espace triangulaire du monde, de la chair et du diable, il ne s’agit pas d’assoiffer l’ego intellectuel mais de le nourrir constamment, lentement pour qu’il s’abreuve à la connaissance du monde.

Au centre de l’espace triangulaire du monde, de la chair et du diable, l’âme recueillie sourd et grandit elle aussi, satisfaite de ce qu’elle est.

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La voix de la conscience

Publié le par Ysia

Le génome est une mosaïque de 46 tesselles appelées chromosomes: 23 du père, 23 de la mère. Les chromosomes sont eux-mêmes des mosaïques de tesselles plus petites. Le génome de chaque personne dérive de 47 fragments d’acide désoxyribonucléique (ADN) correspondant aux chromosomes transmis par la mère et le père et à l’ADN mitochondriale également transmise par la mère. Un ancêtre ne transmet pas automatiquement son ADN. Notamment sur 10 générations, on compte 1 024 ancêtres pour seulement 757 fragments d’ADN ancestrale.

Eve mitochondriale

Eve mitochondriale

S’agissant du matériel héréditaire de la génétique moléculaire des populations, un trou noir existe entre cinq millions et un million d’années que ne sauraient combler les informations limitées que nous a apportées Ève mitochondriale de 160 000 ans. David Reich, dans son livre paru cette année et intitulé Who we are and How we got here, décrit le génome comme une tapisserie dont chaque fil est un lien de filiation,  une séquence d’ADN du parent à l’enfant qui se déroule dans le temps jusqu’à un lointain passé.

On a constaté que la protéine produite par FOXP2 est demeurée quasiment  identique pendant plus de cent millions d’années qui séparent la souris et le chimpanzé. Pourtant trois mutations se sont produites dans la lignée des hominidés, dont l’une, absente chez les néanderthaliens, affecte quand et dans quelles cellules FOXP2 se convertit en protéine dans le cadre d'un processus évolutif plus rapide du gène.

FOXP2 est le gène créateur de notre voix, mais est-il responsable du comportement de l’homme moderne ? Est-il à l’origine de la voix de la conscience ? Pour David Reich, professeur de génétique à l'école de médecine de Havard, il n’y a pas de réponse à ces questions :

Bien que nous puissions dater le commencement de l’humanité moderne caractérisée par une cognition conceptuelle entre le paléolithique supérieur et Later Stone Age (LSA) , on estime d'une part que la version partagée du gène FOXP2, fondamental dans les balbutiements de la conscience, remonte à plus d’un million d’années et d'autre part que l’ADN mitochondriale et le chromosome Y pris ensemble donnent une datation pour l’ancêtre commun à moins de 320 000 ans.

Les néanderthaliens ont disparu il y a 39 000 ans. Contre toute attente, nous savons aujourd’hui que néanderthaliens et humains modernes ont coexisté plusieurs milliers d’années en Europe  et au Proche-Orient. L’analyse des données mitochondriales a montré que néanderthaliens et hommes modernes avaient un ancêtre commun maternel vieux de 470 000 à 360 000 ans, bien avant Ève mitochondriale. Ces données ont également indiqué que les néanderthaliens auraient contribué en moyenne individuellement 2% et jusqu’à 25% du génome de l’homme d'aujourd'hui d’origine non-africaine probablement il y a 54 000 à 49 000 ans, surtout parmi les Asiatiques de l'Est, ce qui démontre l'existence d'un point de fusion au Proche-Orient. A mesure que l’on procèdera à des études plus pousssées sur le génome humain, nous serons en mesure d’examiner les variations des traits cognitifs et comportementaux et de déterminer si ceux-ci sont le résultat de la sélection naturelle. Les changements génétiques répondaient-ils aux pressions non-génétiques imposées par l’environnement extérieur ?  Et qu’est-ce qui a précédé : les changements physiques biologiques ou les mutations génétiques ?

S'agissant de l'héritage néanderthalien, si l'on retrouve trace de ces lointains cousins dans les gènes qui se rapportent  à la couleur des cheveux et au teint de la peau ou qui ont permis aux populations eurasiatiques de s'adapter à leur environnement, il est systématiquement absent de certaines fonctions biologiques de l'humain moderne, à savoir les gènes relatifs à la fertilité, ce qui ne peut s'expliquer que par la sélection naturelle.

Ce sont les gènes associés à la biologie des kératines dont les Européens et les Asiatiques de l'Est ont hérité des néanderthaliens plus que tout autre groupe de gènes. Ils ont été préservés par le fait de la sélection naturelle car ces protéines sont essentielles aux cheveux et à la peau.

Publié dans Génétique

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L'univers et la conscience

Publié le par Ysia

Comment ne pas demander avec des mots sans demander l’indicible ?
...問。不問有言。不問無言。

La passe sans porte 無門關 (Ysia)

L’univers est une poésie et l'humanité, une forêt de cerveaux ambulants. Contempler la conscience et l’univers sans le fardeau conceptuel accumulé ni les présomptions amassées en chemin.

