Au commencement
L’écriture marque le commencement de la civilisation humaine. Elle constitue le moyen de communication essentiel et permet l’accès à l’information. S’il faut dater de la culture Yangshao (cinq mille à trois mille ans avant notre ère) les premiers balbutiements des caractères chinois, l’écriture ossécaille d’il y a trois mille ans constitue une étape primordiale. A la frontière entre l'art et le langage...
Le caractère chinois "voir" 見 (见)
était, à l’origine, composé d’un homme au-dessus duquel était dessiné un œil. Cela signifiait que “voir” n’était pas limité au seul acte optique, mais désignait une relation avec les objets, un contact spirituel avec eux, voire les gouverner (Maryse Shibata & Masumi Shibata, Les maitres du Tch’an (Zen) en Chine, Maisonneuve et Larose, 1985, p.153)
Voir est le résultat. Regarder est l'action. Il faut regarder pour voir et ne pas regarder sans voir.
Les symboles ne connaissent pas de frontière. Des symboles élémentaires tels que la représentation de l’être humain en quelques traits, image commune et primitive, sont pour moi une réminiscence des idéogrammes chinois qu'illustre le développement au cours des âges du caractère ren qui, dans l'écriture osécaille, me fait penser à la onzième lettre de l'alphabet grec, la minuscule lambda.
Au fil des siècles, chaque génération donne sa propre interprétation des vieux symboles, fondée sur la rationalisation du moment. Mais c’est la prérogative des artistes et des poètes de donner leur version spontanée et intuitive des symboles originaux enfouis dans l'inconscient collectif. (Rudolf Wittkower, Allegory and the Migration of Symbols, Interpretation of visual symbols, p. 173-187, Thames and Hudson)
Parce que les mots n’existaient pas, c’est par l’image et le symbole que la communication s’est instaurée. Image tirée des phénomènes. Mais qu’est-ce qui a précédé ? Les phénomènes de l’univers que sont le soleil, la lune et les étoiles, les montagnes, les cours et masses d’eau ou les règles régissant cet univers, lois astronomiques, providence céleste fondée sur la dictature des nombres dans une disposition avancée, un agencement précis ? Les phénomènes tiennent leur réalité dans la science des mathématiques.
Au centre de l'enseignement du Livre des mutations, legs de l'empereur mythique Fuxi, l'idéogramme jing (le puits) n’a quasiment pas évolué depuis l’écriture osécaille des temps anciens et se retrouve identiquement dans les langues japonaise, coréenne et chinoise. Gouffre infernal ou source de vie? Le cercle, symbole de l’éternité, qui s’ouvre comme une bouche dans les entrailles de la terre. Puits de vérité ou puits d’ignorance où la grenouille se complaît au clair de lune. Image sensible et universelle. Puiser au fond du puits pour y tirer un secret enfoui...
A l’origine le caractère chinois chu 出 représentait une tige sortant du sol, réceptacle tellurique, dont le pédoncule porte les fleurs. C’est ce mouvement vers l’extérieur, jet vertical qui symbolise l’ouverture du cœur et de l’esprit par une échappée divine.