De l'origine des mythes

Publié le par Ysia

 

La diffusion des idées sur une immense superficie à travers de multiples contrées est-elle absolument incompatible avec la théorie selon laquelle il y a eu convergence voire parallélisme des phénomènes culturels? Assimilation ou transplantation des formes et concepts qui s’adaptent à leur nouvel environnement spatial ou temporel. Robert Bednarik confirme que des symboles identiques sont apparus aux quatre coins du monde et qu’ils semblent avoir suivi une évolution comparable dans le temps, les plus anciens étant notamment des ronds, traits, cercles, arcs, zigzags,…. (THE OLDEST SURVIVING ROCK ART: A TAPHONOMIC REVIEW by Robert Bednarik, Academia.edu). Si diffusion est un terme faisant référence à la circulation dans l’espace et dans le temps d’idées comme Geneviève von Petzinger en étudie actuellement la possibilité dans le cas des pétroglyphes apparus en Afrique puis transposés dans le Sud de l’Europe par suite de la migration des populations préhistoriques (article du 26 février), les voies terrestres et marines comme l’emblématique Route de la Soie peuvent-elles répondre à la question du comment ? Et que l’on reparle du berceau de l’humanité et du creuset des cultures. Échanges et interpénétrations…Décryptage des influences mutuelles. Le monde est réceptacle d’un incroyable fusionnement. S'agissant des similitudes entre les mythes indiens et grecs, une origine mythique commune pourrait dater d'avant l'Histoire:

 

" ...they may have had a common mythical origin in times beyond our historical reach." Rudolf Wittkower, Allegory and the Migration of Symbols, p. 47, Thames and Hudson, 1977

 

 

Transmission…ou simultanéité dans l’émergence des idées ?

 

S'agissant de la perspective chrétienne sur l'origine de la thérianthropie, Saint-Augustin écrit au quatrième siècle dans la Cité de Dieu, Livre seize, Chapitre VIII:

 