Le séquoia géant dont le plus ancien est le séquoia grizzli de 2 900 ans peut continuer de croître jusqu’à 3 200 ans et atteindre une hauteur de plus de 90 mètres mais il n’est pas aussi haut que le séquoia sempervirent qui borde la côte californienne jusqu’en Oregon.  Les ancêtres du sequoia sempervirent font partie des espèces d’arbres les plus anciennes de la planète. Des fossiles de leurs graines ont été découvertes en Europe et datent de plus de 200 millions d’années. Le séquoia sempervirent a survécu à une météore qui s’est écrasée dans la péninsule du Yucatán il y a 66 millions d’années, causant des tsunamis et exterminant des espèces entières comme le dinosaure.

Aujourd’hui ils sont tous deux menacés par le changement climatique et la pollution. La diminution du manteau neigeux du massif montagneux de la Sierra Nevada menace les eaux souterraines qui pourvoient en eau les séquoias géants. On a constaté que les séquoias sempervirents présentent, comme les êtres humains, une grande diversité génétique. Certains poussent plus vite que d’autres. Certains supportent la sécheresse mieux que d’autres. La population des séquoias sempervirents de la côte sud est génétiquement distincte de la population d’arbres au nord. Pour restaurer la diversité génétique des forêts, l’organisation Save the Redwoods  a lancé le Projet de séquençage de génome des séquoias sempervirents ainsi que des séquoias géants, qui devrait prendre cinq ans pour arriver à terme.

La structure du cerveau est unique à chaque être de par le tracé des sillons et arêtes dans la zone corticale,  le nombre de neurones dans les couches du cortex ou des régions sous-corticales, les connexions entre les neurones et la force de connectivité du réseau cérébral. L’être humain doté d’un réceptacle conceptuel unique est-il à même de maîtriser sa vie émotionnelle ?

Le cerveau contient un nombre astronomique de neurones, de l’ordre de cent milliards, connectés les uns aux autres par dix mille synapses.  Chaque signal neuroélectrique résulte d’un flux d’ions qui, en entrant et sortant des cellules, créent d’infimes ricochets qui se propagent indépendamment des neurones, A chaque signal,  un flot chimique minuscule stimule ou réprime les cellules du cerveau. 

 Comment une entité purement physique, intégrée conceptuellement et causalement dans le monde naturel, s’érige-t-elle en lien entre ce qui est et ce qui n’est pas ? Concepts, mots et émotions s’enchaînent les uns aux autres. Subsumées sous les concepts, les émotions portent des étiquettes. Si un mot dans une langue est intraduisible dans une autre, faut-il en conclure que l’émotion est absente ? Mais le mot n’est pas la chose. Chaque culture a son lot d’émotions sociales. Chaque être au sein d’une communauté  fait l’expérience de ses propres émotions. Une émotion s’apprend, se nourrit, se contrôle puis retourne dans un subconscient lourd d'expériences physiques et psychiques.

Chaque être humain construit l’environnement dans lequel il vit en vertu des données sensorielles que le cerveau aura sélectionnées à partir du monde physique. Ces « entrées » sont converties en concepts que le cerveau identifie et  classe en catégories. Le son, par exemple,  est une expérience construite par l’interaction entre le monde, le corps et le cerveau. Le corps perçoit le moindre changement dans la pression de l’air et le cerveau  lui donne un sens. Du changement dans la pression de l’air sont créés les sons et des longueurs d’onde de lumière sont créées les couleurs.

L’humeur faite d’émotions primaires - d’instincts et de pulsions -  sur lesquelles se greffent les émotions sociales, est tributaire du bien-être physique. Une étude a en effet montré que même les bactéries dans nos intestins ont un impact sur notre état émotionnel.

Publié dans Les deux infinis

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Ce dont les émotions sont faites

Publié le par Ysia

L’absence de preuves susceptibles d'établir de manière irréfutable la vérité sur le sens de la vie n’est pas la preuve que la vie n’a aucun sens.

« La vie a-t-elle un sens ?  » peut être posée à titre individuel ou collectif. Individuellement, cela revient à se demander si une forme de vie vaut plus qu’une autre. Est-ce que ma vie est plus précieuse que l’érythrone d’Amérique qui peut prendre sept années pour fleurir ? Cette question se rapporte à notre système de valeurs. Bien qu’elle soit valable, le problème  qui nous intéresse collectivement est le suivant : « la vie a-t-elle un sens d'une manière générale ? ». Au pied du mur de notre ignorance, il me semble que la vie n’a de sens que prise comme un tout, dans son évolution et dans l’infinité de ses formes.

Alors quelle place occupent nos émotions dans ce grand ordre des choses ?

Lisa Feldman Barrett expose dans son livre paru l’an dernier sa théorie des émotions fabriquées. Qu’entend-on par « fabriquées » ? On entend par « fabriquées » le fait que le cerveau s’appuie sur les expériences passées pour construire une hypothèse ou procéder à une simulation. Les concepts formés à chaque étape de notre existence permettent au cerveau de donner un sens aux émotions et d’identifier les sensations. Ce travail de l’esprit se fait parfois à notre insu.

