Le mot n’est pas la chose

Publié le par Ysia

En dépit des deux découvertes majeures d'Abel daté de 3,5 millions d’années et de Toumai de 7 millions d’années, dont le paléontologue Michel Brunet est à l'origine, la genèse du genre humain est  obscure du fait de la dispersion des données et de la sporadicité des ossements fossiles dans le temps et l'espace. Il semble qu'il ait connu une première évolution dont la preuve constatée sont les fossiles humains découverts après les plus vieux outils de pierre à partir de 2,6 millions d’années. C'est au cours de ces trois millions d’années que nous sommes devenus humains par un processus ascendant - des pieds à la tête - car  c’est l’ancêtre doué de ses mains et debout qui a précédé le penseur. Les espèces sporadiques se sont tout autant succédées qu’elles ont cohabité de l'Afrique à l'Asie et l'Europe jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une, l'Homo sapiens.

 

 En rétrospective, il apparaît qu'un modèle mental s'est instauré et a évolué au gré de l'ingénuosité humaine, de cause à effet. Le genre humain se caractérise par une longue période de l’enfance qui s'est allongée dans le temps permettant l'apprentissage et l'enseignement des connaissances acquises au fil des générations. Depuis le moment où l'Homo a développé des instincts carnivores, ses outils oldowayens il y a 2,6 millions d'années ont servi à dépecer avant  l'adoption de techniques de fabrication plus sophistiquées, pierres de silex acheuléennes il y a 1,7 millions d'années. Premier omnivore diurne, l'Homo erectus a donné la preuve d'une incroyable endurance pour chasser et migrer vers l’Asie et l’Europe. De cause à effet... le cerveau en ébullition s'est emballé dans une fuite en avant fulgurante. C'est un apport de ressources energétiques nouvelles qui a alimenté l'évolution progressive du genre humain. Son ingénuité a créé les conditions nécessaires lui permettant d'extraire les ressources de son environnement et engager une nouvelle stratégie de vie. Deux détails sont à considérer:  un dimorphisme sexuel impressionnant, comme le montrent les expositions des musées d'histoire naturelle, a toutefois diminué avec le temps passant de 20% à 8% de l'Homo erectus à l'homme moderne tandis qu'un commencement d'expression orale a découlé des transformations avérées du larynx chez l'Homo erectus. Sur les circonstances qui ont entouré la naissance de ce qui constitue aujourd'hui l'outil essentiel de communication de l'homme moderne, à savoir le langage, il y a toutefois en désaccord (The Evolution of the Human Head, p.477-520).

 L'évolution du visage humain, aspect marquant de l'homme, a commencé il y a cinq cent millions d'années avec l'apparition des vertébrés et des traits distinctifs que sont les yeux, la bouche et le nez. Ce faciès, quartier général des sens, devint un peu plus expressif avec les figures poilues des mammifères, pourtant capables de quelques expressions faciales. Des mammifères aux primates, les visages nus montrent un plus grand éventail d'expressions avec six expressions faciales fondamentales et 20 expressions mineures pour l'être humain. Ce sont les multiples muscles faciaux qui donnent vie au visage. Peur, surprise, amour ou peine se lisent sur nos visages au point qu'il devient presque possible de deviner le caractère d'un être humain.
Trois hypothèses ont été retenues pour expliquer ce qui a été le moteur de cette évolution: une meilleure nutrition, le développement d'une ingéniosité nécessaire pour la recherche et la gestion des aliments et l'hypothèse du cerveau social que soutient Adam Wilkins dans le livre Making Faces :The Evolutionary Origins of the Human Face, Harvard University Press, 2017.

Chaque nouvelle découverte apporte son lot d’interrogations nouvelles..

Si la fabrication d’outils par les hominidés a commencé il y a 2,6 millions d’années, il a fallu longtemps pour maîtriser les facultés motrices et cognitives mises en cause et ainsi allier le geste à la pensée. Les premières industries soulignent un processus ayant pour aboutissement la création d’un produit fini et implique l’acte de volition. La volonté, voire velléités, est une manifestation primitive de l’être. Toutes les variations de l’organisme s’expliquent par l’usage et le non-usage, sous la pression de l'environnement, de ce potentiel biologique, moteur ou culturel, confirmant l’intention première de l’être préhistorique. La coordination entre le geste et la pensée implique la capacité innée d’emmagasiner l’information et de la reproduire dans un but utilitaire.

Le cerveau est une éponge qui s’imprègne du fluide de la connaissance. La conscience est sans cesse en évolution du néant à l’infini. Le facteur génétique explique l'architecture crano-faciale, en particulier deux gènes ont été identifiés comme essentiels dans la formation des traits du visage.

Mais c'est ce cerveau social qui m'intrigue davantage aujourd'hui.

Au cœur du paysage sonore aux allures de laboratoire scientifique, quatre paramètres successifs, à présent concomitants, ont marqué la vie sur terre depuis l'apparition des premières cellules à l'avènement  des civilisations: évolution, développement,  apprentissage, influence culturelle. La culture est un phénomène social qui dépend de la façon dont les humains se comportent et agissent les uns envers les autres (Human Head, Harvard University Press, 2011, p.2). Ces quatre caractéristiques découlent naturellement l'une de l'autre jusqu' à former aujourd'hui  un ensemble complexe interdépendant. La vie a pris origine il y a 3.8 milliards d'années environ, mais les circonstances précises qui ont conduit à l'apparition des premières formes de vie sont inconnues. Il est improbable qu'il y eut un commencement clairement défini car l'évolution passe par une kyrielle de boucles cycliques (ibid. p59). Comment un est devenu deux? Si une forme génétique élémentaire a commencé à se reproduire par la coopération et la persistance de ses éléments la composant, chaque changement dans la position des nuages de population correspond à une modification de la composition génétique des espèces. Plus l'espace occupé s'étend, plus les possibilités génétiques se multiplient sur deux échelles de grandeur, l'infiniment petit et l'infiniment grand, du fait de l'adaptation et de l'interaction des éléments qui y résident. Variation, persistance, renforcement, concurrence, coopération, richesse combinatoire et récurrence sont les sept clefs de la vie. Pourquoi parle-t-on de nuages de population? Les êtres tels des nuages flottants se sont dispersés sur la terre sous l'émission et la transformation de la lumière créatrice. C'est le temps qui régit notre vie passée et future. N'est-ce pas la date d'apparition des zébrures sur le corps de l'embryon qui décide de l'apparence du  zèbre ?

