De la langue originelle

Publié le par Ysia

S’il faut partir de l’histoire récente du créole, à savoir un système linguistique mixte créé au gré des flux migratoires par différents groupes de populations qu’elles soient européennes, africaines, asiatiques ou autochtones, pour imaginer par quel processus la langue pré-Babel a évolué, alors se dessine un tableau de la progression physique des mouvements de populations sur lesquelles les recherches d’ADN peuvent permettre de prolonger l’étude jusqu'aux origines.  Les indices fournis par l’étude comparative des langues peuvent précéder la découverte de preuves d’ADN corroborantes, comme le montre l’arbre tiré de l'article scientifique Genes, peoples and languages paru dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences)

 

Dans le cas de l’Inde, si les langues dravidiennes n’y auraient fait leur apparition que depuis 5 000 ans et les langues indo-européennes ne s’y seraient implantées que depuis 3 500 ans, le peuplement initial daterait de quelque 60 000 ans. Et si l’on a pendant longtemps pensé que les Gitans étaient originaires de l’Inde du fait des similarités de leur langue et des langues indiennes,  les résultats récents des recherches d’ADN confirment effectivement leur origine il y a 1 500 ans en Inde du Nord.

S'agissant de la langue pré-Babel, c'est comme s'il fallait déconstruire la Tour depuis sa base pour parvenir jusqu'au sommet! Steven Pinker, quant à lui, doute qu'il reste des traces de la langue originelle et qu'il ne nous sera jamais possible de les retrouver.

 

Avancer vers le passé comme pour répondre aux lacunes que le temps n’a pas réussi à combler. Donner le dos à l’avenir tandis que s’ouvre devant soi le passé comme un livre ouvert. C’est entre les lignes du passé que se lit l’avenir. L’âme spirituelle danse comme un feu follet au plus profond, comme un cheval ailé. Comment dompter le mirage Pégase ? C’est au tréfonds de soi que le son premier, l’harmonie de l’Un couve, se nourrit et brûle.

S’agissant du langage, se référant à l’article intitulé « Tuvan » du magazine National Geographic de juillet 2012, des questions essentielles se posent à l’humanité entière : Chaque dialecte recèle-t-il en lui des connaissances irremplaçables, trésors enfouis dans l’inconscient humain, parcelle d’une énigme universelle, pièce originelle et pourtant oubliée d’un puzzle car rejetée dans la marche inexorable d’une uniformisation du langage ? La culture des peuples et populations divers est-elle à jamais perdue car intraduisible dans les langues majeures qui affirment leur monopole autoritaire sur l'univers ? Quels secrets merveilleux, idées à la fois intuitives et subtiles se perdent fatalement avec la disparition de la tour de Babel ? Une langue peut-elle métamorphoser sa façon de penser, changer sa vue du monde ? Imprégner de poésie ou rationaliser la pensée ?

Au bout du chemin, il ne nous restera plus que l'infiniment petit pour répondre à nos interrogations, que notre ADN et les recoins de notre cerveau à prendre pour objet de notre étude. Linguistes, scientifiques résoudront-ils l’énigme de l’origine? Si l’avenir s’ouvre à l’horizon devant nos yeux ébahis, pourquoi nous est-il invisible ? Franchissant l'un après l'autre le seuil des trois dimensions, le présent apparaît comme une ligne de démarcation , un no man’s land, une embarcation au bout du monde, au bord du précipice et prêt à plonger dans la fange des eaux futures.

Et si chaque langue et dialecte recélaient le secret de notre évolution et représentaient une étape dans l’histoire de l’humanité, parcelles héritées du passé.

