Vous avez dit 'trou noir'?

Publié le par Catherine Toulsaly

Considérer ce qui manque dans une image de la galaxie NGC 24 dans la constellation du Sculpteur — la matière noire — c’est voir l’invisible. Des dizaines de milliers d’articles ont déjà été écrits sur le sujet sans pour autant s’y retrouver. Submergé par une multitude de questions, l’esprit prend de la hauteur tel un oiseau.

La possibilité qu’une force gravitationnelle, due en grande partie à la masse du halo galactique, puisse jouer un rôle dans la trajectoire d’objets célestes me ramène aux notes que j'ai compilées jusqu’à présent sur la matière noire. Si certains sont convaincus de son existence, d’autres se montrent sceptiques.

Des théories visent à expliquer les différences dans la distribution de la matière noire entre les petites et les grandes galaxies par le fait que son mouvement rétrograde a des effets importants sur la morphologie et l’évolution des galaxies spirales barrées.

Les mécanismes dynamiques impliqués dans l’interaction entre les particules de matière noire et les baryons paraissent cependant encore plus difficiles à cerner. Passant en revue les données de l’expérience ATLAS, il semble que pas plus de 13 % des bosons de Higgs produits dans le Grand Collisionneur de hadrons pourraient être convertis en particules invisibles.

Nous voyageons dans le temps par le biais de modèles et de scénarios sur la façon dont tout a commencé et sur les caractéristiques de l’Univers des premiers instants qui ont conduit au contexte actuel. Au sortir d' une singularité au-delà de l’espace-temps, un gaz d’atomes d’hydrogène a alimenté la formation des premières entités, les étoiles et les trous noirs.

La raie spectrale de 21 cm produite par les atomes d’hydrogène est une découverte essentielle. L’effet de refroidissement (ou le transfert de mouvement) peut s’être produit lors de l'interaction entre les particules noires dotées d'une charge électrique minimale et les baryons. À la limite de l’infiniment petit, seule une fraction de ces particules interagissait avec la matière ordinaire.

Les théoriciens qui cherchent à retracer le temps perdu à l'aube de l’Univers s’interrogent sur la nature ontologique de la réalité. Tout a commencé avec autant de matière que d’antimatière, bien que nous observons aujourd’hui une différence. La matière finira à une époque ultérieure par se désintégrer et le nombre des baryons reviendra à zéro.

Au CERN, les chercheurs tentent de trouver des preuves d’interaction. L’une des expériences du décélérateur d’antiprotons du CERN —  la collaboration ALPHA —  a présenté ses premières évaluations des effets quantiques sur la structure énergétique de l’antihydrogène.

La frontière mouvante entre l’invisible et le visible n’a pas été franchie. Nous parvenons à affiner l’objet de notre recherche en imposant des contraintes sur leurs propriétés. La matière noire pourrait-elle être présente sous notre nez, liée gravitationnellement à des objets célestes tels que la Lune ou Jupiter ?

La matière noire peut être tellement de choses. Il peut s’agir d’un fluide froid, flou et non collisionnel. Elle peut être composée d’un type de particules encore inconnues : des neutrinos à chiralité droite, des baryons de matière miroir, ou même des fermions sombres de cinquième dimension, pour n’en citer que quelques-unes.

La cogénèse de la matière noire et d'un processus appelé leptogenèse — qui a produit l’asymétrie matière-antimatière — a pu se produire en présence de trous noirs primordiaux. Ces objets cosmiques des premiers instants se trouvaient dans un micro-état. Certains sont devenus, au cours de leur évolution, des centres de galaxies tandis que d’autres errent encore sans populations d’étoiles en orbite.

Les simulations de Romulus permettent de prédire quel trou noir, suite à une fusion de galaxies, parviendra à graviter jusqu'au centre et combien de temps ce processus prendra. Il est dit que de nombreux trous noirs binaires se forment après plusieurs milliards d'années d'évolution, tandis que certains n'ont jamais atteint le centre. On a découvert que les galaxies d'une masse égale à  celle de la Voie lactée abritent en moyenne 12 trous noirs supermassifs, qui se trouvent généralement dans les halos de matière noire.

Les trous noirs supermassifs sont des objets invisibles et extrêmement lourds. La même invisibilité et la même lourdeur s’appliquent-elles à la matière noire ? La matière noire pourrait-elle s’accumuler près des trous noirs, sur l’horizon des événements ? Pourrait-elle s'engouffrer à travers le véritable horizon vers un secteur caché ?

