Rapa Nui

Publié le par Ysia

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Si les îles éparses du vaste Océan du Pacifique furent colonisées par des marins partis depuis les côtes orientales et les îles d’Asie après la traversée de milliers de kilomètres en mer et si l’Amérique du Sud précolombienne fut peuplée par une population franchissant un pont terrestre à présent disparu depuis le nord, ces deux populations se sont-elles à un moment donné croisées au Nouveau-Monde ? C’est fort probable, d’après une nouvelle étude qui donne la preuve que des habitants originaires de l’Île de Pâques ont atteint l’Amérique du Sud et se sont mêlés aux Amérindiens déjà présents.

L’immunologiste de l’Université d’Oslo Erik Thorsby qui commença ses recherches en 1971 sur la population de l’Île de Pâques estime, d’après les résultats d’une étude récente, que des Amérindiens auraient accompagné des Polynésiens depuis la côte d’Amérique du Sud sur l’Île de Pâques avant l’arrivée des Européens.

L’île nommée Rapa Nui est un lieu rocheux et éloigné par 3 700 kilomètres à l’ouest de l’Amérique du Sud.  Si sa population fut effectivement déportée au Pérou vers 1860 et réduite à l’esclavage, la présence d'antigènes des leucocytes humains (en abrégé, HLA, de l'anglais human leucocyte antigen) dans les échantillons sanguins prélevés  —un groupe de gènes qui encodent des protéines essentielles du système immunitaire humain—montre qu’un certain nombre d’individus possèdent un allèle qui n’apparaît que chez les Amérindiens. Cet allèle se retrouve dans deux haplotypes (groupe d'allèles hérités d’un parent) de personnes sans parenté. Il résulte de l'étude que ces allèles sont plus anciens que l’époque de la dite déportation et ont été introduits des siècles auparavant, suggèrant que des Polynésiens visitant l’Amérique du Sud vers le 15ème ou 16ème siècle auraient été accompagnés à leur retour par des Amérindiens. D’autres études d’ADN sont nécessaires pour confirmer ces résultats.

Des plantes, telles que la patate douce et des similarités linguistiques et artistiques avaient déjà suggéré une interaction culturelle entre la Polynésie et l’Amérique du Sud. D’après l'archéologue Helene Martinsson-Wallin, c’est vers 1100 et 1300 que la culture de la patate douce connut la plus importante expansion, c’est-à-dire au même moment que la construction des statues moai connaissait une explosion. Easter-Island-Mind_1.jpg

Mais comment le peuple de Rapa Nui a-t-il eu l’idée de construire ces immenses statues et comment les a-t-il transportées, puisque la plus grande pèse 85 tonnes? Mais surtout qui était ce peuple? Etaient-ils des Polynésiens qui pagayèrent depuis l’Asie en passant par les Îles Marquises ou étaient-ils sud-américains d’avant les Incas voguant à travers l’océan sur des radeaux de balsa ? Anakena est la plage sur laquelle, selon la légende,  Hotu Matua, le père fondateur de la civilisation originelle de l’Île de Pâques, accosta avec son clan vers 800. L’anthropologiste norvégian Thor Heyerdahl confirma avec le succès de son expédition Kon Tiki l’hypothèse de la venue d’ancêtres péruviens avant les Incas, expliquant par là même l’histoire du peuplement par deux groupes d’individus, ceux à peau foncée et ceux à peau claire et mettant en lumière les similarités entre l’art rupestre  du Pérou et de l’Île de Pâques  telles que le Dieu du soleil grondant et les figures mi-homme mi-oiseau, créatures mythologiques qui ne se retrouvent sur aucune autre île polynésienne mais qui sont représentées dans l’art religieux d’avant les Incas de la côte équatoriale au haut plateau bolivien Tiahuanaco. Mana est le terme désignant le pouvoir spirituel que possèdent les statues moai.  Aucune sculpture ne leur ressemble en Polynésie mais des statues similaires se retrouvent en Amérique du Sud, cela n’est-il qu’une coïncidence ?