Cette incapacité à concevoir l’idée même du calcul suggère que la numération est le produit de la culture des individus et non une part intégrante de l’intellect humain. Ce sont les valeurs culturelles qui influencent le parler des communautés ou tribus indigènes, selon Daniel Leonard Everett. C’est l’expérience quotidienne et la mémoire des ancêtres qui colorent l'outil de communication spécifique à chaque population. Selon Everett, la tribu des Piraha n’a pas de conscience collective remontant à plus d’une ou deux générations ni de mythe relatif à la création originelle. Mais comment concevoir un peuple sans mémoire pour lequel seule l’expérience du présent existe ? Le langage naturel exprime l’identité culturelle indviduelle.Et cette identité des Piraha semble être ancrée dans le présent. Vivant au jour le jour, ils n’ont adopté aucun procédé de conservation de la viande et ne stockent pas de farine de manioc à l'exemple des autres tribus amazoniennes .

L’interprétation des couleurs varie aussi d’une langue à l’autre. Un arc-en-ciel, au pied de l'arbre, ne présente pas la même gamme de couleurs suivant les tropiques.

La disparition des langues est à l’image des dragons cachés et tigres tapis, talents enfouis dans les profondeurs de la nuit. Mais qu'en est-il du langage des formes anciennes, telles les sculptures Wollisho des plateaux éthiopiens, le sceptre de danse honorant le Dieu de la Foudre Sango et reconnaissable par le symbole de la double hache et le vase à tête humaine qui se retrouve de l’époque néolithique en Chine à l’Afrique du XIXe siècle dans la vallée de Benoué? Sagesses oubliées des Oromos éthiopiens aux Khoisan d’Afrique du Sud, des tribus Masai aux Hausa, des Kanuri aux anciens Sao...

En Chine, une expression graphique néolithique remonte à 6 000 ans d'après les fouilles effectuées à 賈湖 dans le Henan avec les premiers exemples de textes écrits datant de la période Shang tardive vers 1 200 ans avant notre ère. Il n'a pourtant pas été jusqu'ici possible de lier l'écriture Shang aux symboles néolithiques essentiellement du fait des quelques milliers d'annéees qui séparent ces deux périodes de l'histoire.

Tout est signe et forme dans la nature. C’est dans le réveil de l’humanité que réside sa survie. Le dictionnaire mental qui habite le cerveau humain est riche en symboles et concepts abstraits animés eux-mêmes d’un élan de vie singulier. Ce dictionnaire mental contribue à organiser la pensée et la perception universelles. Il faut prendre la mesure des conséquences profondes causées par les possibilités conceptuelles offertes par les langues et dialectes de l’humanité (K. David Harrison, The last speakers, p.48-49, National Geographic Society, 2010). La langue ne saurait être dissociée ni même interprétée sans l’espace qu’elle occupe parce qu’elle s’appuie sur l’environnement terrestre – rivières et vallées, montagnes et prairies, villes et rues – de ceux qui la véhiculent.

La lecture de l'ouvrage intitulé The Language Instinct par Steven Pinker ( N.Y.:W. Morrow and Co, 1994) m'interpelle: Si l’on parle de conscience, est-elle inséparable d’une forme de langage, ou plus fondamentalement d’une communication, qu’elle soit interne à l’être vivant ou externe ?L’absence de langage ne saurait signifier l’absence de pensée ! Ainsi le dialogue existe. Son existence est corroborée par les recherches scientifiques menées sur les singes et les oiseaux. Si l’on accorde une capacité de communication aux singes, cette conscience cérébrale est-elle absente des arbres de la forêt ? D’où vient le langage ? Naît-il de la pensée visuelle antérieure du point de vue biologique à la capacité d’expression ? Dans The creative Process A symposium (1954), Brewster Ghiselin rapporte les paroles d’Albert Einstein expliquant les étapes du processus de création:

L'intériorisation du dialogue ne saurait se limiter à une langue particulière. D’abord il y eut la conscience collective, puis vint la conscience individuelle. Le langage vint en troisième apporter le dialogue entre les êtres.

Comment dépasser ces barrières invisibles ? Comment redécouvrir la langue des premiers temps, langue secrète aux racines préhistoriques ? Tour de Babel ? Les langues anciennes sont la clef du passé.Les langues sont l’inconscient des errants du devenir. La Papouasie-Nouvelle-Guinée avec plus de 800 langues parlées offre un exemple extrême de la façon dont les langues se comportent comme des groupes exclusifs d’adhésion:

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