art et prehistoire

Le Chaman

Publié le par Ysia

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  The Cave and the Cathedral, explore les rapprochements que l'on peut être amené à faire entre le passé et les coutumes qui ont survécu chez les peuples aborigènes aujourd'hui. Contre l'avis de son auteur, une définition du chaman par les Esquimaux se rapproche au contraire de ma propre  "image intérieure" de l'artiste de la préhistoire :

 

In the coded words of the Eskimos of Greenland, a shaman is "he who is half hidden." This name captures various qualities of the shaman. He lives in the shadows, and he initiates young tribe members into his art in hiding. The shaman is a man of the hidden world: he brings up spirits of the dead, consults with deceased elders, and understands the world beneath our world. Shamans do not belong to groups or clubs--they are solitary... The shaman is also a crafstman or an artist because he makes statuettes and masks, which he uses... (p.149)

 

Et que l'on parle des prémices d'une nouvelle théorie explicative de l'art rupestre et du mythe de l’émergence selon lequel à l’origine les animaux et les humains – encore imparfaits – vivaient sous terre et qu’ils ont un jour émergé à l’air libre en passant par une grotte.


 

On peut comparer les grottes ornées à de véritables sanctuaires. Contrairement à une idée courante, les grottes ne sont pas des lieux de vie pour les hommes de la préhistoire. Lorsqu'ils s'aventurent au fond des cavernes, dans des lieux obscurs, difficiles d'accès, inhospitaliers, ce n'est pas pour y vivre, mais pour y pratiquer des cérémonies sacrées, souvent secrètes. Beaucoup de peintures ont été retrouvées dans des galeries et cavités profondes, que l'on atteint après avoir traversé des couloirs très étroits, où même les spéléologues ont du mal à pénétrer.

Cette prise de possession du monde souterrain implique une grande charge émotionnelle. Il faut avoir soi-même parcouru ces galeries sombres, avoir rampé sur plusieurs dizaines de mètres, avec une petite lampe à huile en main, pour comprendre la forte impression que peut ressentir un homme dans cet univers souterrain. En pénétrant dans les profondeurs des grottes, les premiers hommes ont le sentiment d'accéder à un autre monde. Il y a manifestement une dimension symbolique. Et c'est là qu'ils ont décidé de peindre des animaux, des figures humaines stylisées, des signes abstraits. Tous ces motifs ont manifestement une signification magicoreligieuse.

...La signification complète de ces images nous restera toujours en grande partie inaccessible, car nous n'avons pas de témoignage direct sur les rituels, les mythologies, les cérémonies associées à des peintures. Mais en explorant à fond une caverne, en essayant de s'appuyer sur les témoignages ethnologiques, là où l'art rupestre a survécu jusqu'à récemment, comme en Australie, on peut tenter quelques hypothèses.

Si l'art préhistorique est associé sans aucun doute à des croyances et pratiques sacrées (comme le fut l'essentiel de l'activité artistique jusqu'à récemment dans l'histoire de l'humanité), pour ma part je ne pense pas que l'on puisse tout réduire à une seule grille de lecture, chamanique, par exemple. Prenons un exemple. Dans la grotte de Pech-Merle, le panneau des chevaux fait quatre mètres de long et comporte 250 motifs ; il se trouve dans une vaste salle qui peut contenir 50 personnes. La disposition des peintures sur les parois nous montre que cet art est destiné à être vu en groupe. C'est un art qui s'affiche, un peu comme les grandes fresques peintes sur les parois des églises. Dans ces grandes salles avaient peut-être lieu des cérémonies collectives : cérémonies totémiques où l'on célèbre l'animal sacré, cérémonies destinées à favoriser la chasse ou cérémonies d'initiation des jeunes, etc. ? Toutes ces hypothèses sont possibles. Mais, dans la même grotte de Pech-Merle, on trouve aussi des oeuvres situées dans des recoins presque inaccessibles, dans des zones que l'on ne peut voir qu'en solitaire après avoir franchi de longs boyaux étroits. Dans une alcôve, de 30 centimètres de hauteur, on distingue alors 10 grosses ponctuations rouges sur la voûte. Cet art-là s'adresse aux esprits et est lié à une pratique solitaire, mais nous ne savons pas si l'auteur des ponctuations était un chamane ou un prêtre ou tout autre personnage. Il pénétrait dans le « Saint des Saints » réservé aux initiés ou, du moins, dans un lieu qui n'a pas été fréquenté de façon répétitive : nos connaissances et supputations se résument à cela.

