Subtilités
Ce blog, qu'il s'agisse de Résonance ou Vanité en français ou bien de la Conscience et l'Univers en anglais, coule comme une rivière. Leurs articles respectifs sont des cascades où les mots se retrouvent pris en amont tandis que d’autres passent au travers. Julian Barbour écrit que la meilleure façon de concevoir l’expansion de l’Univers est subtile. Son utilisation du terme « subtil » fait écho à celle par Wing Tsit-Chan selon lequel le non-être définit la subtilité de toutes choses, et l’être en est le résultat.
Le « rien » n’est ni l’espace, ni le temps, ni la matière. Il précède et disparaît. Son nombre est zéro, un cercle qui plonge dans l’éternité, un puits qui s'enfonce dans l’infini, l’exercice quotidien d’Ensō. Barbour écrit « Puisque le commencement de l’Univers présuppose le temps, cela signifie que l’Univers n’a en fait pas eu de commencement singulier. » Un objet géométrique intemporel de taille quantique, suspendu par lui-même comme une mémoire perdue, pourrait-il être à l’origine de tout ?
Lequel de Zéro ou de Un se rapporte à l’unité ? Zéro est le « rien », et Un est la totalité. Les deux pourraient impliquer l’unité, mais le premier, voilé, est l’unité dans l’obscurité ; le second est l’unité mise en lumière. Au sein d’un système, d’un Univers, se produit une évolution unitaire. L’unité fait référence à une variation invariante comme l'a définie Barbour et par laquelle « l’énergie est conservée parce que le temps est uniforme ; Le moment cinétique est conservé parce que l’espace est le même partout — il est homogène ; le moment angulaire est conservée parce que l’espace semble le même dans toutes les directions — il est isotrope. » Ce n’est pas le bruissement des étoiles que j’entends, mais le son étouffé du néant.
Il semble y avoir des objets conceptuels trop subtils pour être différenciés, des subtilités qui demandent une acceptation candide. Un représente la porte de toutes les subtilités. Dans notre quête du néant, nous nous trouvons au point Janus où aucune direction n'est distinguée. Stephen Hawking aurait dit que demander ce qui s’est passé avant le Big Bang n’a aucun sens. C’est comme demander « qu’est-ce qui se trouve au sud du pôle Sud ? ». Ce serait comme glisser le long de la sphère céleste depuis le point imaginaire du pôle Sud céleste au-delà de la Constellation du Caméléon et du mur du pôle Sud. Est-ce là que se trouve la naissance insaisissable du temps ?
Déterminer la géométrie de l’Univers implique de mesurer les corrélations spatiales entre les structures cosmologiques. Dans leur tentative de tracer la toile cosmique, les cosmologues traquent des motifs géométriques discrets dans le ciel d' un polytope cosmologique à l'autre. Ils déduisent des angles à partir de tétraèdres, de pyramides à double carré et d’amplituèdres à peine visibles, espérant que toutes les lignes seront tracées, que les pièces s’intégreront dans une géométrie plus grande afin que le puzzle de l’Univers soit complet.
Au fil du temps, en raison des amplitudes de diffusion, les corrélations spatiales se développent et s’élargissent, traçant au fur et à mesure une histoire du temps. Les polytopes parlent un langage familier comme s'ils provenaient d’une mémoire lointaine. Les figures géométriques sont des symboles utilisés dans le dialogue entre l’Univers et la Conscience. Elles projettent une image sur l’écran universel, un aperçu d’un processus allant de « rien » à l’état quantique jusqu’à la vision de l’Univers observable.
Dans le monde de pensée, il y a des espaces mathématiques – l’espace de Sitter, le marais et le paysage de cordes. Sean Carroll suggère que l’ontologie fondamentale du monde consiste en un vecteur dans l’espace de Hilbert évoluant selon l’équation de Schrödinger. L’espace des phases est un espace dans lequel l’ensemble de tous les états possibles est représenté.
Julian Barbour le décrit poétiquement comme une « prison dans laquelle un cauchemar nietzschéen à répétition éternelle ne donne aucun répit aux dormeurs ». Ses mots font écho à ceux gravés dans ma mémoire qu'a écrit le poète Baudelaire sur « la pluie, étalant ses immenses traînées, d'une vaste prison imite les barreaux ». Mais la fille en sandales, poursuit Barbour, peut « marcher dans un bac à sable infini », tandis que « les ruisseaux ne doivent pas nécessairement, comme le Jourdain, se terminer dans la mer Morte. Ils peuvent atteindre, et souvent le font, l’océan du grand Neptune ».
Alors que la flèche thermodynamique coïncide avec la direction du temps, les formes de l’Univers recèlent des indices cachés sur la nature du temps. Est-ce la structure causale de l’espace-temps qui fournit une raison d'être aux lignes qui se croisent dans le ciel ? Ou la véritable forme de l’Univers n'est-elle révélée qu'une fois que son échelle s'est fondue dans l'œil intérieur ?
L’Univers avance sur un chemin choisi parmi toutes les possibilités qui semblaient avoir été disponibles par ailleurs depuis l’état initial, sous l'influence d'attracteurs inconnus. Barbour voit ce chemin non seulement dépourvu d’échelle mais aussi séparé du temps lui-même. « Tout ce qui est essentiel est conservé ; tout ce qui ne l’est pas est éliminé. Cela inclut non seulement l’échelle mais aussi le temps ». La philosophe Mariam Thalos présente l'échelle dans son livre Without hierarchy: The Scale Freedom of the Universe comme une figure de l’ontologie réductionniste qui rappelle l'effondrement des cercles.
La cosmologie est une science historique qui ne connaît ni sa fin ni son début. Il est difficile d'imaginer un univers fini avec une géométrie fermée qui apparaît de nulle part. L'idée principale est de trouver une structure mathématique sous-jacente de premier principe à partir de laquelle la fonction d'onde de l'Univers surgit. Alors que nous nous efforçons d'expliquer comment rien crée quelque chose, c' est remplacée par quelque chose qui s'apparente à un effet tunnel quantique.
La fonction d'onde de l'Univers représente une distribution de probabilité qui présuppose la condition nécessaire de notre existence. Si les probabilités sont un concept opérationnel, elles dévoilent des figures obscures et des modèles cachés qui attendent leur tour pour prendre un chemin particulier parmi tous les possibles. L'Univers tout entier est-il un miroir à alouette qui nous inspire à construire des châteaux sans fond sur les rivages sablonneux de nos rêves ?