De petits groupes d’êtres humains aux regroupements en villages et villes,  en royaumes de plus en plus importants sous un chef puissant, un emblème, caractérisés d’un fétichisme latent. Des luttes entre individus aux combats entre communautés à la création par les vainqueurs de pays-nations.

Ce sont les interactions entre les êtres humains qui aiguisent et développent l'intelligence et par là même contribuent à l'accroissement de la taille du cerveau et à l'élargissement du front. Les yeux se sont rapprochés, le museau a cédé la place au vestige résiduel du nez et la mâchoire s'est rétrécie.D'un groupe au nombre restreint d'individus, une centaine peut-être, parti d'Afrique à la conquête du monde d'abord avec les espèces humaines plus anciennes puis avec les Homo Sapiens au village planétaire où les interactions entre les êtres se multiplient, s'accélèrent et s'intensifient, quel sera le devenir du visage humain?

Quelle est  la prochaine étape ? L’apparition d’un nouvel ordre mondial. La plus grande menace qui pèse sur le devenir de l’humanité est la concentration du savoir entre les mains de privilégiés et la confiscation des connaissances. Ce n’est pas la peur de la connaissance qu’il faut craindre mais la peur du néant dans lequel  les âmes perdues, dépouillées de certitudes plongent. La peur de reconnaître la fragilité de nos valeurs et l’incapacité de certains à accepter le doute. Le compas de la vérité, c’est l’humilité. Si la réalité n’est pas ce qu’elle est ? La question n’est pas « qu’est-ce que c’est » mais comment et pourquoi ces apparences trompeuses ? Par quels subterfuges sommes-nous rendus aveugles ? Quel est ce voile qui masque la réalité de l’existence ?  Ce voile réside dans l’inconscient, dans les neurones et les synapses du cerveau.

S'agissant de l'exploitation par l’être humain de ses capacités innées, l’article sur l’anthropologie psychoanalytique reconnaît la place de l’ouïe dans le cheminement de l’artiste de la préhistoire et comment le jeu des sons a favorisé son adaptation dans le milieu sombre des cavernes. De la pierre taillée à la pierre polie, l’artiste des cavernes fait penser à un animal cavernicole à l'aube de sa conquête du milieu épigé sur la route de son évolution biologique. Mais à l’opposé de cette faune soumise à une évolution régressive, l'homme évolue dans le sens de l’ouverture, preuve de la capacité d’expansion et de complexification de la nature humaine. Nonobstant les technologies et la culture dans laquelle baigne l'homme moderne depuis sa naissance, ne peut-on s'émerveiller de l'ingénuosité des artistes des cavernes peut-être égale, même si différente, à la nôtre ?

Pourtant depuis quelque 20 000 années (12 000 d'après The Evolution of the Human Head), le cerveau se rétrécit.Une thèse pour expliquer cette tendance amorcée est le fait que les hommes vivant en société font face à des circonstances beaucoup plus favorables que l'homme préhistorique, ce qui aurait provoqué la lente diminution de la taille du cerveau. Peut-être serons-nous un jour semblables à des sauropodes aux corps élancés surmontés de longs cous et de petites têtes.

Ce décroissement surprenant,  Richard Wrangham  l’explique autrement : elle est due à la diminution de l’agressivité chez homme.

 

On peut craindre cependant que la tendance se soit une fois de plus renversée depuis les temps coloniaux, selon Richard Jantz. Faut-il alors redouter avec elle, une recrudescence de l'agressivité humaine ? A suivre.

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Déhiscence et Transvaluation

Publié le par Ysia

Dans son ouvrage intitulé De la vérité dans les sciences, Aurélien Barrau nous invite à abandonner les analyses à l’emporte-pièce et la vision caricaturale des choses.

L’étantité (ou étance) des philosophes est-elle à rapprocher de l’ainsité bouddhique ? Cette étantité philosophique peut-elle répondre au gouffre béant où nous entraîne le règne de la philosophie du soupçon ? Qu’est-ce que le domaine de l’ontique ? Un brouillard obscurcit sa vision. Entre réalité et imagination, comment élaborer une voix universelle ?

Il me semble nécessaire de rappeler qu'il importe avant tout d'apprendre à penser, réfléchir et raisonner. C'est bien ce à quoi Benjamin Franklin s'était attelé avant l' âge de 16 ans avec la lecture de deux œuvres fondamentales : : L'essai sur l'entendement humain de John Locke et La logique ou l’art de penser d’Antoine Arnaud et Pierre Nicole (1662). Aurélien Barrau nous met très justement en garde contre la "contamination du savoir par le vouloir".

La science, c’est la capacité de prévoir, d’observer et d’expérimenter. Pourquoi n’est-elle pas le primat de la raison pratique? parce que les scientifiques sont les premiers à reconnaître que « La certitude, en science, n’existe pas ». Comment alors lui accorder au cœur de la société et en politique la place qu’elle mérite ? Si tout est toujours sujet au doute, comment assurer la prééminence des sciences dans une société ? Si « tout peut être remis en cause. Tout doit l’être. Rien n’est acquis. Rien n’est sacré. Rien n’est intouchable », alors comment engager le dialogue avec les sceptiques  et les anti-intellectualistes et combattre le déni de la science ? Les vérités ne sont-elles que

 

Entre une approche théologique du monde et la théorie de la vérité-correspondance à l’émergence d’une vérité logique et pragmatique, la vérité « fixe la ligne de délimitation entre le possible et l’interdit », entre la logique et ce qui définit l’essence de l’être et de l’humanité. Il me semble que l’ambigüité, l’inconfort dans lequel nous place le dilemme de la vérité réside dans la terminologie, dans le vocabulaire, dans la parole même. Le langage ajoute à la confusion. Faut-il insister sur le fait que la montée des eaux et les catastrophes naturelles peuvent porter atteinte à la sécurité nationale des états si certains refusent d'entendre parler de changements climatiques ?

La vérité est sujette aux croyances et aux présupposés. Ces mêmes croyances et présupposés aux formes temporelles qui reviennent inlassablement sur le devant de la scène. Ce sont ces vérités qui sont à l’origine de mondes multiples qui coexistent, se côtoient et parfois s’entrechoquent.

