L'esprit des formes

Publié le par Ysia

L’art est l’appel à la communion des hommes. Nous nous reconnaissons les uns les autres aux échos qu’il éveille en nous, que nous transmettons à d’autres que nous par l’enthousiasme et qui retentissent en action vivante dans toute la durée des générations sans parfois qu’elles le soupçonnent. Si quelques-uns d’entre nous entendent seuls cet appel aux heures d’incompréhension et d’affaissement général, c’est qu’ils représentent à ces heures l’effort idéaliste qui ranimera l’héroïsme endormi dans les multitudes. On a dit que l’artiste se suffit à lui-même. Ce n’est pas vrai. L’artiste qui le dit est atteint d’un orgueil mauvais. L’artiste qui le croit n’est pas un artiste. S’il n’avait pas eu besoin du plus universel de nos langages, l’artiste ne l’aurait
pas créé. Dans une île déserte, il bêcherait la terre pour faire pousser son pain. Nul n’a plus besoin que lui de la présence et de l’approbation des hommes. Il parle parce qu’il les sent autour de lui, et dans l’espoir souvent déçu et jamais découragé qu’ils finiront par l’entendre. C’est sa fonction de répandre son être, de donner le plus possible de sa vie à toutes les vies, de demander à toutes les vies de lui donner le plus possible d’elles, de réaliser avec elles, dans une collaboration obscure et magnifique, une harmonie d’autant plus émouvante qu’un plus grand nombre d’autres vies viennent y participer. L’artiste, à qui les hommes livrent tout, leur rend tout ce qu’il leur a pris.

Elie Faure

Publié dans Art et mysticisme

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