Interlude Philosophique

Publié le par Catherine Toulsaly

Les théoriciens sont des idéalistes qui s'affrontent entre eux avec des rêves. Notre cerveau détient la clé pour unir l’infiniment grand et l’infiniment petit. Alors que certaines énigmes sont laissées aux calculs de pointe, cachées dans un code mathématique, enfermées dans des motifs géométriques, les poètes tentent de tenir le registre des pensées qui s’évanouissent et convertir les rêves en un objectif commun. L’abîme, écrit Lucien Braun, entre l’expression de ce qui est et ce qui reste inexprimé, commande la « maladresse » de la pensée. Au-delà de l’énonciation des similitudes et de l’identification des connexions, nous ne saisissons guère toutes les nuances de sens d’un seul concept. Il existe une lutte dans notre cerveau avec le verbe pour lui faire dire l’indicible.*

Il semblerait plus facile de transposer des idées philosophiques dans le domaine de la science que l’inverse. « Une partie cruciale du développement de théories scientifiques », écrit James Owen Weatherall, « est de prendre des concepts de base et de les rendre suffisamment précis pour soutenir la recherche scientifique. Mais adapter nos idées intuitives aux exigences plus rigoureuses de la science peut entraîner des changements radicaux dans notre conception de la réalité. » Si l’espace et le temps peuvent être courbés même lorsqu’il n’y a rien, comment peut-on encore parler de néant ?

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Time is born in a void, lost in a black hole (Google Labs)

Les vides semblent être les régions dominées par l’énergie la plus sombre de la toile cosmique. S’ils sont remplis de ce genre d’énergie du vide libre d’interagir avec la matière noire, ils font partie de la solution pour trouver le début du temps. Le temps naît dans un vide et se perd dans un trou noir. Qu’il existe des zones d’antimatière, des marionnettistes d’énergie noire, des ombres de halos de matière noire, des trous blancs jaillissants et des trous noirs engloutissants, tout cela pourrait avoir un sens un jour.

Je m'imagine difficilement ce qu’est d’être un espace dépourvu de matière. L’immobilité, le silence et l’invisibilité en sont les attributs. Les trous noirs attirent la matière et les vides la dispersent. Ce qui unit l’infiniment grand et l’infiniment petit émerge et se construit au fil du temps à partir de vides intemporels dont les formes gonflent et rétrécissent. Nous ne vivons pas seulement à la limite extérieure du Vide local, mais à l’intérieur du périmètre d’une grande sous-densité autour du Groupe local, connu sous le nom de Vide de Keenan-Barger-Cowie. Cela implique la nécessité d’un changement radical dans notre conception de la réalité, une vision centrée sur le vide de notre région, une révolution dans notre cadre de référence. Descartes écrit: 

je désire que vous pensiez que la lumière n’est autre chose, dans les corps qu’on nomme lumineux, qu’un certain mouvement ou une action fort prompte et fort vive qui passe vers nos yeux par l’entremise de l’air et des autres corps transparents en même façon que le mouvement ou la résistance des corps que rencontre cet aveugle passe vers sa main par l’entremise de son bâton

Descartes

La lumière, soutient Maxwell, est un « phénomène électromagnétique dont les lois peuvent être déduites de celles de l’électricité et du magnétisme, sur la théorie que tous ces phénomènes sont des affections d’un seul et même support ». Nous avons toujours privilégié une substance décrite comme l' éther luminifère, à savoir la distribution énergétique des photons dans les lumières cosmiques.

Nous voyons plus loin en nous appuyant sur les épaules de ceux qui nous ont précédés, en gravissant des marches invisibles dans l’espace et en tirant les ficelles attachées à des engins spatiaux aussi éloignés que l’espace interstellaire. Il faut cependant garder à l’esprit la possibilité que « ce soit la présence d’un champ gravitationnel qui fasse émerger la forme descriptive d’un système physique du domaine de la physique quantique pure », écrit Roger Penrose. Nous avons appris que les corps astronomiques exercent une force gravitationnelle les uns sur les autres et s’influencent mutuellement en modifiant la structure géométrique de l’espace et du temps. Le néant est l’arrière-plan du champ gravitationnel dans lequel une conversion photon-graviton peut se produire par le biais de puissants champs magnétiques primordiaux.

Nous pensons non seulement que les champs magnétiques primordiaux ont été générés par la magnétogénèse pendant et après l’inflation cosmique, mais il est suggéré que des monopôles magnétiques quantiques ont été créés avant l’inflation. Barbour écrit que ces monopôles magnétiques pourraient être aujourd’hui si largement répandus dans l’Univers que nous ne pouvons raisonnablement pas nous attendre à en observer. Supposons qu’ils aient joué un rôle lié à la matière noire, quel est alors la relation entre la matière noire et les champs magnétiques primordiaux?

La dérive décrit le chemin de mon esprit vagabond. Dans la recherche d’un vide absolu, d’un vide parfait se profile la définition de Descartes d’une extension comme l’existence nécessaire d’une substance. Même les vides et les trous noirs ont des formes et des champs magnétiques. Alors que l’essence de l’information voyage à la vitesse de la lumière, le néant reste introuvable à l'intérieur des quatre dimensions.

 

* Lucien Braun, Paracelse

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