Toute révolution scientifique s’accompagne-t-elle immanquablement d’une redéfinition totale du réel ? (p.31) Imaginons l’effet papillon transposé dans un même corps dans lequel les interactions quantiques entraînent des réactions moléculaires qui, à leur tour, provoquent un mouvement physique. Imaginons alors la terre comme un corps physique unique dans lequel un battement d’ailes soulève l’ouragan. Et imaginons encore l’univers en tant que corps physique unique dont chaque galaxie suscite des réactions en chaîne.A la découverte d’une théorie de gravitation quantique...…. Le débat est ouvert (De la vérité dans les sciences, Aurélien Barrau, pp19-20).

La vérité et le vrai, faut-il les séparer ? Vérité ontologique et vérité logique. La science décrit logiquement le monde mais ne représente pas son en-soi, sa nature propre et véritable. Le problème est bien l’interprétation des faits, constamment remise en cause à chaque révolution. A travers différents prismes, la réalité est la réalité mais sa vision n’est pas la même. L’angle, le point de vue n’est pas le même.

Donc ce n’est pas que tout ce qui est vrai peut être réfuté, c’est que toute vérité est limitée par une autre qu’il reste à découvrir comme un puzzle dont chaque pièce représente une parcelle de vérité.

Publié dans Cheminement

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La révolution cognitive

Publié le par Ysia

Plus de 13 milliards d'années, lorsque la matière et l'énergie sont apparues, avaient-elles pour dessein l'homme d'aujourd'hui? Lorsque les atomes et les molécules sont apparus, avaient-ils pour finalité  les passions humaines? Il y a 4 milliards d'années quand la terre s'est formée et que sont nés les premiers organismes,  était-ce l'empreinte future de l'animal humain sans signification? Ce n'était pas seulement l'union de la matière et de l'énergie mais aussi la symbiose du temps et de l'espace.Déjà il y a 2 millions d'années, l'australopithèque partait à la conquête de l'Afrique du nord, de l'Europe et de l'Asie, qui devinrent le berceau d'espèces distinctes: l'Homo neanderthalensis en Europe, l'Homo erectus en Asie qui vécut 2 millions d'années, record que ne saura égaler l'Homo sapiens dont la disparition est prédite, selon Yuval Noah Harari, dans tout au plus mille ans. Des découvertes en Asie ont permis de dresser le portrait d'espèces aujourd'hui disparues: l'Homo soloensis et l'Homo floresiensis. Les vestiges d'un parent, l'Homo denisova, furent aussi retrouvés en Sibérie en 2010. D'autres espèces humaines continuèrent leur apparition en Afrique : l'Homo rudolfensis et l'Homo ergaster. Tous étaient des hominidés, parents de notre espèce, l' Homo sapiens, dans sa longue histoire évolutive. Il y a 150 000 ans, des êtres physiquement semblables à l'homme vivaient en Afrique de l'est et émigrèrent il y a 70 000 ans vers la péninsule arabique dans leur marche inexorable vers le continent eurasien pour enfin parvenir en Australie il y a 45 000 ans, se mêlant occasionnellement et remplaçant progressivement leurs prédécesseurs humains. La tolérance n'a jamais été le signe distinctif des Homo sapiens. La révolution cognitive s'est produite avec l'avènement de l'Homo sapiens il y a 70 000 ans. Il est à craindre qu'avec elle, la première campagne génocidaire de l'histoire de l'humanité fut lancée, emportant les autres espèces humaines.

Publié dans Génétique

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De la genèse au gène

Publié le par Ysia

Qu'est-ce que l'intervention divine? Faut-il la craindre ou l'appeler de ses voeux? Quand l'homme s'autodétruit, n'y a-t-il plus rien à attendre que la confrontation finale des forces en présence sachant pertinemment que le jugement dernier sera du côté des justes? Les hommes de Dieu furent les premiers à repenser l'histoire du code génétique et à tracer les cartes du monde, faut-il y voir,  à  défaut de la manne divine, l'inspiration divine, le divin étant d'essence spirituelle et non physique?

La sélection naturelle n'est pas à comprendre en termes de préservation mais en termes d'évolution constante. À chaque goulot d'étranglement se forme une variante mieux adaptée à la conjoncture du temps. L'évolution mène t-elle pour autant à la perfection? Y a-t-il une évolution spirituelle humaine ? Adaptation est évolution. Ce sont les opportunités offertes à chacun et les privilèges octroyés à quelques-uns qui créent les différences entre les êtres. Qu'on ne s'y méprenne : Darwin fut le premier à dénoncer l'eugénisme galtonien et à affirmer que le travail et le zèle font la différence entre les êtres encore faut-il qu'ils aient bénéficié des mêmes circonstances.
Comment le gène peut-il expliquer la forme et ses variations, l'évolution et le développement? Quelle somme d'informations contient-il pour lui permettre d'instruire la vie à l'infini? Les variations dépendent de l'environnement . À quelles variations devrons- nous nous attendre avec le changement climatique? À l'intersection de la génétique, de la sélection naturelle ou provoquée par l'homme et de l'évolution, sachant qu'un génotype est la composition génétique d'un organisme et qu'un phénotype représente les attributs et caractéristiques physiques ou biologiques de cet organisme, nous pouvons affirmer les fondements suivants : que le génotype détermine le phénotype, que le génotype et son environnement définit le phénotype, et que le phénotype est le produit non seulement du génotype et de son environnement mais aussi, dans le temps et par ses variations, il prouve être fortuit et la forme qui en résulte incertaine. Qu'est-ce que le facteur "chance" dans la bouche d'un scientifique? Y a t-il une fin en soi? Non, juste la résistance implacable, la réponse irréductible d'un organisme à son environnement. C'est ce qui anime l'évolution. Les variations génétiques sont un réservoir vital pour un organisme et, sans cette profonde diversité génétique, celui-là perdrait sa capacité à évoluer. Ces mutations ne se produisent que par réaction à un environnement particulier. C'est cela l'adaptation. L'isolation conduit à la mort du cygne...
La pauvreté, l'illettrisme, le manque d'hygiène et l'impérétie ne sont pas les preuves absurdes d'une intelligence inférieure mais reflètent l'inégalité des circonstances environnantes auxquelles une société donnée ou un groupe d'individus sont soumis et les marques d'un abus de pouvoir par ceux trop pressés de les dénoncer.

