Une balade dans la conscience
L'esprit revient sur les évènements passés, les périodes révolues comme s'il vivait dans son propre univers où l’espace et le temps ne font qu’un. Mais si la réalité de la vie est ancrée dans le ici et maintenant, pourquoi l'esprit circule dans ce continuum espace-temps ? Pourquoi l'esprit ne peut-il se soumettre au silence ?
La pensée fonctionne à différents niveaux à l’image d’un réseau d’autoroutes. Il y a la pensée immédiate qui répond aux nécessités quotidiennes, aux tâches présentes. Il y a la pensée pragmatique, intellectuelle qui s’applique à diriger l’existence humaine d’une manière volontariste et obstinée et puis il y a la pensée inconsciente, celle qui ne dit mot, qui ne se dévoile pas consciemment mais qui travaille lentement, minutieusement dans le fond, en arrière-plan. Elle a la prescience de ce qu’elle cherche mais l’être conscient, lui, tâtonne, anxieux de créer dans la matière un résultat immédiat. L'inconscient vaque à son rythme jusqu’à ce que les morceaux du puzzle s’assemblent comme si de rien n’était, comme un fait accompli dans une harmonie en mouvement.
Dans l'immédiat, il m’est arrivé d’être confrontée à moi-même considérant les fois où la pierre se brise sous mes mains comme un point de non-retour qui ne peut plus être rattrapé par une machine à remonter le temps, comme un vase qui se brise, une relation qui s’interrompt ou la mort d’un être. Une épreuve existentielle : le mot est fort mais le ressenti est réel entre ce qui a été et ce qui n’est plus comme au sortir d’un songe où l’on regarde par deux fois pour accepter la réalité du fait. C’est la pierre à laquelle on se soumet.
Dans mon inconscient, j’imagine la vie il y a 50 000 ans lorsqu’il y avait de l’eau sur Mars et que le niveau des eaux sur Terre était si bas que l’Australie et la Nouvelle-Guinée formaient un seul continent. Des êtres physiquement semblables à nous émigrèrent vers le continent eurasien jusqu'en Australie. Une étude a conclu que tous les aborigènes d’Australie descendent de cette population fondatrice unique arrivée lors d’une vague de migration unique. Ils se sont dispersés le long des côtes en quelques siècles et, pendant des dizaines de milliers d’années, ces populations ont vécu isolées.
Opposer la conscience individuelle à la conscience collective, c’est poser la question de savoir si la conscience est un concept relationaliste ou individualiste ou les deux à la fois. S’il s’agit d’un phénomène collectif qui pénètre à tous les niveaux, la substantialité du soi n’est qu’une illusion. La conscience s’est drapée du manteau de l’ADN. Elle a transmis sa mémoire à tous les êtres animés et inanimés. Il n’y a pas d’essence individuelle que le souffle de vie qui s’infiltre dans tous les orifices, que l’on nomme conscience. Il faut parler de réceptivité.
Et le poète de demander : la plante est-elle plus réceptive que l’être humain dans sa façon d’exprimer la conscience ? S’il faut dater les premières plantes qui ont intégré la capacité de photosynthèse à plus de 2,6 milliards d’années, on peut donc expliquer la mémoire des plantes par la mémoire de leur ADN sans se demander comment fonctionne leur mémoire sans cerveau.
La métamorphose des plantes de Goethe nous porte à prendre en considération que les plantes sont des êtres qui naissent, croissent, se reproduisent et meurent. Et si le fait qu’elles s’ouvrent et se ferment suivant les saisons ou l’heure de la journée, qu’elles peuvent « sentir » si leur environnement est favorable ou hostile semble les doter d’une mémoire aux allures humaines, c’est pour mieux confirmer l’existence de leur ADN.