La raison poétique

Publié le par Ysia

La créativité s’abreuve à la source de l’échange diffus entre corps, cœur et esprit. S’il n’y a pas d’inconscient, la créativité, elle, s’obstine à pousser la porte vers le néant. Elle tente un fragile travail de funambule entre l’humilité de la raison et  l’équilibre du corps et puise dans les abîmes du devenir. S’il n’y a pas d’inconscient, la conscience, quant à elle, s’interroge sur l’ampleur de son ignorance, sautant à pieds joints dans les brèches successives comme pour mieux  mettre à terre un ego tiraillé entre imaginaire et réalité.

La créativité est un état d’esprit qui se nourrit de lui-même et de son environnement. La créativité, c’est comprendre intuitivement les règles symboliques. C’est porter son attention en-dehors de soi sur l’inattendu, l’inconnu, le mystère. C'est se perdre soi-même pour que surgisse sa voix intérieure, cri desespérément humain.

Ysia

La conscience aux bords du précipice de l’inconscient se laisse à croire aux paroles d’Aristote, que le créateur, fût-il poète ou artiste, offre à bien des égards un regard plus philosophique et une vision plus universelle.  La division traditionnelle de l’esprit - la raison, l’imagination et la mémoire - s’est affublée aujourd’hui des oripeaux des sciences, des arts et de l’histoire. Fortes du regard que porte l’histoire sur le passé, les sciences dictent les normes et les limites du présent, engloutissant sous leur coupe, la philosophie déchue. S’il n’y a pas d’inconscient, le réseau complexe des trois domaines de l’apprentissage humain quadrille le cerveau. Le poète au contraire du philosophe ne lutte pas contre l’hégémonie des sciences. Entre épistémologie et  esthétique, il souffle un vent d’inconscience et instille un courant de liberté, transcendant règles et conventions.

L’imagination établit des connexions nouvelles enfouies dans les trous noirs de l’esprit, à l’horizon desquels la conscience guette leur éruption  et  les illumine. D’une nébuleuse perdue entre les synapses du cerveau, la compréhension naît. Mais s’il n’y a pas d’inconscient, d’où viennent les rêves ? Quel est ce film qui se déroule dans mon esprit endormi ?

L’inconscient est un mythe. Il n’y a pas non plus de Bouddha historique. La mesure du degré de désordre dans l’esprit du poète varie au gré des luttes internes entre l’angoisse existentielle et la soif de liberté. De l’imagination à la poésie et aux arts. De la mémoire à l’Histoire. De la raison à la philosophie. L’esprit à travers les âges a la capacité de tourner en rond,  de réinterpréter les concepts avec un langage réinventé, suivant les époques de l’Histoire et l’évolution des sociétés.  Suspendu aux lèvres de la science maîtresse comme à celles hier de la philosophie, le poète attend.

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