Peut-on décoder le code? Si le gène explique la transmission de l'hérédité, encore faut-il expliquer le développement de l'organisme et sa genèse et comment un organisme naît à partir d'une cellule unique. On s' étonne que certains gènes orchestrent la mort des cellules comme s'ils s'activaient pour réguler voire gouverner la mort qui s'abat en cascade sur les cellules. C'est cela l'apoptose. 

D'un phénomène abstrait transmis de générations en générations se dessine la traduction de l'information génétique.

 Les hommes modernes appelés Homo Sapiens "hommes savants" constituent un groupe jeune et homogène d'environ 200 000 ans comparativement aux prémices de la vie sur la terre qui remonterait selon une étude parue en 2015 à près de 4,1 milliards d'années, jeunesse d'une humanité en proie aux passions pérennes de l'âge de pierre.

Il reste à mieux comprendre les traces néandertaliennes dans l'ADN humaine et si ces gènes plus archaïques retiennent une fonction dans l'organisme de ceux qui en sont porteurs. Une étude de la lignée génétique des groupes de population dans le monde, dirigée en 2008 par Luigi Cavalli-Sforza, Marcus Feldman et Richard Myers de l'Université de Stanford a pu puiser dans la mémoire cellulaire  et conclure que les hommes modernes sont apparus exclusivement dans un espace relativement limité de la terre, dans la région sub-saharienne de l'Afrique et représentent les protagonistes de la première vague de migration des hommes modernes, les Homo Sapiens, il y a moins de 100 000 ans de l'Afrique vers le nord et l'est, au Moyen-Orient, à l'Europe, l'Asie et en Amérique. Ainsi l'homme arriva il y a 75 000 ans environ en Égypte et en Éthiopie puis descendit dans la péninsule yéménite dans son parcours vers l'Asie et l'Europe en plusieurs vagues à la rencontre il y a 60 000 ans des néanderthaliens. On reconnait aujourd'hui que la population la plus ancienne au monde sont les San de l'Afrique du Sud, de la Namibie et du Botswana et les pygmées Mbuti au fin fond de la forêt Ituri du Congo et la plus jeune constitue la dernière des vagues de migration en Amérique du Nord  il y a plus de 12 000 ans venant d'Europe en passant par la péninsule Seward en Alaska et par le détroit du Béring. L'histoire génétique de l'humanité est corroborée par les découvertes archéologiques et les structures linguistiques.

Qu'est-ce l'intelligence ? L'intelligence dans le monde moderne est considérée dans son opposition à la sensibilité. De quoi parle-t-on ? D'intelligense sociale ou affective, d'intelligence intellectuelle ou émotionnelle, d'intelligence mnémonique ou de perception visuospatiale. Le problème avec l'intelligence, c'est qu'on prétend qu'elle est une qualité biologique mesurable et héritable alors qu'elle est fortement déterminée par des priorités culturelles. Ce n'est pas un décodeur du gène. La société tend à présenter comme biologique des marqueurs qui ne sont que culturels. À la diversité biologique s'ajoute  la diversité culturelle qui  exacerbe les différences. Dans l'article du New York Times paru en 2014 du psychologue Jay Belsky sur le "gène de la résilience", suite à l'étude réalisée en Géorgie sur 600 familles noires américaines sous le nom de Strong African American Families project (SAAF), Belsky déclare que certains enfants sont pareils à des orchidées fragiles. Nés avec une sensibilité à fleur de peau, ils seront plus sensibles aux changements de leur environnement. D'autres pareils à du pissenlit sont moins sensibles à leur environnement.

Ce que la famine aux Pays-Bas en 1944 nous a appris est qu'un seul événement peut avoir des conséquences sur la santé de générations successives. La famine aux Pays-Bas a altéré l'expression des gènes comme si le corps était reprogrammé pour sa propre survie. La mémoire épigénétique est réelle mais limitée. Toutefois il faut se demander quel a été l'impact à long terme de l'esclavage sur les populations noires de l'Amérique et des Caraïbes ?Quel a été l'impact de la conquête brutale du nouveau continent sur les générations successives d'Amérindiens? Ainsi est la mémoire génétique, le souvenir ancré dans nos gènes de la souffrance de nos ancêtres. Un message environnemental s'est transformé en un message héritable.

Au fil du temps se renforce tristement l'impact de l'environnement sur la population en général et les individus en particulier. De la mémoire historique à la mémoire cellulaire.

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Alexander Von Humboldt

Publié le par Ysia

« I was forced into a thousand constraints... and into loneliness, hiding behind a wall of pretense... »

The invention of nature : Alexander Von Humboldt's new world

Alexander Von Humboldt a éprouvé une grande solitude sa vie durant. Il se sentait incompris et, dans le même temps, ne pouvait accepter l’ignorance et la bêtise humaine. Afin de cacher sa propre vulnérabilité, il avait construit une carapace d’ambition et de sagacité. Enfant, il était craint pour ses réparties tranchantes qui lui valaient le surnom de « petit esprit malin », une réputation qui le poursuivit toute sa vie... Il semble avoir été écartelé entre sa vanité et sa solitude, entre son désir de louanges et sa soif d’indépendance. Il basculait entre son besoin d’approbation et son sentiment de supériorité (p.15)… Il  passa de longues heures jour et nuit avec le seul ami intime qu'il n’ait jamais eu, furieux contre lui-même pour s'être laissé aller à nouer des liens si étroits, sachant pertinemment qu'il devrait un jour ou l'autre le quitter. Pendant deux ans, il se remémorait avec nostalgie les moments passés avec lui et s’épanchait dans des lettres espacées par de longs intervalles d'oubli. Un tel tempérament à la fois distant et sensible faisait qu'il demeurait insaisissable.

Il connut Goethe, le poète,  alors que celui-ci était plein de désillusions, vivait en ermite et pour lequel la seule chose qui le poussait à continuer était ses recherches scientifiques.