...Je crois effectivement que l'étude des cathédrales est de nature à nous aider à nous forger quelques rudiments d'hypothèses sur l'art des grottes ornées et ses fonctions. J'ai retrouvé dans les grottes ornées paléolithiques des traces de rites d'aspersion, d'attouchements des parois et des oeuvres, de repeints, d'utilisation des caractéristiques acoustiques du lieu pour la création de sons rythmiques, toutes choses que l'on note encore aujourd'hui dans l'ensemble des sanctuaires de l'humanité.

L'art des premiers hommes. Entretien avec Michel Lorblanchet. Hors-Série N° 37 Juin/Juillet/Août 2002

La caverne en tant que cathédrale, temple dont la disposition respecte les règles d'une religion primitive, aire d'initiation que ne sauraient démentir les marques laissées sur les parois par des mains d'enfants notamment dans les grottes de Gargas et de Cosquer et les traces avérées de leurs pas. (A consulter  à cet égard sur le site de l'Archive Ouverte Multidisciplinaire l'aperçu de Romain Pigeaud du Département de Préhistoire du Muséum national d'Histoire naturelle : Les rituels des grottes ornées. Rêves de préhistoriens, réalités archéeologiques) . Ces impressions de mains sur les parois sont en fait la preuve d'un langage et d'une sensiblité tactiles que l'on retrouve chez les aborigènes australiens et leur prédilection au toucher:

 

The temperament of the Aboriginals of the Western Desert had a predilection for a sensibility of touch, a hapticity or physical quality different from the visual sensation of eyesight. I had observed this haptic quality in connection with the art work and in much of the way of life, for when telling of a ceremonial object a man would feel the incised scoring in the stone or wood and move his hand along the lines and across the object;... (Geoffrey Bardon and James Bardon, Papunya,The Miegunyah Press, reprinted 2009, p.42)

 

 

 

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Réalité et observation de l'art préhistorique

Publié le par Ysia

Man has developed consciousness slowly and laboriously, in a process that took untold ages to reach the civilized state (which is arbitrarily dated from the invention of script in about 4 000 B.C). And this evolution is far from complete, for large areas of the human mind are still shrouded in darkness. What we call the 'psyche' is by no means identical with our consciousness and its contents.

Who ever denies the existence of the unconscious is in fact assuming that our present knowledge of the psyche is total. And this belief is clearly just as false as the assumption that we know all there is to be known about the natural universe.

Man and his symbols, conçu et édité par C.G. Jung, Aldus Books Limited, London, 1964, p.23

Lentement et avec peine, l'homme a renforcé sa conscience depuis l'apparition des premières espèces humaines il y a 6 millions d'années au fur et à mesure que la taille du cerveau humain grossissait et ses mécanismes devenaient plus complexes. L'Homo Sapiens, l'homme qui sait, est né il y a 200 000 ans.

Un processus rétroactif caractérise l'évolution de l'homme: une fois libéré des nécessités biologiques élémentaires, la pensée a poussé l'évolution humaine dans la direction qui lui convenait, particulièrement dans la relation entretenue entre la main et le cerveau.

Marcel Otte, Les origines de la pensée - Archéologie de la conscience, Mardaga, 2001)

L’art abstrait et figuratif constitue un medium largement reconnu permettant de prendre la mesure de l’évolution cognitive de l’Homme moderne.  Les représentations figuratives expliquent le subconscient profond de l’artiste tout en communiquant visuellement une culture commune. Les premiers indices d'une pensée abstraite, d'un art primitif comme les pierres gravées de Blombos (Afrique du Sud) sont apparus il y a plus de 70 000 ans, empreintes controversées, et les grottes ornées du Sud de l'Europe.

