Géométrie de l’Espace et du Temps
Et que l’on reparle des formes géométriques
sur les coquillages à Trinil sur l’île de Java
Laiss
Île d’Islande,
le de Nouvelle-Zélande
Terre de glace,
Pays du long nuage blanc
C’est à une île que mon âme aspire pour toucher le ciel de mon pinceau....
Dans la réalité physique palpable et tangible, déterminée par la géométrie de l’espace et du temps, se définit le passé de la Polynésie.
L’article paru sur le site PNAS intitulé Polynesian origins: Insights from the Y chromosome coécrit par un certain nombre de scientifiques chinois, anglais, américains et australiens confirme combien controversée est la question entourant la colonisation de la Polynésie. Deux hypothèses s’affrontent : l’une postulant que l’île de Taiwan serait la patrie présumée de ces colons, l’autre suggère une origine mélanésienne. Pourtant, sur un échantillon de 551 individus mâles de 36 populations vivant en Asie du Sud-Est, à Taiwan, en Micronésie, en Mélanésie et en Polynésie, pratiquement aucun haplotype du chromosome Y taïwanais ne se trouve ni en Micronésie ni en Polynésie. En même temps, un haplotype spécifique aux Mélanésiens ne se rencontre pas non plus chez les Polynésiens. Toutefois, tous les haplotypes polynésiens, micronésiens, et taïwanais sont présents parmi les populations existantes d’Asie du Sud-Est. A l’évidence, les données fondées sur le chromosome Y ne corroborent aucune des deux hypothèses. Nous partons donc du postulat selon lequel l’Asie du Sud-Est est une source génétique de deux mouvements migratoires indépendants, l’un se dirigeant en direction de Taiwan et l’autre en direction de la Polynésie à travers les îles d’Asie du Sud-Est.
Les événements préhistoriques majeurs qui ont conduit à la colonisation de la Polynésie ont été examinés sous divers angles, et deux modèles suggérant le déplacement des populations ont été proposés. Le premier, surnommé le modèle du train express, fondé principalement sur des preuves archéologiques et linguistiques, soutient que vers 4 000 à 5 000 ans avant le présent (BP), un mouvement migratoire rapide en direction de l’Est a commencé dans le Sud de la Chine diffusant une langue austronésienne et une culture Lapita à travers les îles du Pacifique, culminant par la colonisation de la Polynésie. Suivant ce modèle, Taiwan, île limitrophe de l’Asie continentale, fut d’abord colonisé. Cette hypothèse s’appuie sur les données récentes relatives au génome mitochondrial (ADNmt), qui établissent un lien entre les aborigènes taïwanais et les Polynésiens. La deuxième hypothèse propose une terre d’origine voisine des Polynésiens en Mélanésie, dans laquelle les Polynésiens entretenaient une toile complexe de relations avec les insulaires qui peuplaient alors le Pacifique.
Bien que la plupart des preuves génétiques favorisent la première hypothèse, le débat continue et d’autres scénarios plausibles sont également examinés. Notamment des études récentes suggèrent que de nouvelles données relatives au génome mitochondrial (ADNmt) montrent en fait une origine en Indonésie orientale. A partir de l’analyse de 19 marqueurs bialléliques sur un échantillon de 551 chromosomes Y d’hommes originaires de 36 populations de l’Asie du Sud-Est, de la Micronésie, de la Mélanésie et de la Polynésie ont été identifiés 15 haplotypes. Si H1 est considéré comme étant l’haplotype ancestral du fait de sa présence chez les chimpanzés, parmi les autres haplotypes se trouvent H2 qui est également relativement ancien étant donné qu’il apparaît chez les populations africaines et non-africaines, et H5 qui est l’ancêtre commun de tous les autres haplotypes non-africains et présent au niveau régional. Les Asiatiques du Sud-Est, avec 14 haplotypes et une diversité haplotypique de 0,88, sont de loin la plus diverse des populations étudiées. Le seul haplotype manquant est H17, spécifique aux Mélanésiens. Les 58 aborigènes mâles taïwanais qui font partie de l’étude partagent 7 de ces haplotypes (H6–H12), avec une diversité haplotypique de 0,70. Deux de ces haplotypes (H6 et H7) ont seulement été observés au sein de la population de langue atayal. Sur les 113 Micronésiens et Polynésiens participant à l'étude ont été identifiés 10 haplotypes, avec une diversité haplotypique de 0,72, dont neuf (H1, H2, H4, H5, H6, H8, H10, H12, and H14) sont communs aux Asiatiques du Sud-Est. Le dixième haplotype est H17, qui se retrouve seulement chez deux individus de langue troukaise.