Il connut Thomas Jefferson qui déclarait ne pouvoir vivre sans livres et qu’il admira tout en dénonçant la question de l’esclavage fondée sur l’avarice humaine. Humboldt, quant à lui, n’aurait pas pu vivre sans mener des expériences scientifiques, notamment l'émission de chocs électriques sur lui-même ou sur des animaux. Friedrich Schiller, son contemporain, estimait qu’Alexandre Von Humboldt  n'aurait jamais pu rien accomplir parce qu’il touchait à trop de sujets à la fois. C’est ce qu’on n’hésiterait pas à lui reprocher aujourd’hui. Pourtant, la capacité de jongler entre différents sujets pour mieux prendre la mesure des choses est essentielle. Puiser son inspiration dans les arts et les sciences permet d’ouvrir des portes et de franchir des horizons insoupçonnés. Alexander Von Humboldt était peut-être l’un des derniers grands disciples de voyages polymathiques.

Humboldt était un fervent partisan de l’empirisme, qui est de croire que notre esprit, à la naissance, est pareil à une page vierge sans idées préconçues et que, tout au long de notre vie, nous amassons des informations fondées sur l’expérience et l’observation. L'homme  n'est pas au centre de l'univers ni même au centre de la nature.  Aristote avait tort et Humboldt, le père du mouvement écologiste, avait raison d’affirmer que la nature dans son ensemble n’a pas été créée pour le plaisir de l'homme. Il faudra qu’il prenne un jour conscience de ses devoirs à l’égard de l’environnement. Il est intéressant de noter qu'en 1669, déjà, le contrôleur général français des finances Jean-Baptiste Colbert interdisait aux villageois le droit d'exploiter les forêts et avait fait planter des arbres pour pourvoir à la construction future des navires tandis que Benjamin Franklin, craignant la disparition des forêts, inventa le chauffage par convection et conçut un foyer plus économe en combustible. Mais la conquête d'espaces vierges, comme l'Ouest américain, soulignait la pensée archaïque consistant à dompter le sauvage, dominer le chaos apparent de la nature et des êtres qui l'habitent, qu'ils soient humains, animaux ou végétaux. Ancienne dichotomie entre ordre et chaos, fondée sur notre peur instinctive de l'inconnu. C'est cette angoisse primitive qu'il aurait fallu et qu’il faudrait dompter. Comment renverser la tendance de milliers d'années durant lesquelles l'être humain ne voit de beauté que dans une nature cultivée c'est-à-dire civilisée ? Un gazon obstinément arrosé malgré la sécheresse, des plantes et arbres non indigènes plantés en hâte pour le regard ou par convenance sans considération pour les conséquences à plus ou moins long terme. N'est- il pas temps d'éduquer l'homme sur la façon dont les forces de la nature contribuent entre elles, des quatre coins du monde, dans l'espace et sous les mers et comment elles sont liées entre elles? C’est bien là le barbarisme de l'homme civilisé. Qui est le barbare? L'étranger ou Celui qui n'a aucun respect pour l'autre ?

La vie coule en ligne droite et puis s'arrête et tourne en rond à l'infini... Deux conceptions s'opposent: celle qui pose en préalable l'éducation en tant que fondement d'une société libre et heureuse et celle qui voit le danger d'éduquer le peuple de crainte qu'il se détache de ses devoirs de servitude. Faut-il vivre en retraite dans une humble solitude ou renoncer à sa liberté intellectuelle et à son génie et prendre sa place de courtisan dans la société peut-être dans l’abnégation de soi et pour le bénéfice de la communauté ?
De la révolution à la dictature impériale ou monarchique... Là est bien le cycle des choses et rien n'y change. Rien ne subsiste. Tout se transforme. La liberté des opprimés est bafouée par les forces réactionnaires qui se soulèvent sempiternellement. Tourner le dos à la politique des hommes et se consacrer entièrement et uniquement à la science et son art et à l'éducation pour aider les êtres à décupler le pouvoir de leur intellect.

Avec la connaissance vient la pensée et avec la pensée vient la puissance. Au crépuscule de la vie, les amis reviennent, les liens se renouent, la boucle est bouclée. La chance tournera et un départ vers de nouveaux horizons approchera. La vie, sous toutes ses formes, crée une toile de relations complexes entre les êtres vivants et inanimés.

Comment comprendre la nature? Il faut l'interpréter, comme l'ont fait Humboldt et Thoreau, dans son ensemble et à travers les liens et connexions de ses éléments, êtres vivants et êtres inanimés et ne pas conclure fatalement que les voies de l'Eternel sont impénétrables.

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De la nature des nombres et leur importance

Publié le par Ysia

 

Notre compréhension du monde passe par une numérisation des êtres et de l’espace environnant, qu’elle soit consciente ou inconsciente. La symbolique numérique est universelle de Pythagore à son contemporain Laozi. Tout est nombre!

 

道生一,

一生二,

二生三,

三生萬物。

Le Tao engendre Un.

Un engendre Deux.

Deux engendre Trois.

Trois engendre tous les êtres du monde"

(Lao-tseu, tao tö king, traduit du chinois par Liou Kia-Hway aux Editions Gallimard, 1967, section XLII,  p.118)

 

 

En tête de liste des questions laisssées sans réponse par la science, comme celles de définir ce qu’est la conscience ou encore comment la vie a commencé, se trouve celle de savoir pourquoi l’univers semble être régi par les mathématiques. Selon la théorie du Big Bang, la matière, l’énergie, l’espace et le temps furent créés au moment de l’explosion originelle. Presque soudainement, il semble que tout se déroula conformément à un dessein mathématique.

 

 

 

Mais ces lois mathématiques, d’où viennent-elles ? Quelle est l’origine des nombres et à quelles règles obéissent-ils ? Les disciples anciens du mathématicien grec Pythagore déclaraient que les nombres représentent le fondement de l’univers, que Dieu est un grand mathématicien et avant que « Dieu dit: Que la lumière soit! », il déclara : « Que les nombres soient ! »

Les savants évoquent la notion divine par métaphore. La plupart d’entre eux adhèrent de façon tacite à la philosophie de Platon qui proposait sans aucun fondement scientifique que les nombres et les lois mathématiques sont des idéaux éthérés qui existent au-delà de l’espace et du temps et hors de portée de l'entendement humain. 