Il est raisonnable de penser que dans un passé plus ou moins proche il existait des sociétés humaines organisées selon des traditions culturelles dépourvues des innombrables symboles qui animent et parfois hantent les civilisations de notre ère. Depuis quand l’homme est-il « moderne » ? Depuis quand a-t-il acquis les caractères que l’on associe habituellement au propre de l’homme : langage, usage de symboles, art, pensée religieuse ? Bon nombre de ces comportements ne se fossilisent pas et il revient aux archéologues d’identifier et de dater les indices de leur émergence dans la culture matérielle de nos ancêtres.

https://www.cairn.info/revue-diogene-2006-2-page-147.htm

Blombos Cave engrave ochre 1

Durant des décennies, le premier exemple d’art pariétal était les peintures figuratives de la grotte de Chauvet il y a plus de 35 000 ans. Jean Clottes, célèbre spécialiste de la Préhistoire, l'a évoqué dans le fabuleux documentaire The Cave of forgotten dreams de Werner Herzog : c'est grâce à la perméabilité du cerveau et à la fluidité de la pensée que l'homme s’est adapté aux circonstances et qu’il a appris la vie. Cela place l’art pariétal au Protoaurignacien, première phase du Paléolithique supérieur de l'Italie et première culture de l'homme moderne de Provence, une période associée aux néanderthaliens qui précède l’arrivée des Homo sapiens en Europe de l’Ouest.

La datation de l’art pariétal est complexe. Mais une équipe de chercheurs a bénéficié de conditions favorables dans une grotte de l’île indonésienne de Sulawesi, qui ont permis d’établir que les peintures n'ont rien à envier à celles des grottes d’Europe de l’Ouest. Au moyen des séries de l’uranium, la datation des concrétions recouvrant une main soufflée au pochoir à Leang Timpuseng est d’au moins 40 700 et d’un cochon-cerf de Leang Barugayya de 36 900 ans. Les chercheurs ont réussi à calculer l’âge minimum de la peinture en datant le dépôt qui s’est accumulé sur le pigment. Ils ont observé que le calcite s’accumule graduellement sur la surface du fait de l’eau riche en minéraux qui s’est infiltrée à travers les murs de calcaire des grottes. Ce dépôt contient de l’uranium qui se désintègre en thorium à un rythme connu. Les peintures peuvent être datées à partir du rapport de concentration entre les deux éléments. Cette découverte soulève une autre question : Est-ce que les populations en Asie du Sud-est et en Europe de l’Ouest ont développé un sens artistisque indépendamment l’une de l’autre ou faut-il y voir une pratique initiée par les premiers humains avant qu’ils ne quittent l’Afrique ?

Depuis des années, les archéologues savaient que l’Afrique méridionale était le berceau d’un art pariétal riche et bien connu produit par des chasseurs-cueilleurs au paléolithique supérieur, mais ils n’étaient pas à même jusqu’ici de dater avec précisions ces créations. L’art pariétal le plus ancien en Afrique du Sud sont des figures humaines sur des dalles exfoliées de la grotte de Steenbokfontein, datées par la spectrométrie de masse par accélérateur (SMA) sur le charbon de bois à 3640-3635 avant le présent. La même méthode sur le pigment au charbon des écailles d’un panneau peint dans le Drakensberg donne une datation approximative de 2100 avant le présent. Certains des premiers exemples de formes d’art portable sont des figurines de Tan Tan au Maroc, associées à l’industrie lithique du milieu de l’Acheuléen provenant d’un dépôt fluvial et datant de 300 000 à 500 000 ans et de Berekhat Ram en Israël datées de 250 à 280 avant le présent grâce à la radiodatation par la méthode Argon-Argon. Grâce à une méthode innovatrice, la spectrométrie de masse par accélérateur (SMA) et en utilisant des protocoles améliorés, de nouvelles datations confirment que l’art pariétal dans le Sud-est du Botswana a été créé dès 5723-4420 avant le présent. Ces mêmes techniques pourraient éventuellement s’appliquer ailleurs dans le monde.

