L’Histoire inconsciente
Pourquoi est-ce que le temps court prime sur le temps long ? Parce que nos sociétés privilégient la pensée économique au quotidien.
Le monde, la chair et le diable autrement dit la confrontation avec ce qui est extérieur au soi, avec la forme corporelle du soi et avec les démons intérieurs qui agitent le soi. Que dire du monde ? Que la pollution de l’air fait 4 400 victimes chaque jour en Chine selon le professeur Richard Muller de l’Université de Berkeley. Que les villes produisent 75% des émissions de dioxyde de carbone dans le monde, que le nombre de victimes par armes à feu aux États-Unis est 33 000 par an d’après le CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies). Et que dire du barrage des Trois-Gorges ? Qu’il a provoqué le déplacement d’1,2 million de personnes et détruit 13 villes, 140 bourgs et 1 350 villages et que le barrage sur le Mékong causera une catastrophe écologique encore plus dévastatrice.
La conscience, forme complexe de préhension, intervient dans l’espace triangulaire du monde, de la chair et du diable. Le philosophe Alva Noë dans son livre intitulé Out of Our Heads affirme que la conscience n’est pas limitée dans la tête mais agit entre l’esprit et l’environnement physique. D’un point de vue pratique, il faut la comprendre en tant qu’activité, comme, par exemple, dans l’expérience des couleurs, qui résulte de la complexe interaction entre la lumière physique et notre système nerveux optique (The reality of color is perception par Mazviita Chirimuuta. Nautilus, issue 56).
La psyché freudienne se divise en trois éléments: le surmoi, le moi et le ça comme identité primitive. Sur ces trois éléments se transpose l’espace triangulaire du monde, de la chair et du diable dans les limites duquel le futur de notre âme sensible est incertain. Sera-t-elle corrompue ou carrément évincée ? Faut-il voir dans l’intellectualisme et les froids calculs politiques les prémices de ce qui nous attend ? Quelle voie l’humanité choisira-t-elle? Sera-t-elle plus préoccupée par la recherche scientifique ou voudra-t-elle répondre à l’urgence des besoins psychologiques des êtres ? Si, vraiment, l’ambition que nourrit l’être humain de modeler l’univers à sa guise est ni plus ni point une forme d’art, alors cet art doit compter sur notre perception sensible. Il nous appartient effectivement de revaloriser la sensibilité et d'étendre notre cercle de compassion de tous les êtres à la planète.
La conscience au rythme de l’évolution et par le jeu des mutations/variations génétiques, s’exprime à travers tous les êtres. Comme une lame de fond, elle s’engouffre dans l’être, récepteur d’émissions, qui y répond. Ce qui les sépare est la capacité inhérente à chacun de la véhiculer.
C’est une véritable révolution cognitive qu’il faut provoquer, une révolution dans la psychologie des hommes qu’il faut encourager, une nouvelle métamorphose hominisante afin de permettre le triomphe de l’âme rationnelle sur le long terme. La troisième lutte, celle avec nos démons intérieurs, est la plus farouche.
La vie et la conscience vont de pair. Elles s’étendent depuis le commencement jusqu’au bout de l’univers. La vie est le fruit de la chimie dans l'air, sous nos pieds, à des millions d'années-lumière. D’après Jeremy England, physicien de MIT (Massachusetts Institute of Technology), le processus d’entropie implique que toute molécule demeurant suffisamment longtemps sous les rayons de la lumière finira par se métaboliser, se mouvoir et se reproduire – c’est-à-dire devenir vivante. De l’émergence spontanée à la force motrice, la vie sur terre résulte de la thermodynamique.
Y a-t-il ailleurs quelque part dans l’univers une biochimie différente de celle qui est à l’origine de la vie sur terre ? Et dans ce cas est-elle doublée d’une autre forme de conscience ? Considérer l’avenir sur le long terme est une approche à la fois optimiste et réaliste. Réaliste parce que, en dépit de toutes les spéculations basées sur notre appréciation des événements présents ou passés, nul ne sait prédire l’avenir.
A l’intersection de l’idéalisme et du pragmatisme, si la vie est un jeu, il y a deux sortes de joueurs : ceux qui participent dans le seul but de gagner et ceux qui sont convaincus du fait que l’important, c’est de participer. Gagner à tout prix implique vouloir exercer son pouvoir coûte que coûte sur l’autre et sur l’environnement de matière. Mais la vie est un jeu infini qui a démarré il y a des milliards d’années et ni vous ni moi ne serons là pour constater le devenir de ce processus dont les règles évoluent éternellement de la genèse au gène, des cellules aux civilisations…