Parce que tout le problème de la science est de donner une description de l’univers qui ne relève pas du surnaturel, l’incapacité à expliquer la déraisonnable efficacité des mathématiques, comme le souligne le physicien Eugène Wigner, constitue une énorme lacune dans la connaissance des hommes, sachant qu' une

 

«  théorie mathématique entièrement efficace est un formalisme doué de capacités prédictives, explicatives et génératives, autrement dit un langage permettant de décrire, d'expliquer et de maîtriser les phénomènes. ...nous voici confrontés de nouveau à notre question fondamentale : comment un ensemble de symboles abstraits, articulés par un jeu de règles précises, issu très souvent d'une activité purement intellectuelle, peut-il posséder de telles capacités d'adaptation au monde empirique, au monde des résultats expérimentaux ? … il convient aussi de saisir les dédales du processus historique qui, progressivement, tisse des liens bilatéraux étroits entre les mathématiques et les sciences naturelles ou humaines. La perception usuelle est affaire d'inné et d'acquis, la découverte du monde empirique par le biais des mathématiques significatives l'est également : elle procède d'une part, d'une capacité mentale, innée et conditionnée par l'évolution, qui permet à l'être humain de s'accrocher à des éléments de réalité empiriques, et, d'autre part, d'une capacité acquise par un long apprentissage historique, par une lente genèse qui, par infiltrations d'informations empiriques, coadapte les mathématiques à une description des champs phénoménaux. »

 

Faut-il penser comme Léopold Kronecker, un mathématicien du XIXe siècle, que les nombres entiers sont la création de Dieu et que tout le reste est l’invention de l’homme ou faut-il que nous nous accordions à dire avec Albert Einstein, que « la suite des nombres entiers est manifestement une invention de l’esprit humain, un outil qu’il s’est créé lui-même pour faciliter le classement de certaines expériences sensorielles » ?

Dans l’ouvrage intitulé The Number Sense: How the Mind Creates Mathematics (Oxford University Press, 1997), Stanislas Dehaene indique que les nombres entiers – les plus petits en tous les cas – sont solidement établis dans le système nerveux humain par un processus évolutif, ainsi en est-il aussi d’une propension élémentaire à compter et soustraire. Les mathématiques, selon lui, sont ancrées dans l’architecture de notre cerveau. Mais pas seulement le nôtre mais ceux d’autres espèces vivantes, faisant ainsi de cet instinct du nombre non pas un concept éthéré mais une création neurologique, résultant de la façon dont le cerveau, limité dans le temps et l’espace, analyse le monde à chaque étape de son évolution.

A l’Université de Californie à Berkeley, Dr Lakoff et Dr Nunez affirment que l’origine des mathématiques ne se trouve pas dans le cerveau mais dans le corps humain et l’univers physique. On préfère le système numérique fondé sur la base 10 parce que l’homme a dix doigts et dix orteils. Les populations primitives ont exploré les méandres du calcul en jouant avec leurs doigts, empilant roches et cailloux les uns sur les autres. Ils ont pris conscience des distances en faisant un pas après l’autre. L’invention de concepts plus abtraits a introduit des métaphores de base. L’invention des mathématiques a été l’occasion pour l’homme de créer d’autres métaphores dites de connexion.

 

Et c’est ainsi, étape après étape, que la babel des mathématiques, fruit de l’activité physique, a été créée.

 

*Useful Invention Or Absolute Truth: What Is Math?, New York Times, Georges Johnson, Feb.10th 1998, traduit, adapté et commenté par Ysia.

Pourtant tout en fait ne s’explique pas par les mathématiques sinon il serait tellement plus aisé d’expliquer la psychologie humaine, les marchés financiers ou de prévoir sur le long terme la météo… Les nombres président-ils à notre existence ou les avons-nous créé pour mieux interpréter l’univers. Un peu des deux…De deux choses l’une, soit il nous reste encore à découvrir d’autres règles mathématiques dans le domaine de la mécanique quantique ou dans d’autres plus abstrus et confirmer une fois de plus la prédominance des nombres, soit ce principe d’applicabilité est faux. De là la raisonnable inefficacité des mathématiques

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La boucle est bouclée

Publié le par Ysia

Je me reconnais dans les anciens coureurs de bois foncièrement indépendants et en rébellion contre l'autorité et vois le monde à travers le regard de l’artiste.

A quoi ressemble l’Europe du XVIème siècle? Une Europe ravagée par la guerre menée par l’empire espagnol contre l’Europe protestante qui fuit en masse vers l’Amérique, et financée grâce aux immenses richesses dépouillées par la force  et ramenées de cette même Amérique (pp.26-27, Colin Woodard, American Nations, 2011). Toute cette ambition pour en arriver à quoi ? Au déclin inexorable de l’empire espagnol.

 

Ainsi commence la conquête de l’Amérique. Mais qu’est-ce que l’Amérique ? El Norte, un territoire espagnol où les indiens étaient asservis au nom de l'église, la Nouvelle France au Nord et au Sud avec la Nouvelle-Orléans où le rêve de Champlain concrétise un vivre ensemble entre Amérindiens et Français, la côte dite Tidewater semi-féodale des ancêtres de George Washington, George Mason et Robert Lee souhaitant reproduire l’Angleterre de l’aristocratie normande,  le pays des Yankees dit Yankeedom,  utopie religieuse, théocratie protestante des puritains, le centre dit Midlands des pèlerins et des quakers, la vaste région dite des Appalaches, violente et pauvre des rebelles écossais et irlandais partisans de se faire justice eux-mêmes, le Sud de la société esclavagiste de la Barbade  qui s’implante progressivement depuis Charleston en Caroline du Sud….

 

 De la pauvreté britannique à la pauvreté américaine. Est-ce cette extrême misère, transplantée en Amérique, qui se retourne contre ses précédents souverains et alimente les rangs de l'armée continentale dans les années 1770? Tout au long de l'histoire se déversent dans la presse et autres moyens de communication les mêmes craintes face aux nouvelles vagues d'immigration. C'est une nation britannique ravagée par des guerres successives qui nourrit le flot migratoire tout comme les guerres sur le continent africain ou au Moyen-Orient exacerbent les flux migratoires aujourd’hui. L'histoire des États-Unis révèle la rivalité de deux idéaux: la liberté individuelle contre la cohésion sociale. C’est dans ce contexte que, pour la première fois,  sont adoptées les premières lois contre l'immigration sous la présidence de John Adams.