La datation de l’art mobilier abstrait en Afrique méridionale est entre 500 000 et 187 000 ans et aussi récemment que les années 1800. Étant donné les preuves découvertes que le comportement de l'homme moderne a commencé en Afrique subsaharienne, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’art mobilier date du pléistocène moyen et supérieur. Sept plaques de pierre de la grotte Apollo 11 en Namibie sont l’exemple le plus ancien d’art figuratif africain datant au radiocarbone et par la luminosité optiquement stimulée (OSL) de 30 000 ans. La grotte Apollo 11 est située dans une falaise de calcaire le long du cours supérieur du fleuve Nuob dans les montagnes Huns de la région de Karas dans le sud de la Namibie. Les fouilles commencèrent en 1969. Les 11 plaques aux traces de pigment noir, blanc, orange ou rouge représentant des animaux - une antilope oryx, un rhinocéros ou un zèbre notamment - recouvrées dans la grotte, ont environ 30 000 ans. Elles constituent le premier exemple d’art figuratif en Afrique et sont contemporaines des exemples découverts en Europe et en Australie. Leur apparition concomitante en Afrique, en Australie et en Europe incite à la réflexion, peut-être signifie-t-elle que la production d’art mobilier figuratif n’a pas d’origine géographique et culturelle unique. Les preuves actuelles montrent que l’art figuratif est apparu pour la première fois dans diverses régions et à différentes dates mais pas avant 35 000 ans environ.

L'art pour l'art! Le déclic produit dans le cerveau de l'homme préhistorique quand il prend enfin conscicence de sa puissance cognitive qui l'habite est-il à l'origine de ce qui l'a poussé à démontrer encore et encore et à répéter l'expérience de sa propre liberté créative, tel un enfant qui apprend à marcher et ne cesse de vouloir maîtriser son nouveau talent? Interpréter l'art pariétal ou rupestre dans le contexte anthropologique de l'évolution de l'intelligence humaine dont la pensée symbolique est une étape dans la longue marche qui mène à l'homme moderne. Le fossile découvert en 2008 de l'Australopithecus sediba en Afrique du Sud datant de près de deux millions d'années, donne la preuve de son habilité manuelle bien avant l'apparition de l'Homo habilis et de l'Homo Sapiens. Ses mains ont été l'instrument de sa conquête de l'univers et de son lent apprentissage quotidien. C'est de cet acquis qu'a germé son savoir. Les représentations de l'être humain sont à l’ origine rares dans l’art préhistorique. L'homme préhistorique, comme les peuplades indigènes des temps modernes, voit dans la reproduction de son image physique le risque d’y perdre son âme voire sa vie. Les femmes sont plus souvent représentées que les hommes. Les sculptures et gravures dites Vénus préhistoriques, tant paléolithiques que néolithiques, plus répandues que l’art pariétal notamment en Europe sont de fait « transculturelles ». Nonobstant les motifs géométriques du site préhistorique de Blombos en Afrique du Sud remontant à 70 000 ans, dès l’Aurignacien (35 000 ans avant notre ère), l’homme préhistorique a laissé en France les traces de signes géométriques. Les représentations des espèces animales de la préhistoire, dont certaines sont disparues, étaient-elles répandues jusqu’en Orient, notamment celles des caprinés, des chevaux (de Prjevalski, de Riwonché ou de Nangchen) et des ours ? Notons la présence du hibou dans la Grotte de Chauvet vieille de plus de 30 000 ans, thème souvent repris dans l'art ancien chinois. Ce sont les êtres hybrides, les monstres formés par les parties d’animaux différents et les figures mi-animales mi-humaines qui captivent mon imagination.

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Anthropologie psychoanalytique

Publié le par Ysia

Dressée sur son perchoir surplombant l'éternité dans son infinie solitude, à quoi songe la buse? Et les derniers dragons d'Afrique, ptérosaures survolant la terre il y a des milliers d'années sont-ils le réceptacle d'une sagesse millénaire transmise aux éperviers et faucons impassibles? Et les arbres sur les branches desquels se posent les buses sont-ils des humains pétrifiés, condamnés au silence ? Quels sons hantent l'océan vingt mille lieues sous les mers ? L'absence de sons. Où en sont allés les chants de la baleine à bosse ? Un dialogue muet aux cordes sensibles invisibles s'instaure entre l'âme de l'homme et celle de la baleine. Les baleines grises lorsqu'elles s'approchent cherchent à communiquer. Mais que cherchent-elles à dire ?