C'est dans le cadre de cette question qu'il semble opportun de mentionner le débat sur l’origine et l’introduction de la volaille en Amérique. En dépit des affirmations selon lesquelles elle serait native de la région, aucune preuve archéologique, paléontologique,  paléo-américaine  ou préhistorique n’a jusqu’ici été retrouvée et rapportée.  Bien qu’une introduction portugaise ou espagnole sur la côte est de l’Amérique du Sud vers 1 500 ait été suggérée, lorsque Pizarro atteignit le Pérou en 1532, il observa qu'elle était une partie intégrante de l’économie et de la culture des Incas, suggérant ainsi une histoire plus ancienne de la volaille dans la région. En conséquence, plusieurs théories proposent son introduction sur la côte ouest de l’Amérique du Sud avant l’arrivée des Européens, incluant la possibilité d’une interaction tant avec des Asiatiques que des Polynésiens. Cette présente étude fournit le premier témoignage clair de l’introduction de la volaille avant les Européens en Amérique du Sud et montre grâce à des preuves d’ADN que l’origine probable est la Polynésie, ce qui  jette une lumière nouvelle sur le débat concernant l'aptitude des Polynésiens à naviguer et sur la question des échanges et interactions entre les populations préhistoriques ou protohistoriques.

L’origine indo-pacifique des Polynésiens en Asie du Sud-Est précède l’expansion austronésienne et en particulier de la culture Lapita qui émergea pour la première fois dans le Pacifique 3 300 ans avant le présent (BP).  Les colons Lapita se déplacèrent rapidement à travers la Mélanésie orientale vers les îles Samoa et Tonga avant 2 900 BP. Dès 1 500- 1 000 BP commença le peuplement de la Polynésie orientale, probablement depuis Samoa, avec la colonisation d’Hawaï avant 1 000 BP, de l’Île de Pâques avant 800 BP et de la Nouvelle-Zélande avant 700 BP.  Ce sont les Polynésiens qui ont introduit le chien, le cochon, le rat et la volaille dans les îles nombreuses qu’ils ont colonisées. Des restes de volaille apparurent pour la première fois sur les sites archéologiques Lapita à Vanuatu et Tonga datant de 3 000 à 2 800 BP, à Niue à partir de 2 000 BP et dans des couches d’occupation anciennes de la quasi-totalité de la Polynésie orientale. Sphinx-de-Napa-Rui-copie-1.JPG

Il s’avère que des contacts anciens eurent lieu entre l’Amérique et la Polynésie, comme le prouve la présence de la patate douce sud-américaine sur les sites archéologiques pré-européens en Polynésie, notamment à Mangaia dans les îles Cook, datant de l’an 1000 de notre ère. D’autres preuves linguistiques et archéologiques le suggèrent également, notamment le fait que des embarcations de type polynésien, à savoir les canots en planches cousues, et des formes de hameçon aient été découverts dans le Sud de la Californie. Ces mêmes canots ont été documentés par des ethnographes au Chili. Une influence polynésienne a également été suggérée sur la base d’artéfacts et de preuves linguistiques dans la région de la communauté mapuche dans la zone centre-sud du Chili. Des simulations informatiques montrent cependant que la navigation dans l’hémisphère sud en direction de l’est aurait été plus facile à manœuvrer qu’une route maritime septentrionale vers les Amériques, les conduisant ainsi à toucher terre dans les régions centrale et méridionale du Chili et introduisant par là même la volaille polynésienne en Amérique du Sud.

Cette présente étude confirme par des recherches génétiques que la volaille dont les squelettes ont été retrouvés sur le site archéologique pré-colombien El Arenal-1 dans le sud de la péninsule d’Araucana au Chili descend d’une souche polynésienne. Les modèles informatiques recréant la dispersion des animaux commensaux sont à présent largement employés pour mieux comprendre la migration et les interactions des populations préhistoriques ou protohistoriques dans le Pacifique. Grâce à l’examen de la faune et de la flore transportées intentionnellement dans le Pacifique, les archéologues peuvent mieux évaluer la direction et l'expansion des peuples Lapita et polynésien. On peut par ailleurs déduire que certains animaux domestiques furent introduits dans le Pacifique plus d’une fois, comme ce fut le cas pour le rat,  le chien mais aussi vraisemblablement la volaille.

 

traduit et résumé par Ysia, Radiocarbon and DNA evidence for a pre-Columbian introduction of Polynesian chickens to Chile PNAS 2007 104 (25) 10335-10339; published ahead of print June 7, 2007, doi:10.1073/pnas.0703993104

Publié dans Génétique

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