 

La  défaite de la France provoque la déportation des Acadiens tandis que la guerre d'indépendance et la guerre anglo-américaine de 1812 causent la migration vers le nord des populations éprises de paix du Yankeedom et du centre dit Midlands (quakers et autres communautés). Le Vermont est déjà alors le champion des droits des esclaves et l'ennemi des spéculateurs new-yorkais (p.157, ibid.)

 

Alors commence la conquête de l'Ouest menée simultanément par les principaux protagonistes, à savoir les populations du nord-est Yankeedom aux idéaux puritains, du centre Midlands de culture allemande et porteur d'une tolérance héritière de William Penn, de la tranche belligérante appalachienne qui affirme l'hégémonie déclarée d'une ethnie sur les autres, renforcée par la culture esclavagiste du Sud et concrétisée dans la personne d'Andrew Jackson et autres extrémistes. Cependant Yankees et Appalachiens cohabitent notamment dans le nord-ouest comme en témoignent les villes yankees et les campagnes appalachiennes de l'Oregon. Contre toute attente, une nouvelle forme de pensée apparaît dans le mélange de culture sur la côte ouest, à la fois idéaliste et individualiste.

 

La guerre civile n'a pas changé les mentalités. Les guerres traversées laissent un goût amer d'autant si elles ne sont pas suivies d'un réel et profond effort de reconstruction sociale et économique. Les disparités économiques entre régions ont toujours existé. Elles n'ont jamais disparu et se sont perpétuées au gré des politiques inhabiles et malavisées et des idéologies destructrices. Une fois la guerre de sécession terminée, de nouvelles formes de résistance intolérante ont véhiculé un message raciste et antiscientifique par le biais des instruments de communication au fil des ans : des cercles fondamentalistes aux universités conservatrices, des stations de radio aux chaînes de télévision, des journaux aux sites web et réseaux sociaux. Comment aider ceux qui refusent de s’aider eux-mêmes, ceux-là même qui refusent les réformes sociales, trouvent une justification dans la religion à l’esclavage ou au tribalisme et dénoncent comme contraires à la volonté divine, aujourd’hui comme hier,  la laïcité, le féminisme, l’écologie et les découvertes de la science moderne?

 

Trente-six millions d'immigrants sont arrivés entre 1830 et 1924 (66 millions entre 1790 et 2000). En épousant les coutumes locales, ce sont les différences préexistantes entre régions qui se sont accentuées. L'immigration s’est limitée essentiellement aux trois régions de la Nouvelle-Hollande, du Midlands et de Yankeedom. La multiethnicité et le multiculturalisme n’ont jamais été que la caractéristique  de ces régions mais pas des autres. Quant à l'Ouest américain, ces peuples de culture ou ethnie différente arrivèrent à peu près en même temps. Mais si l'éducation est le fer de lance des Yankees, dans le sud on a découragé l'éducation mixte des populations noire et blanche et, en Californie, les Japonais n'étaient pas autorisés à s'instruire à l'école jusqu'en 1907.

 

Un cycle historique se termine là où il a commencé: la majorité des immigrants de souche mexicaine s'implante dans la région El Norte qui fut à l'origine espagnole. 

 

Pourquoi le même destin n'a-t-il pas échu au Canada?  Peut-on imaginer une Amérique différente ? De l’avis de Colin Woodard, son histoire et son présent sont plus complexes. Il y a l’Amérique respectueuse et tolérante, il y a l’autre et celle qui oscille entre les deux.

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Le sort de l'humanité

Publié le par Ysia

Pourquoi parle-t-on d'une croissance économique décevante depuis 1970? Parce qu'elle se cantonne selon Robert Gordon, auteur de l'ouvrage monumental intitulé The Rise and Fall of American Growth (Princeton 2016), dans la sphère limitée des communications, du divertissement et des technologies de l'information. Il est vrai que le progrès observable par l’homme contemporain, s'agissant de l'alimentation, des vêtements, du logement, des transports, de la santé notamment, est depuis 1970 relativement lent en termes qualitatif et quantitatif. Faut-il qualifier d’unique la contribution de la période entre 1870 et 1970 à la croissance économique qui a rompu singulièrement avec la lente progression des cent mille premières années de l'humanité? S’il faut juger de l’importance d’une invention sur l’impact réel dans la vie quotidienne alors ni l’invention du feu, ni la révolution agraire ni la révolution industrielle des siècles précédents ne saurait égaler, de par leur occurrence isolée dans l’histoire de l’humanité, la cadence accélérée des grandes inventions de la période donnée.

Faut-il craindre la stagnation de l'humanité durant les prochaines décennies voire siècles, ne considérer la période de 1870 à 1970 que comme un soubresaut dans l'évolution humaine, une anomalie et prédire le déclin inéluctable de l’humanité dans un divertissement virtuel sans fin, un cycle infernal de passions numériques?

Ce que je crois, c' est que dans ce débridement du réseau informatique se trouve un nouveau siècle des lumières, un éveil au monde et aux autres, la gestation des grandes inventions futures, une tout autre forme d'énergie qui pourrait révolutionner le monde. Mais il est trop tôt pour le dire. Le présent recèle les germes d’un bouleversement futur.

 S’agissant des aspects positifs de la culture Web, ne sous-estimons pas le pouvoir de l’Internet dans le domaine de la diffusion de la connaissance des sciences, de la philosophie et des libertés. Toutes les idées ne sont pas bonnes à prendre, certaines sont même fallacieuses. Mais rien n’est parfait dans ce monde. Même les glorieuses inventions ont progressivement apporté leur lot d’inconvénients, notamment le transport routier, ses conséquences dramatiques sur l’environnement et le nombre élevé des accidents de la route.

L'information en nuage est-elle une conscience collective, un niveau supérieur de l’humanité?

Le ton pessimiste de Robert Gordon peut aussi être interprété comme une sonnette d'alarme, un rappel du but fondamental d'une grande invention future qui serait d'améliorer l'existence quotidienne, de protéger l'environnement naturel et d'élever le discours des êtres.

Comment est-ce possible qu’au cœur de l’abondance persiste la misère de plus de 50 millions de personnes vivant dans des foyers en situation d’insécurité alimentaire, en particulier les ménages dirigés par des femmes dans le Sud des États-Unis et les centres urbains des grandes métropoles ? Et comment se fait-il qu’une relation confirmée dans les chiffres existe entre pauvreté et obésité ?  Et comment ne pas souligner l’impact de la pauvreté sur l’espérance de vie? Alors qu’en Europe, un système de protection sociale était déjà mis en place sous Bismarck dans les années 1880, comment expliquer que l’Amérique possède encore aujourd’hui le système de protection sociale le plus cher et le niveau d’espérance de vie le plus bas des pays les plus riches ?