Ysia

Il me semble nécessaire de revisiter le thème de l'art pariétal et de noter les trois articles suivants : L'un sur les représentations des mains et la possibilité que le Néanderthalien lui aussi appliquait ses mains sur les parois (The chronology of hand stencils in European Palaeolithic rock art: implications of new U-series results from El Castillo Cave by Paul Pettitt, Marcos García Diez (academia.edu)), le deuxième comparant les découvertes archéologiques et l'analyse des sujets animaliers représentés (Animal engravings in the central Sahara: A proxy of a proxy by Maria Guagnin), le troisième sur la durabilité des traditions de l'art pariétal soit par surimposition ou restauration (The Rock Carvings of the Messak: Monuments in a Changing Landscape by Maria Guagnin).

Le 14 mars 2011, j'écrivais :

On veut attacher à la pensée primitive une dimension métaphysique. Sur la base des technologies modernes et de l'interprétation statistique des données numériques, on attribue à ces œuvres d'une époque reculée le rang honorifique de traité de la nature, apogée culturelle. Aujoud'hui, les mathématiques règnent rigoureusement sur notre entendement sans plus accréditer ni l'intuition ni les processus sensoriels. De la représentation majoritaire des animaux dans l'art pariétal et leur classification, on a conclu à la suprématie du bovin (bison essentiellement notamment en France et en Espagne) et du cheval dans la psyché des peuples anciens. L'intellect de l'homme moderne n'admet aujourd'hui que la raison. L'anthropologie psychoanalytique tente de puiser dans la psychologie moderne les réponses aux questions et énigmes des peuples anciens, comme si l'humanité toute entière était pareille à un enfant qui apprit à entendre et reconnaître les sons, à  faire vibrer ses cordes vocales pour les faire chanter ou communiquer dans ses échanges avec soi et les autres, à maîtriser ses capacités motrices et à parfaire éventuellement  la relation quintessentielle entre la main et le cerveau. Et que l'on reparle de l' évolution psychique et de l'origine des facult és humaines...

Dans la grotte de Gargas, les représentations des mains et des doigts ont été scrupuleusement dénombrées dans le but de décrypter leur mystère, mais c'est l'explication spontanée que donnent deux aborigènes de la main dans la niche, qui retient mon attention:

They brought  in an African San tribesman from Kalahari and also an Australian aborigine to look at the hand. Both men, from societies that live oceans apart, gave the same explanation: This hand, as they interpreted it according to their own traditions, was a representation of people reaching for the world beyond. The deepest part of the cave is the end of our world, both men said. The hand is reaching for what lies beyond the cave, beyond our world, and is found in the realm of the dead and the ever-after. (The Cave and the Cathedral, p.120-121)

 

Méandres (2)

Papunya

   

Comment l' homme de la préhistoire se déplaça-t-il dans le sombre labyrinthe des grottes ornées ? C’est le son de sa voix qui guida ses pas. C'est parce qu'il s'en donna les moyens techniques (outils de travail, pigments de couleur), et qu'une relation inédite s'instaura entre ses facultés de penser, d'exécution manuelle, d'expression vocale et d'écoute des sons produits que l’artiste de la préhistoire eut le pouvoir de créer.

Le choix des emplacements de figures a été fait en grande partie pour la valeur sonore de ces emplacements (Reznikoff, I. & Dauvois, M. (1988). “La dimension sonore des grottes ornées”. Bulletin de la Société Préhistorique Française 85 (8), 238-246).

 

Les sons ont-ils influencé la psyché de l'homme ancien ? Iégor Reznikoff met en lumière la résonance des parois.  Mais il va plus loin en donnant les preuves de l'utilisation par l'homme préhistorique de cette propriété à des fins rituelles et artistiques et en présentant une corrélation entre les représentations de signes ou d'animaux et la courbe de résonance  

 