L’introduction de dimensions supplémentaires, d’une force de cinquième dimension ou d’un univers miroir porterait un sérieux coup au concept de néant, diminuant encore davantage la possibilité de son existence. S’il n’existe pas de néant précédant la génération de l’espace à partir du « temps zéro », alors il se peut que les entités universelles rétrécissent à l'infini au seuil d’une dimension cachée de l’espace-temps. 

L’espace, comme la mer avec ses courants, est le théâtre de chocs et de vagues de fond qui font que les nuages ​​de baryons et la matière noire se bousculent les uns aux autres et s’attirent les uns les autres. Les traces et les sillages qui se forment suggèrent des perturbations de densité dans l’espace-temps. Même les galaxies satellites, telles que le Grand Nuage de Magellan, pourraient dans un futur lointain laisser, à travers la Voie Lactée, des débris de matière noire qui ne leur seront plus liés gravitationnellement.

L’étude des empreintes de matière noire et des distorsions des flux stellaires est essentielle pour démêler ces processus. Les scènes de leurs rencontres, qui impactent la forme et la vitesse des uns et des autres, sont fixées dans l’espace-temps, gravées dans la mémoire des galaxies.

Certains imaginent l’Univers comme si des amas de baryons s'intégraient dans des halos de matière noire. L’espace agit comme un écran sur lequel sont projetées des scènes de vie universelle. Les scientifiques s’attaquent aux deux extrémités de l’Univers : l’extrêmement petit et l’infiniment grand. Alors qu’ils tentent d’identifier la nature microscopique de la matière noire, ils tentent en même temps de décrire le rôle de la matière noire dans l’Univers macroscopique. De grandes fusions modifient la morphologie des galaxies et les halos de matière noire. L'inflation cosmique et la matière noire sont les deux faces d'une même médaille.

En fin de compte, la matière noire pourrait être hétérogène, se comportant différemment selon l’échelle et la localisation, que ce soit dans des halos autour des galaxies et des amas de galaxies ou autour des centres galactiques. Son hétérogénéité permettrait la possibilité de collisions et d’interactions entre particules de matière noire. Certains imagineraient même que la matière noire auto-interagissante soit à bien des égards semblable à ce que nous observons avec la matière baryonique. La matière noire pourrait-elle être parfois chaude ou tiède, en relation avec la thermalisation de l’Univers ? Pourrait-il y avoir des photons noirs ? La matière noire pourrait non seulement être composée de matière noire auto-interagissante, mais aussi de trous noirs primordiaux.

Les relevés radio d’EDGES, de LOFAR et d’HERA — qui a fourni son premier ensemble de données — ainsi que dans le futur de SKA font partie des premiers résultats dont nous disposons dans l'étude de la topologie primordiale. Dans un Univers en évolution, Penrose imagine les particules de matière noire comme des entités gravitationnelles appelées érébons qui se désintègrent complètement à la fin de chaque éon pour être ensuite créées à nouveau au début. Peut-être, ajoute-t-il, aurons-nous besoin de détecteurs d’un autre type pour voir ces désintégrations d’érébons dans le présent éon.

En plus de la détection des ondes gravitationnelles par des observatoires comme LIGO, Virgo et KAGRA, le télescope James Webb pourrait faire correspondre des images aux émissions radio et fournir des réponses aux questions sur les trous noirs primordiaux. Par exemple, si les particules de matière noire produisaient des signaux gamma par suite de leur conversion, l'intensité des rayonnements, enregistrée à proximité d’un trou noir, en donnerait la preuve.

Le principe appelé rasoir d’Occam stipule que la pluralité ne doit pas être posée sans nécessité. S'il ne faut pas multiplier les entités sans nécessité, laquelle des hypothèses mentionnées ci-dessus est l’explication la plus simple ? Au lieu de nouvelles particules que nous n’avons pas encore découvertes, pourrions-nous nous débarrasser de la matière noire ? Une nouvelle théorie relativiste de la dynamique newtonienne modifiée se dit être la plus efficace pour reproduire les observables cosmologiques clés. Mais sans recourir au concept de matière noire, peut-on encore prédire ce qu'il adviendra du Grand Nuage de Magellan? 

Round and round it goes (Google - Labs - Image FX)

Dans la ronde autour du centre galactique, nous naviguons un flot incessant de questions. Pourquoi la lumière prend autant de temps du centre galactique à la Terre qu'il faut à la Terre pour effectuer un cycle complet de précession des équinoxes?

Les poètes ne meurent pas. Tombés dans un profond sommeil, ils embarquent sur un vaisseau temporel pour retourner aux commencements.

Poets on a time ship (Google - Labs - Image FX)

 

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