A la recherche de mondes multiples ou parallèles? Utopie!

Il  est  remarquable de noter que l'espérance de vie ne s'était guère améliorée avant 1870 voire 1890.  Même les femmes avaient vu leur espérance de vie se dégrader en l'espace d'un siècle. Comment expliquer un tel bond en avant? Il semble que de nombreux facteurs y ont contribué : les progrès de la médecine, une meilleure nutrition, l'hygiène sanitaire, l'aménagement des eaux, les réglementations nouvelles concernant l'approvisionnement en alimentation et les services de santé, l’amélioration des conditions de travail et la diminution de la violence.  Même  les moustiquaires inventées dans les années 1870 y ont été pour quelque chose. Cependant l’embellie n'était pas générale mais dépendait des conjonctures sociales et des circonstances locales, notamment dans le sud des États-Unis.

Il  faut souligner cependant que même si la mortalité due aux maladies infectieuses est passée de 37 % à 2% de 1900 à 2009, dans le même temps, la mortalité due aux trois maladies chroniques (cancer, infarctus, maladies cardiaques) est passée de 7%  à 60%.

Les hôpitaux n’étaient pas subventionnés par le gouvernement ni ne faisaient payer les pauvres mais étaient financés grâce à de riches philanthropes et aux associations religieuses ou ethniques. En 1926, seulement 28%  des hôpitaux étaient la propriété du gouvernement fédéral ou local. Qu'est-ce qui accélère le coût de la vie? Trouve-t-on encore des docteurs qui offrent gracieusement leurs services aux pauvres ? On déplore depuis lors le coût des écoles médicales, le monopole de la collation des grades et des titres universitaires, comme celui du doctorat de médecine,  la hausse constante du coût des soins hospitaliers, des équipements de plus en plus onéreux et des spécialistes aux tarifs toujours plus exorbitants. Combien restent-ils de dispensaires et de cliniques gratuites pour les pauvres ? Combien inadéquate demeure l'assurance-maladie ? Aujourd'hui tout comme hier on évite de voir le docteur pour ne pas payer de frais médicaux. Quel est le nombre de personnes qui meurent faute de moyens ou qui se sont vu refuser des soins? 35 000 à 45 000 Américains entre 18 et 64 ans meurent chaque année parce qu'ils n'ont pas d'assurance-maladie, selon l'Université Northwest qui cite une étude parue en 2009.

 

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La vérité sur l’adaptation humaine

Publié le par Ysia

L’histoire de l’humanité regorge d’exemples, de situations ou de faits auxquels des peuples ou des hommes ont cru, dur comme fer, mais qui se sont avérés faux et qui, pour nous contemporains, auraient dû paraître erronés même alors. Les hommes ont souvent persisté dans des actes ou actions qu’ils ont cru viser l’effet escompté en dépit que, comme la science nous permet de le comprendre aujourd’hui, ces actes ou actions auraient inévitablement échoué. (Oliver Morton, The planet remade, p.130). Malheureusement, comme il est souvent le cas, une victime majeure des jeux politiques habituels est l’effort indispensable pour permettre à une population de s’adapter aux défis inexorables de la mondialisation ou, dans ce cas particulier, des changements climatiques. L’adaptation a de grands avantages sur les réductions des émissions de gaz de serre (connues dans les cercles politiques pour n’être que des mesures d’atténuation) dans la mesure où de nombreuses sociétés dans le monde ne sont pas particulièrement bien adaptées aux conditions climatiques actuelles. Les préparer à leur éventuelle aggravation future pourrait en fait être effectivement bénéfique ici et maintenant. (ibid., p.146). Cette obstination à refuser toute idée d’adaptation et la question des moyens financiers nécessaires à la préparation sur une grande échelle de certains pays en développement ont gravement affaibli la capacité de la communauté mondiale à s’attaquer aux changements climatiques.

Comment briser le cercle de la pauvreté? Le taux de réussite au baccalauréat n'a jamais été aussi haut en France alors qu'aux États-Unis, que faire des quelque 25% de jeunes qui ne finissent pas l'école secondaire, un nombre qui stagne depuis 1970? Alors que les États-Unis étaient les premiers autrefois s’agissant de la réussite universitaire, aujourd'hui ils ne sont plus qu'à la 15e place tandis que le prix des études universitaires ne cesse de grimper et est dix fois plus élevé qu'en 1950. Depuis trente ans, plus de femmes que d'hommes terminent leurs études universitaires. La femme américaine de moins de 30 ans gagne plus qu’un homme de la même tranche d’âge (à l'exception des trois plus grandes villes américaines). Depuis la récente récession, seulement une femme pour trois hommes a perdu en moyenne son emploi. Mais en dépit du plus grand nombre de femmes dans le monde du travail, la tendance s’est renversée depuis 2000 et l'écart des salaires entre Blancs et Noirs stagne depuis les années 1990 (Robert Gordon, The Rise and Fall of the American Growth).

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Psychologie environnementale

Publié le par Ysia

Est-ce que c’est vrai ce que l’on dit que la moitié du monde ne sait comment l'autre vit ? Rabelais l’écrivait  il y a cinq cents ans. La phrase fut reprise par Jacob Riis pour dénoncer de manière emphatique la triste condition de vie des immigrants européens arrivés à New York à la fin du XIXème siècle. Mais c’est une expression, pas  une exacte mesure des choses,  qu'il a utilisée pour dépeindre la situation des quartiers pauvres du sud de Manhattan en ajoutant que si la moitié du monde ne sait comment l'autre vit, c'est parce que ça lui est égal.

De Jacob Riis à Bob Adelman et JR, on a montré génération après génération l’autre face du monde, celle des ghettos, des favellas, des zones de bidonvilles. Jacob Riis n'était pas un économiste, mais il a eu la clairvoyance de souligner l'impact de l'environnement physique et social, familial et culturel sur les membres d'une population.

Il est clair, à la lecture du livre de Robert Gordon, que les conditions historiques et environnementales d'un pays ou d'une région donnée ont un impact certain sur l'évolution économique dans le temps.

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