A remarkable discovery in the study of ornate caves is the relationship between painted red dots in narrow galleries, where one has to crawl, and the maxima of resonance of these galleries. While progressing in the dark gallery, crawling and making vocal sounds, suddenly the whole gallery resonates: you put the light of your torch on, and a red dot is there on the wall of the gallery. A simple low hm at the right pitch is sufficient because of the strong resonance. Then, it may be like a play; owing to the pleasure to have twenty meters or more of the cave that strongly resonate, one repeats the sound: the whole body vibrates or rather co-vibrates with the gallery, it is like an identification, a deep communion with earth, stone and the mineral elements of Creation (Iegor Reznikoff, “On Primitive Elements of Musical Meaning”, JMM: The Journal of Music and Meaning 3, Fall 2004/Winter 2005 [http://www.musicandmeaning.net/issues/showArticle.php?artID=3.2], sec.2.8)

 

Je ne doute pas du rôle de la résonance dans la production de l'art pariétal et je souhaite méditer sur le constat de la vibration que produisent les sons sur notre ossature, et les émotions générées. Langage, écho du son universel qui ouvre le champ de la conscience par la perception des phénomènes et le traitement des sensations par le cerveau...Sensibilité. 

 

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Ophidien mythique

Publié le par Ysia

Jordan Paper also recently speculated that the taotie in ritual imagery derived "from either a mask-helmet signifying power and authority or the mask that is worn in symbolizing the spirit of the dead to whom sacrifices were offered')." Whether or not one uses anthropological theory or later literary data, without evidence from the Shang period it is not possible to substantiate whether "helpers" or "masks"ever existed in Shang religious practice. ... The moralistic tone in this passage is directly connected with Confucian exegesis of the 3rd century BCE for taotie are exemplary of evil that is recompensed by self-destruction. In another passage from the same text we learn that taotie like qiongqi are nothing but wild beasts without the ability to lead or protect the people. The latter moral message about taotie is documented elsewhere and at length, in the Zuozhuan, a text that corresponds with historical entries in the Chunqiu. There taotie is the name of the mythic power reknown for gluttony and as one of the four directional forces of evil that was destroyed by the heroic ruler Shun.

http://www.academia.edu/20838347/The_Metamorphic_Image_A_Predominant_Theme_in_the_Ritual_Art_of_Shang_China_Part_I

Ophidien mythique

Peut-on parler de mythologie primordiale répandue au gré des migrations humaines sur la planète? Peut-on enfin parler d'une ancienne croyance sortie d'Afrique en même temps que les premiers hommes?

L’image d’un dragon possédant une tête de mammifère, ou avec des attributs de mammifères (cornes, oreilles), se retrouve en Chine, durant la culture Hongshan, entre 4000 et 2000 avant notre ère. De petites images en jade, retrouvées dans des tombes, semblent hybrider dragon et cochon (sanglier?). Leur tête présente systématiquement un museau (qui forme une sorte d’expansion artificielle), des oreilles et des narines, avec une bouche ouverte et deux défenses sur les côtés. Le corps, longiligne, adopte la forme d’un C (Childs-Johnson 1991 : 82-84) et possède parfois une nageoire dorsale. L’origine de l’association d’une tête de cochon et d’un corps reptilien peut s’expliquer par les débuts de l’agriculture et le besoin de voir les troupeaux se multiplier. Le lien entre le dragon et l’eau est ici implicite : des références plus tardives trouvées dans la littérature chinoise classique considèrent le sanglier comme l’incarnation d’un esprit de la pluie et du tonnerre (Childs-Johnson 1991 : 91-93). Par ailleurs, les défenses de l’animal rappellent les cornes de nos autres images.

Julien d'Huy

Le motif du dragon se serait diffusé depuis l'Afrique du sud à la Chine.Et c'est  dans les contes et les mythes que se transmet l'imaginaire primordial.