Est-il croyable que des fils de Noé, ou plutôt du premier homme, dont ils sont eux-mêmes issus, descendent certaines races monstreuses d'hommes dont l'histoire profane fait mention. Ainsi par exemple, les hommes qui, dit-on, n'ont qu'un œil au milieu du front; ceux dont la plante des pieds est tournée derrière les jambes; ceux à qui la nature a donné les deux sexes, la mamelle droite d'un homme, la mamelle gauche d'une femme, et qui, tour à tour, dans l'œuvre de la reproduction engendrent et enfantent; d'autres qui manquent de bouche et ne vivent qu'en respirant par les narines; d'autres encore dont la taille est d'une coudée, et que les Grecs appellent pygmées, du mot qui, dans leur langue, signifie coudée; ailleurs, selon les mêmes traditions, les femmes conçoivent à cinq ans, et ne survivent pas à leur huitième année. On rapporte encore qu'il est une race d'hommes n'ayant qu'une jambe sur deux pieds, ne pliant pas le jarret, et d'une célérité merveilleuse ; on les appelle « sciopodes, » parce que, dit-on, étendus sur le dos, ils se défendent à l'ombre de leurs pieds, contre i'ardeur du soleil; quelques-uns sans tête, auraient les yeux dans les épaules, et beaucoup d'autre» monstres, d'espèce ou d'apparence humaine, peints en mosaïque sur le pont de Cartilage, sujets que l'on prétend tirés d'une histoirecurieuse. Que dirai-je des Cynocéphales que leur tète de chien et même l'aboiement, rangent plutôt parmi les bêtes que parmi les hommes? Or, il n'est pas nécessaire de croire à toutes les espèces d'hommes qu'on dit exister. Mais quelque part et de quelque figure que,naisse un homme, c'est-à-dire un animal raisonnable et mortel; quelque insolite que soient à nos sens la forme de son corps, sa couleur, ses mouvements, sa voix ; quels que soient la force, les éléments et les propriétés de sa nature ; aucun fidèle ne doutera que cet homme ne tire son origine de l'homme modèle unique et primitif. Et toutefois l'évidence même distingue quels sont les phénomènes naturels, à cause de leur constance, ou merveilleux , à cause de leur rareté. Mais la raison que l'on peut rendre de certains enfantements monstrueux, peut s'étendre à certaines races monstrueuses. Dieu, créateur de toutes choses, sait où et quand une chose doit être créée, car il sait par quelles nuances de similitudes et de contrastes il doit ordonner la beauté de l'ensemble. Mais l'homme à qui l'ensemble échappe , se laisse choquer par l'apparente difformité d'une partie, faute de connaître la convenance et le rapport de la partie à l'ensemble. Nous savons que des hommes naissent avec plus de cinq doigts aux mains et aux pieds, et cette différence est de toute la plus légère; mais loin de nous le délire de croire que Dieu se soit mépris dans le nombre des doigts humains, quoique son intention nous passe. Et qu'il se produise encore un phénomène plus étrange, celui dont nul ne peut raisonnablement critiquer l'œuvre , sait bien ce qu'il fait. Il y a dans Hippone un homme qui a la plante des pieds en forme de lune, avec deux doigts seulement; ses mains sont semblables. S'il existait un peuple entier ainsi conformé , ce serait une merveille que l'on ajouterait à cette curieuse histoire. Nierons - nous donc que cet homme descende de l'homme unique créé le premier? Les Androgynes , qu'on appelle encore hermaphrodites , sont très-rares; mais il est difficile qu'il n'en paraisse pas de temps en temps; en eux, les deux sexes sont tellement distincts, qu'on ne sait duquel ils doivent recevoir leur nom; cependant l'habitude a prévalu dans le langage en faveur du plus noble, c'est-à-dire du sexe masculin; car l'on n'a jamais donné à leurs noms une désinence féminine. Il y a quelques années, naquit en Orient, un homme double à la partie supérieure du corps (et le souvenir en est récent) et simple à la partie inférieure : il avait deux tètes, deux poitrines, quatre mains, mais un seul ventre et deux pieds, comme un seul homme; et il vécut assez longtemps, pour que la rumeurpublique attirât autour de lui le concours des visiteurs. Qui pourrait énumérer tous les enfantements humains entièrement dissemblables à leurs auteurs constants et certains? Or, comme on ne peut nier que ces individus ne dérivent d'Adam, ainsi, les races mêmes qui, dans les variétés de leur organisation, franchissent, selon certains récils, le cercle ordinaire des lois naturelles , lois pour la plupart des autres races, sinon pour toutes ; — ces races étranges, si toutefois elles rentrent dans les termes do cette définition : «animaux raisonnables et mortels »;—il faut reconnaître qu'elles descendent du père commun de tous les hommes; en admettant néanmoins comme faits véritables ces variétés d'espèces et ces profondes différences entre leur conformation et la nôtre. Car, si l'on ignorait que les guenons , les singes à longues queues et les sphinxs, sont des brutes et non des hommes, certains historiens pourraient bien, dans leur ambition de découvertes, permettre impunément à leur vanité ce mensonge , et nous donner ces animaux pour des races humaines. Mais si les êtres sur lesquels on a écrit ces particularités merveilleuses, sont des hommes, Dieu n'aurait-il point créé ces races exceptionnelles pour nous détourner de croire que, dans la production de ces monstres que nous voyons naître parmi nous, la Sagesse divine, dont la nature humaine est l'ouvrage, se trompe comme pourrait se tromper l'art d'un ouvrier moins parfait? Il ne doit donc pas nous paraître absurde, qu'étant dans chaque race certains individus monstrueux, il soit aussi, dans l'universalité du genre humain, certaines races monstrueuses. Ainsi, pour conclure avec prudence et circonspection, ou ces relations do certaines espèces monstrueuses, sont absolument fausses; sinon, ces espèces n'appartiennent pas à l'espèce humaine; ou si elles dépendent de l'humanité, elles viennent d'Adam. (La Cité de Dieu de Saint-Augustin, Traduction Nouvelle par L. Moreau, Seconde Partie, Paris, 1845)

 

 

 

 

 

Publié dans Art et Préhistoire

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