Une comparaison de la distribution des haplotypes chez les Micronésiens et les Polynésiens avec celle observée dans la population taïwanaise présente un certain intérêt. A l’exception de H6, les deux groupes de population partagent deux séries indépendantes d’haplotypes. H1, H2, H4 et H5 sont uniquement présents en Micronésie et en Polynésie. En même temps, les haplotypes taïwanais H7, H8, H9, H10, H11 et H12 sont absents en Polynésie et relativement rares en Micronésie. En fait, Micronésiens et Polynésiens ne partagent que quatre haplotypes avec les Taïwanais, dont trois se retrouvent en Micronésie mais pas en Polynésie, ce qui suggère un flux génique plus récent de l’Asie du Sud-Est à la Micronésie. H1 (haplotype ancestral) et H5 (ancêtre commun de tous les autres haplotypes non-africains) brillent par leur absence au sein des populations aborigènes taïwanaises, alors qu’ils sont largement présents dans presque toutes les populations micronésiennes et polynésiennes. A l’évidence, les populations aborigènes taïwanaises d’une part et, d’autre part, Micronésiens et Polynésiens, possèdent deux sous-ensembles distincts d’haplotypes présents parmi les populations existantes de l’Asie du Sud-Est. Le calcul des distances génétiques montrent que l’écart entre Taïwanais et populations micronésiennes et polynésiennes est deux fois plus important que celui qui sépare les deux groupes de population de l’ensemble des Asiatiques du Sud-est.
Suivant le modèle du train express, le peuplement de Taïwan s’est produit il y a 5 000 à 6 000 ans suite à un flux migratoire proto-austronésien depuis les côtes du Sud de la Chine. Bien que les langues austronésiennes ne soient plus parlées dans cette région, les données recueillies n’excluent pas la possibilité que des Chinois originaires de la côte méridionale aient été les membres fondateurs des aborigènes de Taïwan puisque les haplotypes du chromosome Y spécifique aux Taïwanais constitue un sous-groupe présent dans l’ensemble de l’Asie du Sud-est, y compris en Chine méridionale. Notons que certaines populations vivant sur le littoral chinois ( Tujia, Yao, Dong, She, Li, et Zhuang) et mentionnées dans cette étude, qui, avec l’expansion des Hans au cours des 2 000 dernières années, s’étaient déplacées vers le Sud-Ouest de la Chine (Yunnan, Guizhou, and Sichuan), présentent un profil marqué par l’haplotype du chromosome Y, similaire aux autres populations de l’Asie du Sud-Est. A l’évidence, cela suggère un continuum génétique à travers toute l’Asie du Sud-est, y compris la Chine méridionale, continentale et les îles du Sud-est, indépendamment de la famille linguistique auxquelles elles appartiennent (sino-tibétaine, hmong-mien, austroasiatique et austronésiennne). En dépit de ces observations, les données fondées sur le chromosome Y ne privilégient pas l’hypothèse d’une terre d’origine des Polynésiens à Taïwan. Toutefois, ces constatations ne réfutent pas entièrement le modèle du train express, qui suppose la diffusion de la langue austronésienne et de la culture Lapita depuis l’Asie du Sud-est. En outre, le fait que la diversité haplotypique soit au niveau le plus élevé en Asie du Sud-est comparativement aux autres populations renforce la thèse d’une terre d’origine en Asie du Sud-est. L’explication la plus plausible tend à confirmer qu’aussi bien les Taïwanais que les Polynésiens sont issus d’un ancêtre originaire de l’Asie du Sud-est. Quoi qu’il en soit, la colonisation de la Polynésie s’est effectuée par une route migratoire depuis l’Asie du Sud-est et indépendante de celle allant vers Taïwan. A l’heure actuelle, il n’est pas possible de localiser avec certitude le point d’origine de ces ancêtres polynésiens.
Il faut relever une fois de plus la présence quasi exclusive de H17 dans la population mélanésienne si ce n’est dans un groupe micronésien (12% au sein de la population de langue troukaise). L’absence de H17 dans la population polynésienne suggère une contribution négligeable à l’expansion polynésienne des haplotypes du chromosome Y spécifique aux Mélanésiens, par contraste avec la proportion plus élevée des allèles mélanésiens à partir de l’ADN nucléaire et de l’ADN mitochondrial, ce qui pourrait s’expliquer par le fait que c’est le processus de reproduction qui a surtout contribué à la colonisation du Pacifique, à l’exemple d’autres expansions géographiques dans le monde, en vue de pallier au goulot d’étranglement démographique. Dans le contexte de l’histoire récente de la Polynésie, l’apport européen reste encore à démontrer et ne saurait masquer la trace génétique du premier flux migratoire de la Préhistoire en Polynésie.