Les différents types de dragons se diviseraient ainsi, de manière optimale, en trois groupes : — Groupe 1 : Afrique du Sud, Chine, Japon, Australie, Mésoamérique. — Groupe 2 : Grèce antique, aire indo-iranienne, aire celtique, aire germanique, aire slave. — Groupe 3 : Kabylie, Égypte, Hittites, Pays basque, Colombie britannique, Amérique du Nord-Est, Amérique du Mid-Ouest, Indiens des plaines, Grand Sud-Ouest américain, Californie, Basse Amérique centrale, Andes du Nord, Andes centrales.... le motif du dragon aurait quitté l’Afrique et, longeant les côtes du Pacifique, aurait atteint l’Extrême-Orient puis l’Australie et la Mésoamérique (groupe 1 ; une partie du groupe A). De cet ensemble, une élaboration plus tardive du motif (groupe 2 ; soit une partie du groupe A) puisant ses sources dans un substrat plus ancien, aurait suivi la migration des peuples indo-européens (Grecs, Indo-Iraniens, Celtes, Germains, Slaves). Une migration intermédiaire, paléolithique, partie probablement d’Extrême-Orient (étant donné la position centrale de la région), aurait permis la diffusion du motif aux Amériques d’une part et dans le bassin méditerranéen (et en Europe) d’autre part (groupe 3).

Julien d'Huy

L'ophidien mythique possédant une tête de mammifère, ou avec des attributs de mammifères tel que le décrit Julien d'Huy m'interpelle. Cela me rappelle  l'image omniprésente du Taotie 饕餮. Ce monstre indescriptible s'assimile-t-il à la combinaison hybride d'un dragon et d'un sanglier? De la phylogénétique du dragon...

Ophidien mythique
Ophidien mythique
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Paréidolie

Publié le par Ysia

Et si l’artiste de la préhistoire représentait la forme des arbres

Êtres pétrifiés dans les branches entremêlées...

La disposition à reconnaître une présence dans des objets ou des images n'est pas liée à leur proximité à la forme et à la taille humaines : des quasi-personnes sont décelables dans l'infiniment grand - dans des nuages, des agglomérations d'étoiles, des montagnes... - comme dans l'infiniment petit. Des quantités d'êtres invisibles à l'œil nu ou extérieurs au champ de vision humain se laissent percevoir par des moyens scientifiques ou rituels, tandis que d'autres restent en attente de techniques pour les appréhender.

Les humains sont prédisposés à percevoir des personnes dans leur environnement, même et surtout lorsqu'elles sont invisibles. Des indices minimes - un type de mouvement, l'ébauche d'une forme, une sonorité inattendue...- suffisent à faire naître le sentiment d'être en présence d'une entité dotée d'intentions, d'un personnage, quels que soient le mode de perception et les dimensions de la chose perçue.

Branche humaine

Branche humaine

... we see what we expect to see, because it is more diifficult and time-consuming to see what we do not expect to see. This is where pareidolia comes into play: it is part of the shortcut the visual system takes in order to arrive at decisions of how to respond to visual signals. It takes hundreds of milliseconds to process visual data and what the thalamus sends to the cortex is in effect a hastily drawn approximation. For instance we take 200 milliseconds to react to sound, but 240 ms to react to light, the visual system being larger and more complex. The information streaming from the visual centre to the thalamus is about six times greater than that travelling the opposite direction (Eagleman 2015). Reaction times can be crucial to survival, and paradoxically an ambiguity of perception offered an advantage in the Pleistocene (Bednarik 1986a: 202): it made sense to switch to a flight response even when the perceived cave bear turned out to be just a rock shaped like a bear.

Robert Bednarik

Paréidolie
Paréidolie

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Is my identity an artifact, frozen in the past?

Publié le par Ysia

C'est une question qui figurait au centre d'une exposition du Musée national des Amérindiens à Washington et qui pose le problème essentiel de la pertinence de l'existence humaine, a fortiori celle des populations indigènes des îles Hawaï, des Antilles ou d'ailleurs, vestiges d'un passé disparu. Mon identité ne sera plus à l'avenir qu'un objet de musée relégué aux oubliettes. 

 

Hawaiian Turtle

 

La Guadeloupe peuplée durant la période céramique bien après la première île des Caraïbes, Trinidad, recense de nombreux pétroglyphes, anthropomorthes, dont les gravures de Trois-Rivières et des poteries datant du Troumassoide, période céramique tardive, présentant une forme d'oiseau, de grenouille, de chauve-souris ou humaine (Les Tainos commencèrent à pratiquer la soudure au cours de la période céramique tardive). Elle témoigne de l'hybridation des différents modes de culture introduits au fur à mesure des vagues de peuplement, legs d'un passé précolonial tandis que les recherches d’ADN sur des sites archéologiques en Guadeloupe et à Marie-Galante ont montré la lignée génétique proche de celle de la population intérieure du Nord de l’Amérique du sud.

