Le dialogue tourne en rond

Publié le par Catherine Toulsaly

Comme si un principe universel régissait le continuum espace-temps, les muons circulent, les électrons tournent et les anneaux et disques de nuages ​​moléculaires montrent une orientation préférentielle dans leur mouvement rotatif. Tout tourne en rond de l’infiniment petit à l’exponentiellement grand. Le poète se demande : vont-ils dans le sens de aiguilles d'une montre ou dans le sens contraire ?

J’essaie de sortir du néant. Je sens son ombre entre les lignes du livre de Gilles Deleuze qui évoque le vide du temps pur et ajoute que le temps, tel que nous le vivons, n’est pas défini par un ordre formel vide mais par un tout et une série. Le temps implique un ordre temporel de situations spatiales. Il invite au mouvement. Avec l’espace et la force de gravitation, le temps dessine flux et boucles dans la toile universelle. Il provoque la mutation des unités de masse et de longueur. Inversement, sans mouvement, le temps retourne au néant. C'est une coquille vide qui se remplit de boucles de temporalités accrochées à ce qui est perçu comme un fil central et linéaire. Certaines boucles sont similaires ; d'autres, différentes, toutes moulées dans la structure de l'espace-temps. Les planètes, comètes et  étoiles parcourent un voyage de milliards d'années sur une échelle de temps différente de la nôtre. Dans l'apparente répétition de faits successifs, notre mémoire commune perd son expression collective.

E. O. Wilson avait décrit la membrane d’organismes enroulée autour de la Terre par le biais de la force de gravité et à laquelle nous, l’espèce humaine, appartenons. Elle est « si fine », avait-il commenté, qu’elle se distingue à  peine d'une navette spatiale, et pourtant elle est si complexe intérieurement. De même, si rien n’est ou n'a été visible pour les observateurs passés et présents, des cellules individuelles de micro-organismes se développent et se reproduisent néanmoins, ou du moins sont « dormantes et en attente » quelque part dans l’Univers.

Au-delà de l'aspect physique de la vie à base de carbone, il y a une expression vivante dans la cinématique et les processus dynamiques des groupes d’étoiles. Leur mouvements à des vitesses spatiales similaires et liés par la force de gravitation créent écarts et répétitions.

Un champ caméléon se fond dans le néant. C’est le théâtre d’un échange entre la matière noire et la matière ordinaire nourri par une cinquième force à longue portée entre les objects. La résonance entre les boucles,  réseaux de lignes et cercles qui se croisent et se coupent définit l’espace en tant que structure relationnelle et non pas une entité en soi. Ma tête tourne lorsque je tente de visualiser tout ça: une rotation de spin de muon, les réseaux de spin de Penrose et la Terre qui tourne sur elle-même. Je ne vois que des axes zigzagant dans l’espace.

Les réseaux de spin de Penrose sont les premiers ensembles de séries temporelles et spatiales dans un processus d’actualisation. Du spin des particules aux axes de rotation des larges objets individuels et composites de l'espace, la géométrie n'est pas seulement une relation entre des lignes mais aussi une relation de mouvements autour et entre les axes. La précession de spin nous rappelle des phénomènes similaires observés parmi les systèmes macroscopiques.

La précession définit l’oscillation d’un objet autour d’un axe comme la Terre dans un cycle de 26 000 ans mais aussi le mouvement anormal du muon dont la mesure a été corroborée par les résultats de l’expérience Muon g-2 du Fermilab. Nous espérons découvrir, grâce à une expérience au Japan Proton Accelerator Research Complex, qui devrait débuter en 2025, la mesure dans laquelle le moment magnétique du muon est anormal. Au niveau quantique, la précession d’un muon est un indice pour comprendre le temps qu’il lui faut pour traverser une barrière entre le néant et l’être. En présence du champ magnétique, un muon se trouve au sein d’un nuage de particules qui apparaissent et disparaissent à mesure qu’il émet et absorbe des photons, ce qui modifie, quoique minimalement, son moment magnétique.

Les axes d’origine et de précession créent un Univers enchevêtré et pointent vers des objets à  des distances encore plus lointaines. Tandis que nous formons une image mentale des particules virtuelles dans le nuage de muons et des lignes imaginaires traversant des objets individuels, nous nous demandons jusqu’où notre conscience peut s’étendre et les limites spatiotemporelles de sa portée. Tissé dans le temps, une communication est ouverte entre les séries nombreuses et variées des phénomènes universels de résonance. Glissant entre les doigts jusqu'aux confins des galaxies, il y a un je ne sais quoi qui fait écho intérieurement.

Il semblerait si facile de ne voir qu'une chaîne répétitive dans le passé, le présent et l'avenir, dans la façon dont les choses se déroulent et se ressemblent. Mais un tel retour éternel, dans le processus de spatialisation du temps, ne ramène ni la condition spécifique ni l’agent. Au contraire, il les expulse, selon Deleuze, hors de l’espace vers ce que je ne peux pas encore voir, assurant ainsi l’autonomie et l’indépendance des objects individuels qui en résultent et ne permettant à rien de subsister par défaut ou de devenir le même.

Le temps affirme l’individualité. Entre rien et tout, les structures se dispersent et se multiplient. Les objets deviennent plus flous comme s’ils étaient dissimulés dans le champ caméléon du temps et de nouveaux prennent forme. L'entrée d'Oumuamua dans notre champ de vision toujours plus grand nous fait nous demander à quoi pourrait ressembler sa trajectoire hyperbolique. Son chemin le ramènera-t-il à proximité de son lieu d’origine ? Rêvant du voyage interstellaire d'astéroïdes, de comètes et d'objets non identifiés qui naviguent à travers des amas d’étoiles et des nuages ​​moléculaires, ce sont des axes et des angles de précession qui précèdent leur intrusion opportune dans notre champ d'observation.

Out of Nothingness (Google - Labs - Image FX)

 

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