Sur l'origine de la thérianthropie
Je sais qu'il ne faut pas confondre réalité et observation, mais c’est le privilège de l’artiste que d’offrir une approche plus personnelle et subjective de l’art, même préhistorique, et d’individualiser notre monde. Le renne, l’ours, le lapin, le rhinocéros, le cheval, l’antilope, le porc, le lion, le renard et bien d’autres font partie de l’imagerie des peuples anciens. L’homme préhistorique fait sien son pouvoir de réalisation par mimésis à travers les processus que la psychanalyse moderne nommerait paréidolie, apophénie et hiérophanie. Plus de 4 milliards d’années compte notre planète, qui sommes-nous ? La mémoire collective est victime des éboulis du temps par la faute desquels notre oubli a fait tomber le rideau sur les symboles originels.
Sur l'origine de la thérianthropie et s'agissant de l'art préhistorique des grottes en France et en Espagne, l'auteur de The creative explosion écrit :
"Artists frequently drew parts without bodies as well as bodies without parts, isolated horns, heads, legs, necks, and so on. They also have a variety of ways of distorting animal forms, depicting horses for examples with round ballooning or sausage-like "dachshund" bodies, long snakelike necks, and timy heads some with weird "duckbill" mouths. Their works included ambiguous animals, ill-defined creatures with could be horses or oxen or deer, bison or ibeses... - not to mention an abundant menagerie of "monsters" or imaginary species like the so-called unicorn in Lascaux, bears with wolf heads and bison tails, reindeer with webbed feet" (John E. Pfeiffer, The creative explosion, Harper & Row, 1982)
S'agissant des figures inachevées de l'art préhistorique, Denis Vialou affirme: “Il nous a semblé impossible de concevoir qu’il ne s’agissait que de traces accidentelles (peintes) ou de traces de fond (graves). L’éventualité de maladresses d’artistes ou d’ « écoliers » parut d’autant plus invraisemblable que la plupart de ces témoins sont insérés dans les panneaux les mieux composés... L’absence de connotations rationnelles nous a poussé à localiser leur origine dans une ambiance symbolique, diffuse, frustre, primaire" (Denis Vialou, L'art des grottes en Ariège magdalénienne, CNRS, 1986, p.393)
Symboles qui me fascinent. Denis Vialou observe qu'il ne suffit parfois que d'une marque, un signe pour représenter un bouquetin ou qu' une ligne en « S » représentant une corne de bison, à côté d'un œil de bison, suffit à identifier l'animal. Schématisation, dépouillement extrême. Réduction à l'essentiel.
Alors que le propos d'une oeuvre d'art est par le biais d’une tridimensionalité de donner corps à une pensée, c'est vers une simple linéarité, une simplification graphique, une iconographie pure que je tends irrésistiblement.
" Le mystique sait tout en se sachant ignorant ; il peut tout en reconnaissant son incapacité." *
L’art est un miroir dans lequel se reflète une image de nous, une sorte de gémellité : un corps à deux têtes, un poisson à deux têtes, un visage double, une reproduction symétrique d’un objet coupé en deux.
Dans le miroir, il y a l’idée de passage vers un autre monde, un au-delà. Et si dans l’ensemble des choses visibles et invisibles, il y avait une frontière les séparant ? L'homme et sa doublure. Et si l’idée du miroir avait précédé l’objet du miroir et que par la gravure et la peinture, l’homme primitif avait tenté de reproduire l'expérience de son propre dédoublement de l'Un originel ? Et si les rêves n’étaient que résonance ? De l’être à ses émanations.
Faut-il chercher au fond des cavernes les éléments d’une religion primitive qui expliqueraient le comportement de nos ancêtres ?
« N'oublions pas que nous cherchons au fond de l'âme, par voie d'introspection, les éléments constitutifs d'une religion primitive. » (Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, 1932, p.81).
Ainsi l’homme des cavernes incarne notre propre questionnement de l’âme dans la pénombre, de tâtonnements en tâtonnements. C'est du fond denous-mêmes que nous tentons de ramener une révélation de la vérité à la surface de notre conscience . La caverne est un temple dont la disposition respecte les règles d'une religion primitive.
... Etrange association d’idées qui me pousse malgré moi à comparer la Vénus sibérienne (Malta) à une Vierge byzantine !!!!!
* « Le paradoxe dans la mystique : Le cas de Hallâj », Pierre Lory, dans Ésotérismes, gnoses & imaginaire symbolique : Mélanges offerts à Antoine Faivre, éd. par R. Caron, J. Godwin, W. J. Hanegraaff et J.-L. Vieillard-Baron, Leuven, Peeters, coll. Gnostica, 2001.
The phenomenon of pareidolia, of experiencing meaningful patterns in random stimuli, is explained in neurophysiological and neuropsychological terms, before its roles in rock art interpretation are