Les faces creusées sur les roches par les indiens Arawaks, peuple autochtone, se retrouvent dans le bois sculpté dans le respect d’un art traditionnel transmis au cours des siècles. Mornes sur l'île, criblés de cryptes telluriennes, dans une abondance de visages ornementaux, de figures humaines rudimentaires aux trous béants. L’imagerie des peuples anciens inclut dans les Caraïbes les figures animales de la chauve-souris et de la grenouille.

Le continent américain est  la terre ancestrale des Arawaks. Un peu comme dans le cas de Hawaii, l’homme ne serait parvenu dans les Caraïbes que tardivement. Les pétroglyphes, placés à différents points d'eau pour solliciter la protection divine, rappellent les mythes des hommes chauve-souris et des femmes grenouilles. On trouve aussi des figures d’oiseaux  et  de jaguars, preuve de l’influence sud-américaine, qui me rappellent les ours des gravures chinoises anciennes.

Red mask

Sur les falaises, le long de la rivière Zuojiang en Chine est représentée la dance de la grenouille car la grenouille était le totem du groupe tribal, ancêtre de la minorité chinoise Zhuang. La légende populaire veut que ces gravures soient celles des dieux grenouilles. Encore aujourd'hui, on célèbre chaque année le festival Maling (grenouille dans le dialecte local) lors duquel la population honore les dieux grenouilles et imite les mouvements de la grenouille lors d'une danse. Les grenouilles seraient les sœurs du dieu du tonnerre, messagères entre le ciel et la terre.

Tout comme les Arawaks qui gravaient les pétroglyphes pour se protéger contre la sécheresse et garantir une bonne récolte, les Zhuang eux aussi pratiquaient des rites similaires mille ans plus tôt (Bradshaw foundation).

 

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La grotte de Chauvet

Publié le par Ysia

Faut-il limiter l’art pariétal à la période entre les premières heures de l’âge de bronze jusqu' à 4 000 ans avant notre ère ?  L’art pariétal est-il insaisissable comme s’il cherchait à éluder notre questionnement ? Et qu'en est-il de l'art rupestre des aborigènes qui perdure sur les roches au cours des siècles en Australie ou ailleurs?

Le temps est son créateur.

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Autres Taotie 饕餮

Publié le par Ysia

Autres Taotie 饕餮
Autres Taotie 饕餮

Est-ce un homme crocodile ou un homme singe ? Un mille-pattes ?

De la Chine à Bornéo, du Panama au mythe de la création du peuple Maidu, la même image revient dans mon esprit.

Autres Taotie 饕餮

Mille-pattes? Ombres chinoises...

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Temps linéaire

Publié le par Ysia

Temps linéaire

Des silhouettes mésolithiques espagnoles d'inspiration africaine aux figurines chinoises

Temps linéaire

Le temps, en soi, est invisible. Qu’il se manifeste sous les espèces du mouvement (déployé dans l’espace) ou de la métamorphose (sans déplacement), sa figuration littérale implique la durée, dimension dont la peinture est précisément privée. Peindre le temps apparaît donc comme une gageure, un paradoxe.
Mais c’est un paradoxe fécond. Car des cavernes jusqu’à nos jours, les démentis sont si nombreux qu’on pourrait écrire une histoire du temps en faisant celle de la peinture.

Des hommes de science aux prises avec le temps,PPUR presses polytechniques, 1992, p.75

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Mémoire

Publié le par Ysia

L’être n’est qu’un avatar permettant la transmission de l’information. Une archive du passé en nous recélée. La vie a commencé puis s’est divisée infiniment de mutation en mutation, de la première cellule il y  a quelques trois milliards huit cent millions d’années jusqu’au jour d’aujourd’hui. L’ADN est une horloge qui nous permet de remonter dans le temps. Ma capacité mnésique s’en va en fumée. Je m’interroge sur la vie d’avant l’écrit et la signification du support graphique, notamment pariétal. Comment concevoir le passé au cœur d’un système sémiologique sans le contexte lié au temps ?

Publié dans Art et Préhistoire

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