Parabole de la flèche empoisonnée
On sentit donc le besoin de l’écriture, et elle fut inventée. Il paraît qu’elle était d’abord une véritable peinture, à laquelle succéda une peinture de convention, qui ne conserva que les traits caractéristiques des objets. Ensuite, par une espèce de métaphore analogue à celle qui déjà s’était introduite dans le langage, l’image d’un objet physique exprima des idées morales. L’origine de ces signes, comme celle des mots, dut s’oublier à la longue ; et l’écriture devint l’art d’attacher un signe conventionnel à chaque idée, à chaque mot, et par la suite, à chaque modification des idées et des mots. Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain.
C'est d'un berceau linguistique unique il y a 150 000 ans que sont nées approximativement six mille langues. Les représentations graphiques et symboles préhistoriques qui figurent sur la liste préliminaire de Genevieve von Petzinger sont-ils les prémices d'une écriture ancienne? Amir D. Aczel dans son ouvrage intitulé The Cave and The Cathedral (Wiley & Sons, Inc., 2009, p.39-40) concède que l'on puisse envisager qu'ils aient subséquemment évolué et aient été en quelque sorte partiellement intégrés dans notre alphabet sans pour autant qu'ils constituent en soi un texte gravé sur la pierre.
Il offre une logique symbolique pour les interpréter en mettant en avant le culte ancien du bovin (auroch, buffle, taureau, vache) et en y voyant l'origine du mythe du minotaure. Dans son adoration du "taureau", l'homme préhistorique perdu dans le dédale des cavernes s'identifie à son dieu en devenant cette figure mi-homme mi-animal qu'est le minotaure. Mémoire collective...
En quoi la scène du puits, seule représentation humaine du sanctuaire de Lascaux, corrobore-t-elle la théorie d’un culte originel du "taureau" ? Si, me semble-t-il, un animal est sublimé et son mystère nous transcende, c’est bien l’oiseau, avec la double image de l'être à la tête d’oiseau et de l'oiseau haut perché, qui rappelle le culte de l’oiseau sur l’île de Pâques. Il est d'autant plus intéressant de noter la présence de l'oiseau dans cette scène qu'il apparaît en fait que très rarement sur les parois des grottes ornées de France et d'Espagne (ibid., p.140). Outre son rôle psychopompe dans les traditions fondatrices des peuples anciens, il faut aussi prendre en compte la dimension sonore de l'oiseau, naissance du dialogue à la fois primitif et divin... entre l'homme et l'au-delà.
La scène du puits comporte le panneau ainsi nommé de l'homme blessé. Indépendamment de la question de savoir si toutes les composantes de la scène (l'homme blessé, le bison, le rhinocéros et l'oiseau) sont effectivement du même auteur, le sens final rappelle l'allégorie du miroir. Le bison frappé au flanc par une sagaie symbolise l'esprit de l'homme blessé qui au moment le plus tragique s'interroge sur l'origine de la vie:
un homme est atteint par une flèche empoisonnée, mais avant que le docteur ne l’extraie, il voudrait savoir qui l’a tirée (à propos de l’existence de Dieu), d’où la flèche venait (d’où l’univers et Dieu viennent), pourquoi la personne l’a tirée (pourquoi Dieu a créé l’univers), etc. Si l’homme continue à poser ces questions avant que la flèche ne soit extraite, il mourra avant d’avoir les réponses. (Les Mythes fondateurs, cosmogonie et récits des origines)