 Quand on dit que la nature a horreur du vide, on parle aussi du cerveau qui a horreur du vide conceptuel, l’inconnu. Lisa Feldman Barrett réfute l’idée que la source d’un état émotionnel, comme la peur, puisse être exclusivement localisée dans le noyau pair de l’amygdale. Il y a diverses façons pour le cerveau de créer des émotions. Le but n’est pas de nier le rôle des noyaux amygdaliens mais de le placer dans un contexte plus large.  L’activité détectée dans cette région est observée également  lors d’états considérés comme non-émotionnels comme la  peine ou lorsqu’on reçoit de nouvelles informations, que l’on rencontre de nouvelles personnes ou lorsque l’on prend des décisions.  Le rôle des noyaux amygdaliens paraît nécessaire mais pas suffisant. Il faut parler de la combinaison  d’une série de neurones susceptibles de créer des épisodes émotionnels comme la peur.

Lisa Feldman Barrett va plus loin et affirme qu’il n’existe pas de corrélation unique et précise entre le ressenti et une région du cerveau en particulier. Quatre-vingt-six milliards de neurones forment de gigantesques réseaux dans lesquels un million de neurones parfois s’exercent  à chaque instant donné à l’activité intrinsèque cérébrale qui sous-tend le travail constant du cerveau. Le cerveau est l’architecte de l’expérience humaine à laquelle il tente à tout moment par une série de prédictions et de corrections de donner un sens.

Cela rappelle les conclusions de l’étude publiée en mars 2017 selon lesquelles ce sont les circuits sous-corticaux qui véhiculent les représentations non conscientes influant sur la formation d’émotions conscientes d'ordre supérieur comme la peur.

Lisa Feldman Barrett démontre qu’il ne faut pas confondre l’affect et les émotions. L’affect représente  l’humeur, la disposition générale d’un individu, un état élémentaire présentant deux caractéristiques. L’une repose sur le plaisir ou le déplaisir et s’appelle une valence positive ou négative. L’autre repose sur l’activation psychophysiologique. L’affect dépend de la conscience intéroceptive. Notre humeur est tributaire de notre environnement, du jour et de la nuit, de la pluie ou du soleil,  d’un verre de vin ou d’une tasse de café, d’un repas copieux ou d’une pâtisserie. C’est sur cet affect que se modulent les émotions ressenties ou plus précisément l’intensité ou la maîtrise de celles-ci. Ce que l'on ressent en soi change la perception des choses et cela explique, dans une certaine mesure, la différence de perception entre les êtres.

Tiraillé par chaque fibre de son être et traversé par les émotions qui empruntent des chemins multiples dans son cerveau en proie à l'angoisse ou l'arrogance existentielles, comment un animal dit rationnel peut-il se comporter ?

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Mars

Publié le par Ysia

Mais d’où vient le limon rouge sur la surface de Mars ?

Au moment où la première cellule apparaissait  il y  a quelque trois milliards huit cent millions d’années sur Terre, nous savons grâce à la sonde spatiale Curiosity rover qu’un lac remplissait le cratère Gale sur Mars. Il y a 4 milliards d’années, Vénus avait, elle aussi, un océan.  A la même période, les trois planètes voisines étaient donc potentiellement porteuses de vie.

Bien que les « canaux martiens » aient captivé l’imagination depuis la fin du XIXème siècle, les vingt photographies prises à un kilomètre de distance par la sonde spatiale Mariner 4 lors de son survol en 1965 ont permis de conclure que Mars était probablement une planète morte inhabitée.  

C’est la découverte à l’été 1996  de possibles traces biologiques sur une météorite martienne de plus de 3,5 milliards d’années qui provoqua un regain d’intérêt. La sonde Curiosity Rover lancée en 2011 a atterri en août 2012 dans le cratère Gale, pris cent photographies par jour,  parcouru 20 km depuis son atterrissage,  à raison de 200 mètres par jour martien, et commencé son ascension du mont Sharp haut de 5 km. Le robot détective nommé SAM est un laboratoire miniature qui analyse les roches et autres échantillons de poussière et de gaz dans l’atmosphère dans le but d’identifier les molécules et de déterminer les isotopes. La prochaine étape sera l’étude des couches d’argile propre à une meilleure conservation des fossiles.

L’histoire de la planète est écrite dans le sol et les roches dont la formation, la structure et la composition chimique nous apprennent davantage sur le climat et la géologie de Mars et tentent de répondre à la question essentielle de savoir si la vie microbienne y a jamais existé.

Non seulement l’eau coulait sur Mars il y a plus de 3,5 milliards d’années, mais la planète possédait aussi un champ magnétique et une couche d’atmosphère plus dense qu’aujourd’hui. Mars a effectivement perdu 85 à 95% de son atmosphère dans l’espace et continue de la perdre. Elle possède aussi des volcans , dont l’un est trois fois plus élevé que le mont Everest et des tempêtes de poussière rythment les saisons.

Recouverte d’une couche de poussière rouge, la terre est pourtant grise et présente différentes couches de sédiments. La NASA prépare une nouvelle mission Mars 2020 afin de poursuivre une exploration plus approfondie.

Publié dans Les deux infinis

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